Denys Arcand et Xavier Dolan seront-ils de la compétition du Festival de Cannes? On le saura jeudi, alors que la direction du plus important des festivals de cinéma mettra un terme à des semaines de conjectures en dévoilant sa sélection officielle.

Cette année plus que jamais, les cinéastes de renom se bousculent au portillon, pour une vingtaine de places seulement en compétition.

Depuis des années, Denys Arcand compte parmi les «abonnés» du Festival. Et en cette dernière année de règne de son vénérable président Gilles Jacob, il ne serait pas étonnant que le cinéaste des Invasions barbares, dernier film québécois retenu en compétition, en 2003, fasse partie de la sélection.

Le règne de la beauté, qu'Arcand déclare à 72 ans être son chant du cygne, s'intéresse au triangle amoureux formé par Éric Bruneau, Mélanie Thierry et Melanie Merkosky, en promettant de rendre Toronto sexy.

Si Denys Arcand est un habitué, il n'est pas pour autant assuré d'une place en compétition. Ses meilleurs films récents (Le déclin de l'empire américain, Jésus de Montréal, Les invasions barbares) ont eu droit à cet honneur. Les moins réussis (Stardom, L'âge des ténèbres) ont plutôt été présentés hors compétition, en clôture, alors que plusieurs festivaliers avaient déjà quitté la Côte d'Azur.

«Né» à Cannes comme cinéaste à 20 ans, dans une section parallèle, grâce à J'ai tué ma mère - présenté en 2009 à la Quinzaine des réalisateurs -, Xavier Dolan est aussi pressenti par plusieurs pour la compétition. Deux de ses films, Les amours imaginaires et Laurence Anyways, ont déjà été présentés dans la section Un certain regard, sorte d'antichambre de la compétition officielle.

Après une «parenthèse» à la Mostra de Venise, où il a remporté en compétition le prix de la critique internationale pour Tom à la ferme, Dolan souhaite renouer avec Cannes grâce à son plus récent film, Mommy, mettant en vedette Antoine Olivier Pilon, Anne Dorval et Suzanne Clément.

Dolan rêve ouvertement d'accéder à la compétition cannoise. On le soupçonne aussi de rêver secrètement d'être sacré, à 25 ans, plus jeune palmé d'or de l'histoire du Festival (Steven Soderbergh y a remporté les plus grands honneurs à 26 ans avec Sex, Lies and Videotape).

Il n'y a pas qu'au Québec, par chauvinisme, que l'on prédit en mai une place parmi le gotha du cinéma mondial à deux de nos plus brillants cinéastes. Les films de Dolan et d'Arcand apparaissent dans plusieurs listes de potentiels prétendants à la Palme d'or de publications comme Le film français, Télérama ou Indiewire.

Le nom de Dolan est d'ailleurs cité plus souvent que celui d'Arcand dans les pronostics de la presse internationale (Variety, Les inrockuptibles, La Repubblica, The Chicago Tribune, etc.). Mais c'est un autre Canadien qu'annonce encore davantage en compétition la presse internationale: David Cronenberg, un autre habitué de la Croisette, avec Map of the Stars, mettant en vedette Robert Pattinson (comme le précédent Cosmopolis). Le nom d'Atom Egoyan (The Captive), autrefois un enfant chéri de Cannes, est parfois mentionné.

Candidats de choix

Ce ne sont pas les «abonnés cannois» qui manquent ce printemps. Qui sera invité au bal?

Peu d'informations ont filtré jusqu'à présent. Le jury, présidé par la cinéaste Jane Campion, n'a pas encore été dévoilé. Jeudi, on apprenait que Party Girl, premier long métrage de la Française Marie Amachoukeli, serait le film d'ouverture de la section Un certain regard.

Pour le reste, on nage dans les conjectures, avec les avis des spécialistes convergeant vers quelques cinéastes perçus comme quasi incontournables. Ils ne le sont pourtant pas tous!

Les frères Dardenne, parmi les rares doubles palmés du Festival, devraient logiquement être de la compétition avec Deux jours, une nuit, mettant en vedette Marion Cotillard. Emir Kusturica, double palmé lui aussi, pourrait être de retour avec L'amour et la paix, film de guerre mettant en scène Monica Bellucci.

Le nouveau film du brillant Turc Nuri Bilge Ceylan, Sommeil d'hiver, est souvent cité comme un candidat potentiel. Tout comme le plus récent long métrage du Mexicain Alejandro González Iñárritu, Birdman, avec Michael Keaton dans le rôle d'un acteur vieillissant connu pour un rôle de superhéros qui tente de monter un spectacle à Broadway...

Parmi les habitués de la Croisette, on compte l'Allemand Wim Wenders, palmé d'or pour le magistral Paris, Texas, qui pourrait être de la course avec Everything Will Be Fine, tourné en partie au Québec.

Un autre palmé d'or, Ken Loach, pourrait être de retour avec Jimmy's Hall. Et Terrence Malick aura peut-être (c'est loin d'être sûr!) terminé Night of the Cups, mettant en vedette Christian Bale, Natalie Portman et Cate Blanchett, à temps pour le Festival.

La biographie du cycliste déchu Lance Armstrong signée Stephen Frears, ou encore le nouveau Mike Leigh (Palme d'or pour Secrets and Lies), Mr Turner, sur le peintre romantique anglais, sont d'autres candidats de choix pour les sélectionneurs. Tout comme le dernier film d'Alexandre Sokourov, Francofonia, tourné au Louvre, et celui de l'Allemand Fatih Akin (The Cut).

L'acteur-cinéaste américain Tommy Lee Jones pourrait être de retour en compétition avec The Homesman, un western avec Meryl Streep et Hilary Swank. Le Danois Thomas Vinterberg, qui y avait présenté La chasse en 2012, pourrait s'y retrouver de nouveau avec son adaptation du roman Far From the Madding Crowd, mettant en vedette Carey Mulligan.

Le cinéma asiatique est toujours bien représenté sur la Croisette. Les Coréens Hong Sang-soo, Kim Ki-duk et Im Kwon-taek, habitués du Festival, sont pressentis pour la compétition. Tout comme le Chinois Hou Hsiao-hsien avec The Assassin.

Plusieurs observateurs américains s'entendent pour prédire une présence en compétition à Foxcatcher, de Bennett Miller (Capote), qui raconte l'histoire des frères champions de lutte olympique Mark et Dave Schultz. Le cinéaste de The Artist, le Français Michel Hazanavicius, qui avait séduit la Croisette en 2011, est aussi attendu avec un nouveau film, The Search, mettant en vedette sa compagne Bérénice Bejo ainsi qu'Annette Bening.

Plusieurs candidats potentiels sont Français. Citons Olivier Assayas avec Clouds of Sils Maria, l'ex-Montréalais Bertrand Bonello avec (Yves) Saint Laurent, Pascale Ferran avec Bird People ou encore Mathieu Amalric avec La chambre bleue.

L'adaptation d'Abel Ferrara de l'affaire DSK, Welcome to New York, avec Gérard Depardieu et Jacqueline Bisset, pourrait par ailleurs créer l'événement hors compétition ou dans une sélection parallèle. Et comme Cannes ne boude jamais les stars, on verrait bien Angelina Jolie, propriétaire avec son jules Brad Pitt d'un château sur la Côte d'Azur, gravir les marches du Palais des Festivals pour faire la promotion de Maleficent de Robert Stromberg.

Woody Allen profitera-t-il du Festival de Cannes pour tenter de faire oublier les accusations d'agression sexuelle des derniers mois? Son nouveau film, Magic in the Moonlight, avec Emma Stone et Colin Firth, campé dans le sud de la France dans les années 20, semble fait sur mesure pour une première mondiale cannoise...

Le Festival de Cannes s'ouvrira le 14 mai avec Grace de Monaco d'Olivier Dahan, avec Nicole Kidman dans le rôle-titre, et se clôturera le 25 mai, avec le plus prestigieux palmarès du cinéma mondial.