On lui a demandé de «faire du temps», d'étirer un peu la sauce sur scène, lundi, à la convention démocrate de Philadelphie. C'est ce que Sarah Silverman a fait. L'humoriste et comédienne américaine, qui sera samedi au festival Just for Laughs à Montréal, est sortie de son texte et a dit ce qui lui traversait l'esprit.

«Si je peux me permettre... Les partisans du "Bernie ou rien": ce que vous faites est ridicule!», a-t-elle déclaré alors que les partisans du candidat défait, Bernie Sanders, la huaient pour son appui à Hillary Clinton. Les «Berniacs» - qui refusent de soutenir la candidature de Hillary Clinton malgré sa victoire aux primaires - l'ont huée de plus belle.

Il faut dire que Sarah Silverman, qui n'a pas la langue dans sa poche, est passée tour à tour depuis mars d'alliée de Hillary à partisane de Bernie à alliée de Hillary de nouveau. Contrairement à Susan Sarandon, elle aussi présente à la convention démocrate, qui roulait des yeux de mécontentement dans la salle en entendant tout un chacun vanter les mérites de l'ex-première dame des États-Unis.

Susan Saradon, indéfectible admiratrice de Bernie Sanders, refuse d'appuyer Hillary Clinton malgré la menace bien réelle d'une présidence de Donald Trump. Elle était à Philadelphie - notamment en compagnie des acteurs Rosario Dawson et Danny Glover - alors qu'a lieu ces jours-ci à Montréal le tournage du premier film en anglais de Xavier Dolan, dont elle est l'une des têtes d'affiche.

On a fait grand cas, mardi dans les médias américains, des remontrances spontanées de Sarah Silverman aux plus intransigeants partisans de Sanders, échaudés par le plus récent scandale dévoilé par WikiLeaks, à propos de courriels de la direction du parti favorables à la candidature de Hillary Clinton. L'humoriste semble avoir dit tout haut ce que bien des démocrates modérés pensent tout bas.

J'ai pensé à William Shatner, notre Captain Kirk local, qui avait créé des remous il y a 30 ans avec un sketch de Saturday Night Live où il disait, exaspéré, à un groupe de Trekkies assistant à une «convention» de Star Trek: «Get a life!» À l'époque, Al Franken faisait partie de la troupe de SNL. L'humoriste est depuis devenu sénateur du Minnesota et accompagnait sur scène Sarah Silverman lundi.

Ils seront quelques artistes, cette semaine, à soutenir publiquement Hillary Clinton.

Lena Dunham, actrice et auteure de Girls, devait prendre la parole mardi soir pour réitérer son appui à l'ancienne secrétaire d'État. Lundi, l'actrice Eva Longoria s'est insurgée contre la xénophobie de Donald Trump. La chanteuse et comédienne Demi Lovato a parlé de sa bipolarité et de sa crainte de voir Trump sabrer les soins de santé. Enfin, Paul Simon a chanté Bridge Over Troubled Water, un appel à la solidarité des camps Sanders et Clinton.

De tout temps, des artistes ont été présents dans les conventions politiques américaines. Je revoyais récemment, dans un documentaire de CNN, Shirley MacLaine répondre aux questions de Dan Rather à la convention démocrate de Chicago en 1968, alors que des manifestants - contre la guerre au Viêtnam et la candidature de Hubert Humphrey - étaient matraqués par les forces policières.

Les «artistes» étaient peu nombreux à la convention républicaine de Cleveland, la semaine dernière. Willie Robertson, star de Duck Dynasty, téléréalité qui met en vedette une famille de rednecks barbus et millionnaires, est monté sur scène pour vanter «The Donald», lui-même une vedette de téléréalité.

Antonio Sabato Jr., un acteur de téléroman et ex-mannequin de sous-vêtements, a loué sur scène les stratégies de Donald Trump en faveur d'un contrôle plus strict des frontières. Sabato, un immigrant de première génération, a ensuite déclaré en entrevue sur la chaîne ABC, que les États-Unis avaient eu «un président musulman pendant sept ans et demi».

Lorsque la journaliste Amna Nawaz, elle-même musulmane, lui a fait remarquer que Barack Obama était un chrétien pratiquant, il a répondu du tac au tac: «Obama, ce n'est pas un nom chrétien, non?» Avant d'ajouter, de manière sibylline: «Je crois qu'il est de l'autre côté.» C'est-à-dire? a demandé la journaliste. «Du Moyen-Orient. Du mauvais côté.» Bref, une autre pierre dans le mur trumpien de la théorie du complot, aux frontières de la décence.

À quoi et à qui servent ces appuis d'artistes pas toujours éclairés? D'ordinaire, ils prêchent les convertis et ce n'est pas ce qui semble le plus important dans ces rassemblements.

Sensibiliser un auditoire télévisuel est plus stratégique que de plaire à des militants zélés, plus souvent dogmatiques que pragmatiques. Et c'est là que les célébrités peuvent avoir de l'influence.

Les organisateurs de campagnes invitent des artistes dans les conventions en raison de leur notoriété, en faisant le pari qu'ils seront écoutés plus attentivement que des politiciens plus anonymes. Ils espèrent aussi qu'ils inciteront leurs admirateurs à voter comme eux.

Le risque, pour les artistes, c'est que le public qui les apprécie n'adhère pas nécessairement à leurs opinions politiques. Et que leur cote de popularité en souffre. Plusieurs «Berniacs», surtout parmi les plus jeunes femmes, en veulent manifestement à Lena Dunham d'avoir choisi Hillary au détriment de Bernie.

Pour être franc, si vous m'aviez dit que Scott Baio - mieux connu pour son rôle de Chachi dans Happy Days - militait pour Ronald Reagan et serait sur scène pour cautionner un proto-fasciste misogyne 30 ans plus tard, je n'aurais sans doute pas autant regardé Charles in Charge, sa sitcom des années 80.

Ce qu'apportent aussi certains artistes à ces conventions, c'est un peu de vernis de «coolitude». La convention républicaine a souligné le fait qu'elle avait lieu à Cleveland, où se trouve le Temple de la renommée du rock and roll, avec une guitare électrique sur son affiche. Sur le site internet du comité organisateur républicain, on faisait la promotion de la plus récente expo du musée, Louder than Words: Rock, Power and Politics.

«La guitare de John Lennon à son fameux bed-in à Montréal. Les vêtements de Bruce Springsteen sur la pochette de l'album Born in the U.S.A. Les chansons du groupe punk russe Pussy Riot...»

Bruce Springsteen doit maudire pour la millième fois le détournement de sens du titre de son célèbre album. Les militantes de Pussy Riot doivent se demander qui de Poutine ou de Trump est le plus dangereux. Pendant que John Lennon se retourne dans sa tombe...