Tout se bouscule.

Paule perd ses repères.

Son conjoint s'éteint doucement.

Âgé de 69 ans, touché à la fois par les maladies d'Alzheimer et de Parkinson, Robert reçoit des soins à la maison.

 

Le partage spontané des tâches avait dévolu à Robert les questions financières. Paule doit désormais s'en charger. «Je dois tout reprendre en main, gérer la maison de campagne, le condo en ville. Avec les soins qu'on doit lui donner, il faut aussi gérer les horaires des bénévoles, des préposés du CLSC, de la personne que l'on engage à la maison.»

La préposée qui vient à domicile pour aider son mari leur coûte entre 1200$ et 1400$ par mois.

Et la dégradation de son état de santé s'accélère. «Depuis trois semaines, on voit qu'il se passe quelque chose», observe Paule. «On le sait, à un moment donné, il faudra l'envoyer dans un centre spécialisé.»

Elle en estime les coûts à 1800$ par mois dans un établissement public, et jusqu'à 3000$ dans un établissement privé, selon les services nécessaires. «Je veux que mon mari ait les meilleurs soins possible», dit-elle.

Retraité depuis quelques années, Robert touche une rente de la fonction publique de 44 000$, plus 14 000$ en prestations de la sécurité de la vieillesse et de la RRQ.

Paule pour sa part a un revenu de 45 800$. Âgée de 59 ans, elle aimerait ralentir le rythme à trois jours par semaine à 61 ans, puis prendre sa retraite définitive à 65 ans. Elle recevrait alors une rente équivalant à 70% de son salaire, coordonnée à la prestation de la RRQ.

Elle souhaite en outre aider sa fille à se procurer une première maison. Grand-mère depuis neuf mois, Paule voudrait enfin contribuer aux études de son petit-fils.

«J'aimerais savoir si nous serons en sécurité pour nos plus vieux jours», s'inquiète-t-elle.

Projections dans l'avenir

«Elle se dévoue considérablement pour soutenir son mari dans sa maladie», observe le planificateur financier Gaétan Veillette, de Services financiers Groupe Investors. «Elle était angoissée sur le plan financier, quand je l'ai rencontrée.»

Pour la rassurer, il s'est d'abord intéressé à son intention de ralentir le rythme de travail.

Le REER de Robert contient 302 000$ et Paule a de son côté accumulé 150 000$ en REER et en épargnes non enregistrées. Dans ses projections, Gaétan Veillette a conservé les modestes rendements de ces placements très prudents. Il pose la prémisse d'une inflation à 3%.

Risquer une date

Puisqu'il faut bien risquer une date, il suppose que Robert sera hébergé dans un centre de soins de longue durée dès 2010. Les dépenses du couple, fixées jusqu'alors à 4200$ par mois, grimperaient de 400$ - c'est-à-dire la différence entre le coût d'hébergement en centre public et le salaire versé présentement à la préposée à domicile.

Pour répondre aux souhaits de Paule et vérifier quelles en seraient les répercussions sur sa retraite, Gaétan a intégré dans ses calculs un don de 30 000$ à sa fille en 2009 pour l'achat d'une première propriété. De même, il retire 2500$ par année à titre de contribution au REEE de son petit-fils.

Le couple est propriétaire d'un condo à Montréal et d'une résidence secondaire. Acquis en 2002 pour 179 000$, l'appartement vaut aujourd'hui 400 000$. La résidence secondaire, payée 169 000$ en 1993, a gagné depuis 201 000$.

Dans les projections de notre expert, ces propriétés seraient conservées jusqu'au second décès. Il suppose qu'elles auraient alors la même valeur qu'aujourd'hui, question de tenir compte d'une possible dépréciation prochaine.

Une part importante de son analyse repose d'ailleurs sur les questions testamentaires. «Au décès de Robert, sa part de 50% dans le condo et le chalet est dévolue à leur enfant unique selon le testament fiduciaire, ce qui charcutera le patrimoine résiduel de Paule de 187 500$», observe-t-il. Cette notion est intégrée dans ses calculs: les actifs de Paule sont soustraits de la moitié de la valeur des propriétés dans l'année du décès présumé de Robert.

Mais on pressent déjà les difficultés que posera ce partage alors que Paule habitera encore au moins une des propriétés. Il faudra sans doute que mère et fille en arrivent à un accord à ce propos, préconise le planificateur. Heureusement, ajoute-t-il, «elles s'entendent très bien, et c'est une fille unique, alors elle sait déjà que le patrimoine entier lui reviendra de toute manière au décès de sa mère».

Hélas, Robert n'est déjà plus apte à prendre des décisions. Plus question de modifier le testament pour aplanir les difficultés. «Le mandat en cas d'inaptitude qu'il avait paraphé sur un formulaire générique devrait être homologué auprès d'un notaire», recommande M. Veillette.

Des variantes

Avec ces données, le planificateur a lancé trois fois sa machine à projection, en variant le moment du décès de Robert. S'il meurt à 90 ans, en 2029, Paule, au moment de son propre décès à 90 ans, laisserait des actifs totalisant 1,04 million.

Si Robert décède plutôt à 80 ans, l'actif net de Paule à son décès en 2039 atteindrait 1,3 million.

Et enfin, si Robert meurt à 71 ans, la succession de Paule totaliserait 1,44 million en 2039.

Ces chiffres sont impressionnants, mais ils sont exprimés en dollars courants, et ils incluent la part de Paule dans les deux propriétés.

En somme, même en tenant compte des dons à sa fille et à son petit-fils, Paule peut penser réduire sa semaine de travail à trois jours par semaine en 2010, «sans compromettre indûment son avenir financier», croit Gaétan Veillette.

Et si nécessaire, il lui sera toujours possible de vendre une des deux propriétés. Laquelle? «Dans un couple, une seule propriété peut bénéficier de l'exonération du gain en capital au titre de résidence principale», rappelle M. Veillette. Il serait donc préférable de conserver le condo, qui a maintenu une moyenne annuelle de plus-value plus élevée.

Paule peut sans crainte assurer à son mari les meilleurs soins.

 

LA SITUATION

Alors que sa retraite approche, Paule voit la santé de son mari se dégrader rapidement. Bientôt mais quand? , il devra être hébergé dans un centre spécialisé. Seront-ils en mesure d'en assumer les coûts? Paule pourra-t-elle prendre sa retraite sans crainte?

»Du jour au lendemain, plus rien, je tombe dans le vide. Comment puis-je me retourner?» Paule

LES CHIFFRES

Paule, 59 ans

Revenus : 45 800$

REER: 120 000$

Épargne non enregistrée: 30 000$

Robert, 69 ans

Rente de retraite: 44 000$

Sécurité de la vieillesse : 6070$

RRQ: 8185$

REER: 302 000$

Actifs

Propriété: valeur de 400 000$

Résidence secondaire: valeur de 370 000$

Liquidités : 28 000$

LES RECOMMANDATIONS

Même en donnant à sa fille la mise de fonds d'une première propriété et en contribuant au REEE de son petit-fils, Paule peut ralentir le rythme dès 2010 et prendre sa retraite comme prévu à 65 ans. Quel que soit le destin de Robert.

»Si jamais un revers financier survenait, il sera possible de disposer du chalet afin d'alléger le budget familial.» - Gaétan Veillette