Les films sont parfois émouvants, décevants, remarquables, révoltants. Voici un bilan personnel de l'année cinéma 2013, par thèmes.

Les paris relevés: Prisoners de Denis Villeneuve et Dallas Buyers Club de Jean-Marc Vallée

Ils sont partis chacun à leur manière à la conquête du cinéma américain, et ils ont réussi. Prisoners de Denis Villeneuve est un thriller psychologique de grande qualité, rondement mené, magnifiquement filmé, efficace et intelligent. La mise en scène de Dallas Buyers Club de Jean-Marc Vallée est tout aussi riche, inspirée par les performances remarquables de Jared Leto et de Matthew McConaughey.

La partition la plus émouvante: Gabrielle de Louise Archambault

Les chansons de Robert Charlebois, chantées par la chorale de l'école Les Muses, ont une charge émotive vive, envahissante, irrésistible, dans ce très beau film de Louise Archambault. Des airs et des paroles archiconnus, qui font partie de notre patrimoine musical, mais qui semblent prendre une autre dimension, transcendante, grâce à ces magnifiques interprètes.

Les plus révoltants: 12 Years a Slave de Steve McQueen et Philomena de Stephen Frears

Deux films de cinéastes britanniques, d'après des «histoires vraies». Le premier, un percutant coup au plexus, racontant l'horrible épreuve subie par Solomon Northup, homme libre de la Nouvelle-Angleterre fait esclave dans le sud des États-Unis à la moitié du XIXe siècle. Le second, plus léger en apparence, suscitant tout autant d'indignation face au traitement des filles-mères par les communautés religieuses, ici comme ailleurs, au milieu du siècle dernier.

Le plus courageux: Wadjda d'Haifaa Al-Mansour

Wadjda est non seulement le premier film de fiction réalisé en Arabie saoudite. C'est aussi le premier à y avoir été réalisé par une Saoudienne, qui aborde de front, mais avec intelligence l'asservissement de la femme. Une oeuvre féministe qui lève le voile sur un contexte politico-social que l'on a rarement l'occasion d'entrevoir en Occident. Un premier long métrage imparfait, aux qualités cinématographiques limitées, mais surtout un symbole de résistance et un retentissant cri de liberté.

Le plus paresseux: Hot Dog de Marc-André Lavoie

La comédie autoproclamée de l'été, au scénario sans queue ni tête, a égrené tous les clichés possibles, en n'offrant que deux ou trois occasions de sourire (et des dizaines de soupirer). C'était pourtant sa raison d'être. Un brouillon inachevé, désespérément livré en pâture à un public censé raffoler de quiproquos usés et sans ressort. Un public qui, encore une fois, a fait la preuve qu'il n'est pas dupe.

Le plus messianique: Man of Steel de Zack Snyder

Un film de superhéros archétypal - avec une scène interminable où une ville entière se fait détruire dans une bagarre entre Superman et Zod - qui marie de manière improbable le prosélytisme religieux et le showbiz hollywoodien. Man of Steel contient assez de références chrétiennes, de métaphores messianiques et autres allégories bibliques pour inspirer plus d'un prédicateur. Alléluia!

Le plus ridiculement violent: Elysium de Neill Blomkamp

Matt Damon, moitié homme, moitié robot, «full» pauvre, tire sur tout ce qui bouge pendant près de deux heures pour tenter de sauver sa peau. Jodie Foster, chef des forces armées d'un satellite de la Terre peuplé de milliardaires, crispe les lèvres d'inquiétude beaucoup trop longtemps. Le cinéaste de District 9 propose l'un des pires films de l'année, une ânerie ultraviolente sans le moindre intérêt.

Le plus décevant: L'écume des jours de Michel Gondry

On espérait tomber sous le charme. Et c'est vrai que des idées brillantes foisonnent dans cette mise en scène débordante d'originalité et d'inventivité. Mais à force de vouloir traduire fidèlement en images le roman de Boris Vian, Michel Gondry a fini par desservir l'oeuvre, qu'il trahit et écrase, en piétinant ses nénuphars. Avec pour résultat, un film froid, distant et, au final, raté.

Le plus ennuyeux: Movie 43 des frères Farrelly

Un film à sketches qui, voulant repousser les limites de la vulgarité, ne fait qu'ennuyer. Un lutin qui sacre se fait ligoter et martyriser. Une femme demande à son fiancé de lui prouver son amour en déféquant sur elle. Un homme (Hugh Jackman) vit avec un scrotum dans son cou... Pas «assez mauvais pour être bon», ni assez audacieux pour faire rire.

Le plus imbibé: The Angels' Share de Ken Loach

Une franche comédie, absolument sympathique, qui flirte avec le burlesque et l'humour décalé, tout en restant ancrée dans le réalisme et les luttes de classes sociales. L'histoire d'une bande de cambrioleurs loufoques de Glasgow, jeunes délinquants condamnés à du travail communautaire, dont le regard oblique se pose bientôt sur un cru extrêmement rare de whisky.

Les plus renversants

La jeune Française Adèle Exarchopoulos est pratiquement de toutes les scènes de La vie d'Adèle d'Abdellatif Kechiche, la plupart du temps en gros plan. Elle perce littéralement l'écran avec un jeu d'un naturel désarmant. La comédienne australienne Cate Blanchett est au sommet de son art dans Blue Jasmine de Woody Allen. Elle est époustouflante dans le rôle d'une femme de la «haute société» qui a tout perdu et trouve refuge à San Francisco chez une soeur qu'elle a toujours méprisée. Juliette Binoche, à nu comme jamais, interprète avec une justesse inouïe le rôle-titre de Camille Claudel 1915 de Bruno Dumont, qu'elle incarne en très peu de mots, grâce à un regard intense, évocateur, magnifique de détresse.

La transformation physique de Matthew McConaughey, abonné d'ordinaire aux rôles de beaux Brummell musclés, est sidérante dans Dallas Buyers Club de Jean-Marc Vallée. Mais la subtile transformation psychologique de son personnage et la manière dont il la rend à l'écran sont tout aussi remarquables. À 77 ans, Robert Redford offre l'une des performances les plus marquantes de sa carrière dans All Is Lost de J. C. Chandor. Un rôle quasi muet, celui d'un navigateur dans ses derniers retranchements, déployant tous les efforts pour survivre à l'accident qui a abîmé son voilier, en plein océan Indien. Tom Hanks est aussi à la tête d'un navire en eaux troubles, dans Captain Phillips de Paul Greengrass. Le cargo qu'il dirige a été capturé par des pirates, le long des côtes somaliennes. Un jeu qui transpire la vérité, le courage et le désespoir.