Depuis que je couvre le festival Montréal en lumière, j'entends chaque année le même commentaire: c'est cher.

Soit.

Certains repas du festival sont très chers.

Prenez le repas anniversaire de samedi soir à 300$ par personne. Voilà qui n'est certainement pas accessible à tous, peu importe que le repas soit uniquement arrosé de champagne Moët (et d'un peu d'eau des gicleurs du Reine-Elizabeth quand l'alarme d'incendie se déclenche comme ce fut le cas) ou cuisiné par six chefs français, cumulant entre eux 10 étoiles Michelin.

 

Et quand le repas n'est pas tout à fait à la hauteur des attentes, comme ce souper tout étoilé - mis à part le turbot au vin jaune d'Alain Passard, avec son chou braisé et sa pomme de terre fumée, je suis restée sur ma faim côté audace, modernité et créativité -, la facture est d'autant plus douloureuse.

Cela dit, le festival Montréal en lumière demeure une occasion incroyable de manger de la cuisine prestigieuse pour une fraction du prix. Un trois étoiles à 300$ par personne chez Toqué!, incluant vin et service, peut sembler, avec raison, astronomique. Mais à Paris, il faut compter 360 euros, AVANT vin et service, pour le menu gastronomique de L'Arpège, le restaurant du président d'honneur du festival... Et c'est sans parler du billet d'avion et de l'hôtel.

Donc, pour ceux qui en ont les moyens et pour qui bien manger fait partie de ces luxes qu'ils ont envie de s'offrir, le festival offre réellement des occasions exceptionnelles de s'offrir un repas de qualité.

Ceci ne veut toutefois pas dire que, pour participer au festival, il faille nécessairement délier allègrement les cordons de la bourse.

Par exemple, à l'hôtel de l'Institut, on reçoit toute cette semaine François Pasteau, de l'Épi Dupin, un restaurant bistronomique du 6e à Paris. Le midi, on a fixé le prix du repas à 18,95$ (alors que c'est 25 euros à Paris) et le soir, le menu est à 50$.

Pour moins cher encore (mais pas de chef invité parisien), il y a aussi les Midis du festival, tous à 12,95$, offerts chez le mauritanien La Khaïma, le marocain Salon Mogador ou le portugais Douro. En tout, sept restaurants participent à ce programme.

L'autre grand événement très rassembleur du festival est la Grande raclette de samedi soir prochain, une fête fromagée qui revient chaque année au marché Bonsecours, où on facture 45$ par personne, service compris. Pas énorme pour se lancer ensuite dans la fête de la grande Nuit blanche de Montréal.

Et puis il y a des activités carrément gratuites. Hier, par exemple, au marché Jean-Talon, le festival accueillait une sorte de minisalon du goût Slow Food, où différents producteurs de la Montérégie présentaient leurs produits et les offraient en bouchée à ceux qui voulaient y goûter.

J'ai adoré le délicieux boeuf sans hormone et nourri aux graines de lin de la ferme Agri-Boeuf, de Saint-Jean-sur-Richelieu. La productrice en avait fait braiser un gros morceau, de la poitrine (ce qu'on appelle ici souvent brisket), dans du vin rouge, avec oignons et aromates, pour en faire un plat hyper-douillet.

Les producteurs du Gré des champs étaient aussi présents, avec leur délicieux fromage au lait cru, et faisaient signer une pétition pour la sauvegarde de cette industrie naissante durement touchée par la crise de la listériose.

J'ai aussi papoté longuement avec un producteur de pleurotes et d'asperges de Granby, Mathieu Beaudry, qui se faisait un plaisir d'expliquer à tous, équipement à l'appui, comment poussent ces délicats champignons. Saviez-vous qu'ils sortent d'un sac rempli de paille mouillée imbibée de spores?

Comme j'avais encore faim après tout ça, je me suis arrêtée chez Havre-aux-glaces prendre une glace à l'orange sanguine. Pour 2,75$, un festival en soi.

***

Coup de coeur: Encore pour une raviole, cette fois farcie aux champignons par Philippe Etchebest, de l'Hostellerie de plaisance (deux étoiles) à Saint-Émilion, et mangée samedi soir au repas 10 étoiles du festival.

***

Question: Est-ce une bonne idée cette réinvention ludique des gâteries de l'enfance trash, tendance très à la mode, qui trouve aussi sa place dans la haute gastronomie française? Samedi, le chef Gérald Garcia de La Pomarède (une étoile) a préparé au dessert une crème au Carambar.

***

Le plan: Aller manger un midi cette semaine au restaurant de l'ITHQ où cuisine François Pasteau, du restaurant parisien l'Épi Dupin.

***

Potin: J'ai demandé à quelques chefs et journalistes parisiens où ils étaient allés manger à Montréal jusqu'à présent et quels restaurants ils avaient aimés. Enthousiastes, ils ont répondu: Toqué!, La Montée, La Fabrique, Les Cons Servent et Leméac.