À la plage du Carlton, à la soirée qui a suivi la projection de Welcome to New York, film d'Abel Ferrara inspiré de l'affaire DSK, plusieurs invités se promenaient en peignoir blanc, un sac cadeau à la main, sur lequel était inscrit « WTNY: Dirty Sex Kit ». À l'intérieur: un fouet, un masque et des menottes.

Pendant ce temps, au bar, des serveuses « sexy » proposaient des cocktails vodka-curaçao dans des seringues, à côté d'un immense bol de M & M bleus. L'inscription sur les bonbons? Un mot qui commence par V. Deux morceaux de robot si vous avez répondu Viagra...

Oui, oui, vous avez bien lu. L'influent distributeur français Wild Bunch, omniprésent à Cannes, a cru de bon ton d'organiser samedi une fête sur la Croisette pour célébrer un film décrivant l'agression sexuelle d'une femme de chambre africaine par un homme politique français dans un hôtel de New York en distribuant des peignoirs, des accessoires sexuels et de fausses pilules de Viagra à ses invités. N'ayez crainte: le féminisme se porte très bien en France, merci.

« Qu'est-ce qu'il y a dans la seringue? », m'a demandé une collègue américaine. Probablement du GHB, la drogue du viol, lui ai-je répondu, tellement j'étais sidéré par un tel étalage de mauvais goût.

Je n'aurais pas dû en être étonné outre mesure, tellement la thématique désolante de ce party surréaliste était en phase avec Welcome to New York, film pseudo porno burlesque mettant en vedette les grognements de porc de Gérard Depardieu pendant qu'il feint l'orgasme.

TRAVAIL D'ÉTUDIANT

WTNY, diffusé exclusivement en vidéo sur demande en France depuis dimanche (pour la modique somme de 7 €), prendra éventuellement l'affiche en salle chez nous, gracieuseté du distributeur Remstar. Il était présenté ce week-end en marge du Festival de Cannes, où il n'a été sélectionné dans aucune section. On le comprend sans peine: il s'agit de l'un des pires navets qu'il m'ait été donné de voir depuis des années.

Filmé à la va-vite comme un travail bâclé d'étudiant voulant attirer l'attention sur lui, la version d'Abel Ferrara de l'affaire DSK s'ouvre sur une scène ridicule, pastichant le film pornographique archétypal, où le personnage principal, un dénommé Devereaux (Gérard Depardieu), reçoit dans son bureau des dignitaires français à qui il propose les bons soins de prostituées, francophones quand même.

La mauvaise farce se poursuit avec deux longues séquences successives d'orgies, où l'on voit ce bon vieux Gérard dans toute sa splendeur, le physique plus que jamais généreux, mimer le coup de boutoir et donner des claques sur les fesses d'escortes, sans malheureusement laisser grand-chose à l'imagination. Du joli. On retiendra pour les annales du septième art une séquence de fellation digne du Grand-Guignol, qui a fait pouffer de rire la salle.

Pour le reste, Welcome to New York est une improvisation loufoque et peu inspirée sur le thème de la débâcle du couple Dominique Strauss-Khan/Anne Sinclair, avec Jacqueline Bisset parlant en anglais à un Gérard Depardieu qui lui répond de manière phonétique dans une langue qu'il peine manifestement à comprendre. On en éprouve de la pitié pour lui et pour sa partenaire de jeu.

« Je n'ai pas cherché à donner tort ou raison à mon personnage », a expliqué Depardieu en conférence de presse, dans la foulée de la projection du film (passé minuit, samedi), en évoquant un « drame shakespearien ».

Depardieu, plus en verve en conférence de presse que pendant l'ensemble de ce film stérile et inutile, n'existant que pour susciter la polémique, s'est défendu d'avoir tourné des scènes pornographiques violentes et complaisantes. « Ce n'est pas du porno! Pour être porno, il faut qu'il y ait une grosse érection », a-t-il déclaré, avant de parler de sa propre difficulté à maintenir une érection pendant un tournage dans les années 70. « J'entendais le son du clap et ça baissait comme ça », a-t-il précisé, en faisant un geste du bras qui perd de son tonus. Vous dire comme ça volait haut...

Dans ce film de série B truffé d'humour involontaire - dont le seul instant de vérité est la déposition de la victime présumée devant les policiers - , seuls les noms des protagonistes ont été modifiés.

POLÉMIQUE

Dimanche, dans un billet publié sur le site du Huffington Post, dont elle dirige l'équipe éditoriale à Paris, Anne Sinclair a exprimé son dégoût devant ce film, ses attaques « clairement antisémites » et ses allusions « dégradantes et diffamatoires » concernant sa famille. Le personnage de Devereaux y laisse notamment entendre que la fortune familiale de sa compagne a été obtenue grâce à la collaboration de son grand-père juif avec les nazis.

« Cela étant, a ajouté Anne Sinclair, je ne ferai pas à messieurs Ferrara et Maraval [distributeur chez Wild Bunch] le plaisir de les attaquer en justice. Ils l'ont dit, ils n'attendent que cela. »

Abel Ferrara s'est aussitôt défendu d'être antisémite, en entrevue à l'Agence France-Presse, en précisant qu'il avait été élevé par des femmes juives. Je ne suis pas raciste, j'ai un ami noir...

Dans son absence absolue de subtilité, Welcome to New York véhicule certainement quelques stéréotypes sur les Juifs et l'argent, ainsi qu'une thèse qui suinte le machisme. Gérard Depardieu a poussé l'audace en conférence de presse jusqu'à suggérer que le film n'avait pas été sélectionné par le Festival parce que son cinéaste avait refusé une censure imposée par sa direction. Il a aussi laissé entendre que, selon sa propre théorie, des pressions ont peut-être été exercées (par DSK lui-même?) afin que le film ne soit pas montré en sélection officielle.

Aux côtés de l'équipe du film, le prochain président du Festival de Cannes, Pierre Lescure, a déclaré en marge de la rencontre avec les journalistes qu'un film comme celui-ci avait sa place sur la Croisette, peu importe le contexte. Les premiers invités enfilaient déjà leurs peignoirs. Nous laissant craindre à l'avenir d'autres coups publicitaires aussi grotesques.