À leur retour de voyage, le monde avait changé. Leur monde aussi. Gilles et Monique ont passé trois mois en Europe, au cours desquels ils ont utilisés leurs cartes de crédit à foison. Depuis, la crise financière s'est déchaînée.

«C'est à la suite de notre voyage en Europe que notre situation s'est détériorée», observe Gilles.

Ce professionnel de 50 ans touche un salaire de 75 000$. Sa conjointe gagne pour sa part 56 000$ par année. Des retenues de 17% pour congés différés sont prélevées sur leurs salaires. De bons emplois, de bons revenus...

Pourtant, les emprunts et les dettes se sont multipliés, qui font peser sur leurs finances une désagréable menace. Les six cartes de crédit qu'ils possèdent à eux deux ont été débitées à hauteur de 23 500$. Un remboursement mensuel minimal de 3% leur impose des mensualités de 706$. Pour une voiture et un spa, ils ont en outre contracté des prêts personnels dont le solde totalise 9300$. Leurs remboursements immobilisent 900$ par mois.

Gilles et Monique endossent en plus le prêt étudiant de 10 000$ de leur fille, pour lequel ils versent des intérêts de 150$ par mois. Monique rembourse 180$ par mois sur son propre prêt étudiant, dont le solde s'établit à 1440$. Au total, des dettes de 44 300$ et des remboursements de 1940$ par mois. Lourd.

Ils reconnaissent d'emblée leur point faible: il ont de la difficulté à respecter un budget.

Heureusement, leur maison, d'une valeur de 175 000$, est entièrement payée.

«Nous sommes conscients qu'à vos yeux nous ne sommes pas un cas désespéré, conclut Gilles. Mais nous souhaitons améliorer notre vie financière, comme bien des petites familles qui vivent dans l'anonymat et... qui lisent la chronique Sous la Loupe dans La Presse. Nous avons besoin de vos conseils.»

Budget pour un mois

Ces conseils, nous les avons demandés à Bertrand Rainville, conseiller budgétaire au Centre d'intervention budgétaire et sociale de la Mauricie (CIBES). Il a rencontré Gilles et Monique pour une mise au point initiale.

«Lors de la première rencontre, nous cherchons à amorcer une démarche d'analyse et de prise en charge, explique-t-il. C'est primordial puisque les solutions que nous apporterons à l'endettement devront correspondre à la réalité exacte des gens, sinon elles ne tiendront pas la route.»

Ensemble, ils ont donc établi une première prévision mensuelle pour le mois de décembre, un exercice qui vise avant tout à «créer l'habitude d'écrire ses chiffres et cerner ses dépenses hebdomadaires», soutient M. Rainville.

L es dépenses courantes - alimentation et dépenses personnelles de chaque membre de la famille - ont été estimées à 1180$ pour le mois. Les comptes mensuels - électricité, téléphone, câblodistribution, assurances, etc. - devraient s'élever à 852$. Enfin, les remboursements des prêts accapareront 2125$. Le total atteint 4157$, et les revenus 4863$. Du surplus de 706$, 700$ sont octroyés à des dépenses prioritaires - antirouille pour la voiture, une paire de bottes, les dépenses des Fêtes.

Il reste 6$.

La réalité

Il faut encore confronter les prévisions à la réalité. Pour chacune des semaines de ce premier mois, Bertrand Rainville a fourni au couple une feuille de répartition des dépenses, où ils devront inscrire les dépenses réellement encourues. Pour les aider à faire le suivi des frais les plus insaisissables, M. Rainville leur a donné de petits cartons spécialement conçus, où ils les noteront quotidiennement, à 5 cents près.

Au terme de cet exercice, les vrais chiffres commenceront à apparaître. «La solution définitive n'interviendra que lorsque nous aurons la certitude, généralement après trois mois de budgets bien faits, que les solutions envisagées tiendront la route à moyen et à long terme», observe le conseiller.

La solution la plus évidente - celle qui consiste à consolider les principales dettes en un seul prêt amorti sur une période de temps suffisamment longue pour ramener les mensualités à un niveau soutenable - n'est pas exclue mais est prématurée.

«Nous ne pouvons pas nous appuyer sur une pareille planification alors que les gens n'ont jamais vraiment fait de budget et qu'ils ne connaissent pas leurs chiffres, énonce Bertrand Rainville. C'est l'erreur principale des conseillers financiers de tout acabit. Ils bâtissent de beaux plans de relance sur la base des mauvais chiffres et en dehors de la réalité des gens.»

Pour Gilles et Monique, un programme s'esquisse pour les mois suivants. Le conseiller budgétaire prévoit un «compte coussin», comme il l'appelle, où ils déposeront 300$ chaque mois pour payer les dépenses annuelles. Puisque les voyages font partie des priorités du couple, un autre compte recevra à cette fin des épargnes d'environ 400$ par mois. Les prochains voyages se réaliseront avec des fonds engrangés plutôt que sur les ailes du crédit.

«Ce qu'il faut identifier, c'est leur capacité à donner un coup», décrit Bertrand Rainville. Le couple verra ensuite s'il préfère accélérer le remboursement des dettes plutôt qu'épargner pour voyager.

Car pour un budget comme pour un voyage, c'est le premier pas qui coûte.

LA SITUATION

Gilles et Monique, de retour d'un voyage de trois mois en Europe, se retrouvent fortement endettés au milieu d'une crise financière. Comment reprendre les commandes de leur situation?

Citation

«Nous connaissons notre faiblesse: nous avons de la difficulté à respecter un budget.» - Gilles

LES CHIFFRES

Gilles

Revenu: 75 000$

REER: 18 000$

Liquidités: 0$

Monique

Revenu: 56 000$

REER: 7000$

Liquidités: 0$

Dettes du couple

Dettes personnelles (auto, etc.): 9300$

Prêt étudiant de leur fille: 10 000$

Prêt étudiant de Monique: 1440$

Cartes de crédit: 23 550$

Remboursement minimal pour l'ensemble des dettes: 1941$ par mois

LA RECOMMANDATION

Il faut commencer par le commencement: faire des prévisions budgétaires, confirmer les dépenses et établir une discipline. Après trois mois, la situation apparaîtra clairement et des solutions plus définitives pourront être envisagées.

Citation

«Il serait facile de dire: faisons une consolidation de dettes. Mais ce ne serait pas bon, sur le plan pédagogique.» - Bertrand Rainville