Notre section cinéma dresse aujourd'hui le bilan de 2013, avec la sélection de nos meilleurs films de l'année. Permettez que j'ajoute au portrait d'autres catégories de mon cru. Pour célébrer de bons films laissés pour compte et se remémorer d'autres titres, moins mémorables. Parce que cette année, il n'y a pas eu que du bon...

Le prix Dodo du «dernier film»

Side Effects de Steven Soderbergh. Le cinéaste de Sex, Lies and Videotape, déçu par l'évolution de l'industrie hollywoodienne, a annoncé que ce thriller psychologique (et pharmaceutique) mettant en vedette Jude Law et Rooney Mara serait son dernier long métrage pour le cinéma. Behind the Candelabra, sur la vie de Liberace, a aussi été réalisé par Soderbergh cette année, mais pour la chaîne câblée HBO. Espérons que Side Effects, qui n'est pas son meilleur film, ne sera pas le dernier Soderbergh à prendre l'affiche en salle.

L'excès de nouveau riche de l'année (ex aequo)

Jordan Belfort (Leonardo DiCaprio) qui organise des fêtes bacchanales dans sa somptueuse maison des Hamptons, dans The Wolf of Wall Street de Martin Scorsese.

Jay Gatsby (Leonardo DiCaprio) qui organise des fêtes bacchanales dans sa somptueuse maison des Hamptons, dans The Great Gatsby de Baz Luhrmann.

La plus belle adaptation de son propre roman

Pierre de patience d'Atiq Rahimi. Un film minimaliste, tourné pratiquement comme un huis clos autour d'un seul personnage - une jeune femme afghane qui dévoile à son mari dans le coma tous ses secrets -, par l'auteur de Syngué sabour (Pierre de patience), prix Goncourt 2008.

L'adaptation la plus aseptisée d'un roman culte

On the Road de Walter Salles. Une version ô combien édulcorée et lisse du célèbre roman de Jack Kerouac, égrenant une abondance de clichés et frôlant le plus souvent la caricature. Un film faussement audacieux, passé à la moulinette hollywoodienne, qui aplanit tout ce qui est subversif dans le roman.

Le meilleur premier film d'un réalisateur de 75 ans

Quartet de Dustin Hoffman. Quatre anciens chanteurs d'opéra se retrouvent dans une maison de retraite de musiciens britanniques menacée de fermeture, sorte de Chez nous des artistes ultrachic. Un film drôle et amusant, dans l'esprit de The Best Exotic Marigold Hotel (avec Maggie Smith dans un autre personnage de grincheuse).

L'accent le plus improbable

Celui de Sam Riley (Sal Paradise/Jack Kerouac), parlant un semblant de québécois phonétique à sa mère (interprétée par Marie-Ginette Guay) dans On the Road de Walter Salles.

Celui de Laurence Leboeuf, qui parle le joual avec un anglais cassé qui varie selon les situations dans Lac Mystère d'Érik Canuel (mention honorable).

Le film le plus mignon

Ernest et Célestine de Benjamin Renner, Vincent Patar et Stéphane Aubier. L'amitié improbable entre un ours gourmand et une souris voleuse de dents, d'après le récit de Daniel Pennac, au coeur d'un très joli film d'animation.

L'humour qui ne traverse pas les frontières

Un plan parfait de Pascal Chaumeil. Avec Dany Boon en personnage qui semble échappé du Dîner de cons et Diane Kruger en superstitieuse qui multiplie les frasques pour que ce simplet accepte de l'épouser. Un film sans queue ni tête.

Le film indépendant américain le plus charmant (ex aequo)

Frances Ha de Noah Baumbach. Une jeune danseuse et chorégraphe gaffeuse peine à joindre les deux bouts à New York. Le charme subtil de la simplicité.

The Kings of Summer de Jordan Vogt-Roberts. Une comédie d'apprentissage drôle, spirituelle, amusante et attendrissante. Et un ton décalé qui fait plaisir.

Le superhéros le plus comique

Le sardonique Tony Stark (Robert Downey Jr.) dans Iron Man 3 de Shane Black. La boule de muscles dans Man of Steel n'était pas difficile à battre.

Le film réalisé 10 ans trop tard

Superstar de Xavier Giannoli. Avec Kad Merad dans le rôle d'un homme ordinaire qui devient célèbre sans raison, du jour au lendemain. Un sujet riche qui aurait dû inspirer une satire grinçante sur la célébrité plutôt qu'un scénario bâclé fait de lieux communs.

Le thriller le plus compliqué (ex aequo)

Now You See Me de Louis Leterrier. L'histoire de quatre magiciens et illusionnistes surdoués qui s'allient pour donner des spectacles à grand déploiement. Avec une fin alambiquée, tirée par les cheveux.

Trance de Danny Boyle, qui explore aussi la piste du mentalisme pour agrémenter le vol d'un tableau de plusieurs millions de dollars. Avec une fin alambiquée, tirée par les cheveux.

Le meilleur film inspiré par la pub

No de Pablo Larrain. Un point de vue fascinant sur un pan de l'histoire chilienne - la fin de la dictature Pinochet -, à travers le regard d'un jeune publicitaire (excellent Gael Garcia Bernal).

Le meilleur film sans le moindre dialogue

Le météore de François Delisle. La proposition la plus originale et draconienne du cinéma québécois en 2013. Un bel ovni.

Le film que l'on aurait préféré sans monologues

Gravity d'Alfonso Cuarón. Un film visuellement remarquable, d'un réalisme à couper le souffle. Si seulement Sandra Bullock avait pu, elle aussi, manquer de souffle et cesser de parler seule à voix haute...

Le film annuel où Luchini joue trop Luchini

Molière à bicyclette de Philippe Le Guay. Moins bon que ce que vous en a dit votre tante abonnée au TNM qui fréquente des musées.

La scène la plus surréaliste

James Franco en gangster rapper aux cheveux tressés et aux dents dorées, interprétant au piano à queue blanc une chanson de Britney Spears (Everytime), sur un quai de villa luxueuse à Miami, entouré de jeunes femmes en bikini, cagoulées en rose, munies de mitraillettes, dans Spring Breakers de Harmony Korine. Comme c'est le cas du film, on ne sait pas si on doit en rire ou en pleurer.

La fausse bonne idée de l'année

Les acteurs des Boys qui incarnent les parents des futurs Boys dans Il était une fois les Boys de Richard Goudreau. On s'en gratte encore la tête.

Le film s'étant le plus essoufflé à mi-parcours

The Place Beyond the Pines de Derek Cianfrance. Le personnage de braqueur de banque interprété par Ryan Gosling disparaît subitement, et avec lui le souffle du film.

Le film qui ressemble le plus à un tableau

Renoir de Gilles Bourdos. Beau, d'une esthétique lumineuse très étudiée, mais d'une forme académique terriblement statique.

Le film qui ressemble le moins à un tableau

Rush de Ron Howard. Un film sur une grande rivalité de la Formule 1 qui carbure à l'adrénaline. Avec la caméra au ras de la piste, et les voitures qui font frissonner la pelouse, on est très loin du Déjeuner sur l'herbe de Manet.