Maureen Dowd, la chroniqueuse du New York Times, a écrit, quand la républicaine Sarah Palin est arrivée sur la scène électorale fédérale, que la campagne américaine prenait soudainement des airs de «film de filles».

Maureen Dowd, la chroniqueuse du New York Times, a écrit, quand la républicaine Sarah Palin est arrivée sur la scène électorale fédérale, que la campagne américaine prenait soudainement des airs de «film de filles».

Pour regarder le débat entre Mme Palin et Joe Biden, les deux candidats à la vice-présidence, j'ai effectivement failli me préparer un peu de pop-corn avant de m'enfoncer confortablement dans mon canapé pour suivre ce qu'on attendait comme une sorte de version verbale et washingtonienne du Massacre à la tronçonneuse. Une soirée de télé mettant en vedette un sage et fort sénateur à la tête blanche, hyper-expérimenté et vite sur le mot juste - pensez Dumbledore sans baguette et en veston - contre une hockey mom de droite à peine sortie d'Alaska, plus que novice et pas mal plus habile au fusil pour tuer des orignaux qu'avec les mots pour se défendre en matière de politique étrangère ou de crise financière.

Avouez que le programme s'annonçait intéressant, ne serait-ce que pour ce nouveau personnage féminin détesté instantanément par les féministes et les démocrates, une souriante conservatrice pro-vie, pro-fusil et antimariage gai qui ferait une méchante parfaite pour Beautés désespérées, si l'émission décidait un jour de déménager de Wisteria Lane à Georgetown.

J'ai regardé le débat à CNN, qui affichait au bas de l'écran une sorte de psychologico-gramme, une expression que je viens d'inventer pour parler de lignes continues montant ou descendant, comme un électrocardiogramme, au gré de l'appréciation du débat par un groupe d'électeurs indécis de l'Ohio sondés en direct par la chaîne de télé.

Ce gadget rendait l'expérience à la fois fort intéressante et furieusement banale. Intéressante car on pouvait voir instantanément les réactions des gens et banale parce que ce qu'on pouvait surtout constater, c'est à quel point on réagit pas mal tous de la même façon, avant que les influenceurs des partis - ce qu'on appelle en anglais les «spin doctors» - tentent de nous faire changer d'avis.

Ah tiens, bon coup de Palin de dire que payer des impôts n'a rien de patriotique... Ah tiens, les électeurs adorent.

Biden est pas mal plus convaincant lorsqu'il parle de politique étrangère? Les électeurs indécis pensent exactement la même chose.

Toute la soirée s'est déroulée ainsi.

Devinez comment les indécis ont réagi quand Palin trouvait le moyen de s'adresser directement aux parents, aux profs, aux propriétaires, aux contribuables, quand elle rappelait à quel point elle est au courant des préoccupations pratico-pratiques des gens qui se retrouvent sur le terrain de soccer après l'école et s'inquiètent de leurs fonds de pension ou de leur hypothèque? Eh oui, ils adoraient cette Palin qui, lorsqu'elle redevient ainsi plus gouverneure que vice-présidentiable, n'a plus la voix qui tremble.

Si j'ai bien regardé, je crois cependant que c'est Biden qui a eu les meilleures courbes. Ce Biden au ton juste, paternel sans condescendance, assuré et rassurant, et ciel! combien touchant, quand sa voix a craqué, alors qu'il faisait allusion à la tragédie qui a frappé sa famille au début des années 70, un accident de voiture où sa femme et sa fille sont mortes et ses deux fils ont été gravement blessés.

Finalement, j'ai bien fait de ne pas me préparer de pop-corn car le film d'action n'a pas eu lieu. De massacre, il n'y a pas eu. Après une heure et demie de débat où il a été question notamment de la crise financière actuelle, d'armes nucléaires au Moyen-Orient, de réchauffement climatique et du financement des soins de santé, il était impossible de déclarer Palin KO. Elle a peut-être raté sa longue entrevue télé cette semaine et fait rire d'elle à CBS, mais au débat, ce ne fut pas le cas. À moins qu'après analyse détaillée de ses propos on découvre des énormités dans ses affirmations, McCain n'aura pas à la congédier comme certains l'évoquaient avant le duel.

Bref, elle s'en est pas mal tirée.

Mais qui avait l'air plus vice-présidentiable? Biden, clairement.