Le jour du lancement de sa campagne électorale, le chef de l'Action démocratique, Mario Dumont, s'est un peu pris pour Barack Obama.

Il ne s'est pas comparé personnellement au nouveau président américain désigné. Mais il a expliqué, en gros, que si les États-Unis avaient leur Obama, au Québec, c'était l'ADQ qui incarnait le changement. Et que ce parti serait la brise vivifiante capable de tasser les anciens leaders et mettre à leur place des représentants neufs et inspirés issus de la génération post-baby-boom? M. Dumont croit donc que le visage du renouveau, c'est lui.

Par déni, probablement, j'avais décidé de ne pas m'attarder à cette comparaison hallucinante exprimée mercredi dernier, jusqu'à ce que la réalité revienne me frapper de plein fouet dimanche soir, aux nouvelles, en entendant Dumont lancer sur son ton indigné habituel toutes sortes de choses plus négatives les unes que les autres au sujet du multiculturalisme, ce monstre à l'assaut de nos traditions, en commençant par nos bons vieux cours de religion.

D'abord, je me suis demandé de quoi exactement Mario s'ennuyait au sujet de nos cours de religion post-Révolution tranquille. Du coloriage? De l'Évangile en bande dessinée? Des chansons?

Mais c'est surtout le demi-tour complet effectué par le chef adéquiste en quatre jours qui m'a estomaquée. D'émule d'Obama, il était soudainement rendu dans la foulée de Sarah Palin, une autre grande amatrice d'Adam, Ève et autres récits bibliques.

En se rangeant dans la lignée des Stephen Harper et John McCain avec cette affection pour la «tradition», le chef adéquiste ne fait peut-être pas encore complètement hara-kiri, mais il se positionne dangereusement.

D'abord, ce n'est pas comme si la vision conservatrice de la société à la Harper avait fait fureur au Québec aux élections d'octobre. Les Québécois ont préféré en majorité le Bloc, un parti indépendantiste qui a toujours voulu se positionner comme le visage moderne du nationalisme et qui n'a jamais brandi de crucifix pour associer traditions et identité québécoises.

Ensuite, pas plus tard que la semaine dernière, chez nos voisins américains, les républicains ont été battus clairement par un parti et un président qui incarnent le métissage, la diversité culturelle, la modernité de la jeunesse branchée sur l'internet. Un président, pro-choix, issu d'une famille monoparentale, qui a lui-même fondé sa famille urbaine où père et mère sont tous les deux professionnels.

Bref, le gars qui a gagné haut la main navigue en sens contraire du courant rural-traditionaliste sur lequel d'abord Bush puis Harper ont vogué depuis plusieurs années. Mais M. Dumont, lui, pense remporter ses élections en parlant de Jésus dans les écoles de rang et en s'insurgeant contre la chasse aux sapins de Noël...

Est-il venu faire un tour dans les centres commerciaux de Montréal récemment? Me semble qu'il manque de symboles de Noël...

Je ne suis pas une stratège électorale démocrate à la James Carville ou David Axelrod, mais voici des chiffres qui en disent long sur la recette gagnante d'Obama: 66% des 29 ans et moins ont voté pour lui, 70% des gais, 63% des électeurs n'ayant pas terminé leurs études secondaires ET 58% des électeurs détenant maîtrise ou doctorat... Célibataires? 65% des appuis. Jeunes familles? 53% des appuis.

Ces chiffres nous parlent d'une nouvelle coalition de gens de tous les horizons, de la modernité d'une nouvelle classe moyenne qui veut des leaders qui lui ressemblent et qui lui parlent.

Quand M. Dumont fait référence à l'élection américaine et dit: «Il y a là certainement une énergie, un mouvement qui va faire vibrer le Québec, qui doit nous inspirer, faire réfléchir nos citoyens», il a raison.

Sauf que le parti de Mario Dumont est loin de suivre cette trace. En fait, il est entré sur l'autoroute dans le sens contraire du trafic, dans le sens inverse d'une bonne partie de l'Amérique.