Ça ressemble à un film traitant du terrorisme après le 11-Septembre. Ça se présente même, dans sa première demi-heure, comme un film traitant du terrorisme après le 11-Septembre. Ça met en scène un personnage cruel qui ressemble jusqu'à l'extrême caricature à Oussama ben Laden (mort il y a deux ans presque jour pour jour). Mais ce n'est pas un film qui traite du terrorisme après le 11-Septembre.

On n'en est pas surpris outre mesure. Iron Man 3, à ne pas confondre avec Zero Dark Thirty ou United 93, a pris l'affiche hier partout en Amérique du Nord. Battage publicitaire et médiatique monstre à l'appui. Au moment où vous lisez ces lignes, il est déjà, je présume, le champion toutes catégories du box-office printanier. Et il le sera pour plusieurs semaines encore.

Ce film ne devrait pas dérouter le public fidèle à la «franchise» Iron Man, l'une des plus rentables de l'empire Marvel. Il s'agit en tous points de la même recette. Il y a bien quelques gadgets inédits, quelques effets spéciaux plus raffinés, quelques joujoux plus impressionnants dans le laboratoire maison du multimilliardaire Tony Stark. Mais pour l'essentiel, on est dans la redite.

C'est entendu de toute manière. Les hordes d'adolescents de 14 ans (d'âge mental, s'entend) n'en attendent pas davantage. Iron Man est l'incarnation même du cinéma hollywoodien à grand déploiement. Celui qui en met plein les yeux et les oreilles. On est ici au plus loin du cinéma québécois «lamentard». Prêt à bouffer du popcorn à même la machine.

C'est très correct. Je n'ai rien contre les calories vides. J'adore les chips au vinaigre. J'ai pris plaisir à découvrir les aventures des Avengers. Un p'tit gars sommeille aussi en moi. Mon personnage préféré de toute la bande est d'ailleurs ce Tony Stark au ton sardonique.

Iron Man 3 est autant une «suite» au film des Avengers qu'aux deux premiers volets de la série mettant en vedette Robert Downey Jr. Les scénaristes semblent d'ailleurs avoir présumé que le vaste public cible du film a vu le grand blockbuster de l'été dernier et comprend donc, sans plus d'explications, pourquoi Tony Stark est désormais aux prises avec de terribles crises d'angoisse liées à deux mots: New et York.

Cela dit, je ne saurais vous dire si le troisième Iron Man est supérieur aux deux précédents tellement tout ça me semble être du pareil au même. Les blagues à double sens, les super gadgets, les «méchants» interchangeables, les explosions qui n'en finissent plus d'exploser, la 3D qui semble encore et toujours superflue. Qu'importe. Iron Man 3 fera le plein d'espèces sonnantes et trébuchantes aux tiroirs-caisses.

Ce film, c'est un fait, existe pour ces deux raisons: divertir et faire des profits. Je ne peux m'empêcher de trouver dommage qu'il ne soit pas plus ambitieux. Ce ne serait pas le cas si le cinéaste et scénariste Shane Black n'avait pas feint de s'intéresser aux effets géopolitiques du 11-Septembre.

Dans Iron Man 3, la question du terrorisme islamiste existe comme un leurre, un artifice de scénarisation, une promesse non tenue. Il y avait pourtant là matière à réflexion (oui, même dans le contexte d'un blockbuster). Le film évite toutes les pistes qu'il propose d'entrée de jeu, et tourne en dérision le terreau fertile du terrorisme (s'cusez-la).

Ben Kingsley, dans le rôle du Mandarin, ersatz de ben Laden utilisant cette bonne vieille télévision pour terroriser la planète (l'ironie suprême dans un film prétexte à une orgie de nouvelles technologies), hérite d'un rôle semblable à celui qu'il incarnait dans The Dictator de Sacha Baron Cohen. Il faut croire qu'il a une tête de terroriste...

Certains critiques sont d'avis que la proximité, évidemment fortuite, avec les événements tragiques de Boston ajoute au réalisme du récit. À mon sens, c'est plutôt le contraire. Il n'y a rien de réaliste dans Iron Man 3. C'est une réserve qui me vaudra sans doute les sarcasmes de quelques geeks - qui attendent ce type de film comme d'autres, le réveillon de Noël -, mais, même dans un contexte cartoonesque bien établi comme celui-ci, m'est avis qu'un scénario gagne toujours à puiser dans une certaine forme de vérité.

Un personnage qui voit un proche souffrir, même dans un film d'action tiré d'une bande dessinée, pourrait avoir une réaction autre que de se remettre à faire des grimaces et de l'ironie trois secondes et quart plus tard. La personne qu'on aime le plus au monde va peut-être mourir, peut-être est-elle déjà morte: voilà l'occasion pour Iron Man de pousser une bonne blague. «The show must go on», une ligne un punch, toujours le mot pour rire.

Comme si un film d'action ne pouvait être autre chose qu'un divertissement unidimensionnel, ne s'autorisant aucune profondeur, aucune zone d'ombre (Iron Man n'est pas The Dark Knight, mais tout de même), aucune interaction plausible et vraisemblable entre ses personnages. Sous l'armure d'acier, il y a pourtant un homme, non?