Ce devrait être une bonne nouvelle. Ce n'est pas une bonne nouvelle. C'est presque l'été, la saison où le cinéphile québécois n'a pratiquement plus rien à se mettre sous la dent. De niaises comédies hollywoodiennes à la The Internship inondent les écrans, quand ce ne sont pas d'exécrables comédies françaises du type Un plan parfait (le pire du pire de ce que j'ai vu au cinéma depuis un moment).

Certains, heureusement, ont à coeur de nourrir le spectateur d'autre chose que de calories vides. Sarah préfère la course de Chloé Robichaud profite cette semaine, dans la foulée de sa présentation en sélection officielle à Cannes, d'une sortie digne de ce nom dans une vingtaine de salles.

D'autres «films de festivals» n'ont pas cette chance. Ils sont jetés en pâture, souvent en catimini, à un public qui n'en a parfois même pas été informé. Et sont retirés des quelques salles qui les accueillent à peine quelques semaines après avoir pris l'affiche. Faute, la plupart du temps, de publicité.

C'est le cas, ces jours-ci, de plusieurs films qui ont connu une première mondiale en grande pompe à Cannes l'an dernier. L'ami Lussier en parlait en début de semaine sur son blogue: on assiste en ce moment à une véritable «vente de feu» (ses mots) des films de la compétition du Festival de Cannes 2012.

Like Someone in Love d'Abbas Kiarostami, La chasse de Thomas Vinterberg (qui a valu un prix d'interprétation à Mads Mikkelsen), Mud de Jeff Nichols, Reality de Matteo Garrone (Grand Prix du jury) et le très amusant The Angels' Share de Ken Loach (Prix du jury) ont tous pris l'affiche au Québec depuis un mois. Sans tambour ni fanfare pour la plupart.

Certains de ces titres se sont ajoutés à la dernière minute au calendrier, sans même qu'une projection de presse ne soit prévue et qu'une entrevue puisse être réalisée, afin que des journalistes aient l'occasion d'en parler. L'équivalent de se délester d'un poids gênant. Ou, pour tâter de la métaphore sportive, d'envoyer au ballottage un joueur talentueux qui ne cadre plus dans le plan quinquennal d'une équipe.

Je ne comprends pas cette stratégie des distributeurs, qui s'apparente à une forme de dumping culturel. C'est à se demander s'ils ne font pas exprès de balancer ces titres en salle juste avant l'été, en sachant qu'ils passeront à peu près inaperçus. Comme s'ils avaient besoin de faire de l'espace dans leur garage pour les superproductions hollywoodiennes qui s'annoncent.

Et ça, c'est quand les distributeurs prennent la peine de mettre les films à l'affiche. L'une des oeuvres les plus marquantes de la cuvée cannoise 2011, This Must Be The Place de Paolo Sorrentino, distribuée à l'époque par Alliance Vivafilm (désormais Films Séville), est sortie directement en DVD, après avoir été présentée un seul soir au Centre PHI.

Cette semaine, on apprenait l'ajout pour le 14 juin d'un autre titre de la compétition du Festival de Cannes 2012, et non le moindre. Au-delà des collines du Roumain Cristian Mungiu, membre du jury cette année, a remporté les prix du scénario et d'interprétation féminine (pour Cristma Flutur et Cosmma Straten).

Révélé par le remarquable 4 mois, 3 semaines et 2 jours, Palme d'or de 2007, Mungiu s'intéresse de nouveau à des personnages féminins mystérieux, dont il sait sonder l'âme comme peu d'autres cinéastes. Sous la forme de grands tableaux naturalistes, il propose un film sombre sur le joug religieux dans l'ère postcommuniste, qui se pose à la fois en métaphore de la folie, du désir, de la passion et de l'amour.

On pourra voir cette oeuvre austère et magnifique, qui confirme l'immense talent de metteur en scène de Mungiu, grâce à une initiative du Cinéma du Parc (qui en a souvent d'excellentes). C'est dire qu'aucun distributeur traditionnel n'a acheté ses droits. Ce qui n'est pas rassurant.

Et quid du cinéphile dans tout ça? C'est une question que je me pose régulièrement. Quand, par exemple, l'Ours d'or de la Berlinale 2012, César doit mourir des frères Taviani, prend l'affiche in extremis pour aussitôt disparaître du seul écran qu'il occupe, sans que j'aie eu l'occasion de le voir. Il me semble que les cinéphiles méritent mieux qu'une braderie printanière de films de qualité, sacrifiés pour d'obscures raisons d'engorgement du calendrier de distribution.

Et on se demande ensuite pourquoi la cinéphilie bat de l'aile chez nous...

Les rois de l'été

Voilà une surprise comme je les aime. Un film drôle, spirituel, amusant et attendrissant. The Kings of Summer de Jordan Vogt-Roberts, marqué du sceau Sundance, est une comédie d'apprentissage absolument charmante. Malgré les invraisemblances de son scénario et ses clichés de films indie, on y trouve en abondance, non seulement une finesse dans sa mise en scène, mais une fraîcheur, un souffle, un ton décalé qui font plaisir.

Joe (Nick Robinson) et son ami Patrick (Gabriel Basso), 15 ans, accompagnés bien malgré eux par un énigmatique camarade de classe nommé Biaggio, décident de fuir leurs foyers familiaux respectifs pour se réfugier dans la forêt. Dans une clairière près de la petite ville où ils vivent, ils se construisent une «maison», particulièrement bancale, avec des matériaux volés sur un chantier.

C'est l'histoire, pas nécessairement originale, d'ados de l'Ohio qui se sentent étouffés et pris en otages chez leurs parents. Un père veuf, sardonique et désabusé, d'un côté; une mère poule très coincée de l'autre. L'histoire d'une irritation quotidienne, d'un besoin d'émancipation, d'une amitié. J'ai pensé, inévitablement, à Moonrise Kingdom de Wes Anderson, et à Stand by Me de Rob Reiner. Et j'ai été séduit.

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