La vie est plus folle que la fiction, dit-on souvent. Mais à ceci j'ajouterais: à condition qu'elle mette en scène les bons personnages.

Mettez-nous une série de costards gris en campagne électorale derrière un lutrin beige, soir après soir, après soir, sur nos écrans télé, et on ira tous se réfugier chez les Beautés désespérées ou les reprises de Sexe à New York.

Ainsi, on peut dire bien des choses sur les idées, les choix politiques et les qualifications de la candidate républicaine Sarah Palin pour occuper le poste qu'elle convoite. Mais deux mois après l'arrivée du personnage sur la scène de ce grand spectacle qu'est la politique américaine, force est de constater une chose: elle «met de l'action».

On a beau la trouver nulle, tarte, sympathique, courageuse, imbuvable, peu importe, elle retient notre attention, nous oblige à nous rappeler qu'un exercice démocratique a lieu, que des enjeux énormes sont au bout du crayon ou du bouton. Même ceux qui se réveillent la nuit pour la détester s'attardent à son cas.

Pas étonnant donc que la chanteuse Madonna ait choisi d'en faire un des personnages de sa tournée Sticky and Sweet.

Elle n'en fait pas une imitation. Elle ne se déguise pas en Palin, ce qui coûterait, apparemment, 150 000$ de tailleurs chez Saks, Barneys et autres Neiman Marcus, ou «Needless Mark-up», comme dirait le commentateur Keith Oberman de MSNBC.

Tout ce qu'elle fait, c'est qu'elle en parle à chaque spectacle. Elle dit qu'elle la déteste, qu'elle n'est pas la bienvenue à son party. À New York, elle l'a même appelée «Sarah F... Palin». Tout pour choquer. Mercredi, au Centre Bell, Madonna a demandé à ses caméramans d'aller chercher des images de quelques gars dans la foule qui portaient des t-shirts «Sarah Palin Sucks» pour que le tout soit projeté sur ses immenses écrans géants.

Bref, Madonna utilise Palin pour promouvoir le vote pro-Obama - à la sortie du concert à New York il y avait même des équipes démocrates pour aider les spectateurs à s'enregistrer sur la liste électorale -, une position qu'elle défend sans la moindre ambiguïté. Mais elle s'en sert aussi pour provoquer une réaction.

Madonna est démocrate. Mais c'est aussi une amatrice de scandale, de controverse, de publicité.

Et en ce moment, pouvait-elle trouver quelque chose de plus efficace pour faire parler d'elle que de sauter sur le train médiatique appelé Palin?

En fait, on dirait que sur le chemin tracé par Hillary Clinton, maintenant Sarah Palin, même détestée par les démocrates, l'intelligentsia en général et les féministes traditionnelles en particulier et de plus en plus de républicains, est en train de façon générale, de continuer d'attirer les femmes vers la chose politique.

Dans un éditorial vidéo, le webzine Salon nous indiquait cette semaine qu'aux États-Unis, même les émissions de télé diffusées le jour et s'adressant à des publics féminins avec des sujets dits traditionnellement féminins - The View, Oprah, The Ellen DeGeneres Show etc. - ont commencé avec cette élection à s'intéresser aux sujets politiques et accélèrent le rythme depuis quelques semaines.

Comme si d'abord Clinton et maintenant Palin avaient eu l'effet, qui peut paraître une évidence, d'agrandir à un nouveau niveau beaucoup plus large qu'avant, le public féminin intéressé par la politique. Le tout en allant chercher des femmes qui avaient besoin de s'identifier aux personnages mis en scène pour s'intéresser à l'action.

La simple présence de femmes sur l'estrade semble aussi avoir agi comme levier pour convaincre les chaînes américaines d'inviter plus d'analystes politiques femmes. C'est du moins une impression qui se dégage lorsqu'on regarde la télé et on se dit que c'est probablement parce que ces médias estiment que les femmes diront sur les femmes des choses que les hommes n'oseront pas affirmer... Les instituts de recherche américains sur les médias nous fourniront sûrement chiffres et analyses à cet égard après l'élection.

Et, autre vecteur de diffusion, que dire des rôles en or que les deux politiciennes ont offert aux humoristes femmes, en commençant évidemment par Amy Poehler - qui nous a livré de brillantes imitations d'Hillary Clinton durant les primaires - et Tina Fey, devenue la star du moment grâce à son immense talent et sa ressemblance avec Sarah Palin.

Bref, depuis deux mois, on parle politique comme jamais dans les soupers de filles. Ce phénomène encouragera-t-il plus de femmes à participer à la vie politique, voire à faire le saut? Bref, à voir cet univers comme le leur, aussi.

Et devra-t-on remercier Hillary et... Sarah?