Il a 22 ans, toutes ses dents et un espace charmant entre les palettes. Il s'appelle Mac DeMarco et compte parmi les nombreux musiciens du Canada anglais venus s'établir récemment à Montréal.

Vendredi soir, au Swan Dive, le quartier général de la délégation québécoise au festival South by Southwest (qui s'est conclu hier), il affichait le je-m'en-foutisme rafraîchissant qui le caractérise, malgré tout l'intérêt médiatique pour son «slacker rock» aux accents psychédéliques.

Chouchou du magazine britannique NME (qui a sacré son deuxième album 29e meilleur disque de 2012) et de l'influent site Pitchfork, qui a salué son passage à Austin, DeMarco est peut-être l'artiste québécois ayant suscité le plus de «buzz» à South by, comme disent les habitués.

Il faut dire qu'il sait capter l'attention, le garçon. En ouverture du «Poutine Party» de M pour Montréal, accroché comme un singe à une poutre du plafond du Swan Dive ou sautant dans la foule pour un peu de «crowdsurfing», DeMarco, jeans troués et chemise à carreaux, avait l'air d'un jeune Kurt Cobain.

Il s'est amusé ferme avec son groupe, empruntant à tous les répertoires - Dave Brubeck, les Beatles - pour assaisonner les chansons de l'album 2, dont l'hypnotisante Ode to Viceroy et sa cascade de notes de guitares aiguës. DeMarco doit assurer la première partie de Phoenix à la fin du mois et en avril.

Dynamo Armstrong

J'avais obtenu, grâce à une loterie, un billet pour le spectacle de Green Day, présenté par Austin City Limits à l'autre bout de la ville. J'ai sauté dans un «pedicab», les cyclo-pousses qui pullulent à Austin, conduits par de joyeux zigotos déguisés de toutes les manières (ou pas du tout, comme cette jeune femme croisée les seins nus).

Je ne suis pas fan de Green Day, mais j'ai dû me rendre à l'évidence: tout ce qu'on dit de sa capacité à enflammer une scène n'est pas exagéré. Billy Joe Armstrong a peut-être dilué le punk rock des groupes qui l'ont influencé, mais il a certainement hérité de leur énergie juvénile. Une vraie dynamo sur scène, avec un pétard dans le postérieur.

Il s'agissait du premier spectacle de Green Day à SXSW, où deux documentaires sur le groupe, Broadway Idiot et ¡Cuatro!, ont aussi été présentés la semaine dernière. Sans jamais trop se prendre au sérieux, mais en ne gaspillant pas une seconde, le trio californien (appuyé sur scène par un claviériste et deux guitaristes) a enchaîné les succès qui ont fait sa renommée depuis Dookie en 1994. Quand j'ai quitté le Moody Theater, Disappearing Boy s'était transformée successivement en Sweet Child O' Mine et Highway To Hell. Je ne me suis pas ennuyé.

«Fuck SXSW»

Depeche Mode m'attendait au Brazos Hall. Ou plutôt, ne m'attendait pas. On passe son temps à faire la file pour des spectacles à Austin. J'ai dû me contenter d'écouter la bande de Dave Gahan de l'extérieur de la salle. J'avais croisé Martin Gore courant le matin même au bord de la rivière. Je n'ai pas pu le voir sur scène.

Heureusement, le son était assez bon pour que je distingue les nouvelles chansons de son nouvel album (à paraître à la fin du mois) de ses classiques des années 80 et 90. Personal Jesus, avec une entrée en matière downtempo langoureuse, Walking In My Shoes et la pièce de résistance: Enjoy the Silence. Les fans applaudissaient même à l'extérieur du bar.

Plus tôt dans la journée, j'étais tombé par hasard, en me cherchant un sandwich au Centre des congrès, sur une prestation solo acoustique d'Iron and Wine. Sam Beam, détendu et blagueur, proposait au public de lui suggérer des chansons. «Avant que je ne revienne à la promotion de mon nouvel album!» On a eu droit à une magnifique version dépouillée de Naked As We Came.

Le «showcase» du Radio Day Stage était particulièrement riche: Emmylou Harris, Divine Fits, Dawes et Vampire Weekend qui, à ma grande déception, n'a chanté que quatre chansons (dont Holiday). Ils commençaient à peine à se réchauffer quand ils nous ont abandonnés...

C'est l'élément le plus frustrant de la formule «trois petites tounes et puis s'en vont» du Festival. Qui a d'ailleurs fait dire à Zachary Cole Smith, jeune chanteur du groupe indie DIIV, qu'à SXSW, «la musique est le dernier des soucis». «On a cinq minutes pour se préparer, pas de sound check, pour un set de 15 minutes», a-t-il écrit sur le Tumblr du groupe, en maudissant les «vampires» de l'industrie et leur obsession du commerce.

Son «Fuck SXSW» n'est pas passé inaperçu. Il a été relayé par plusieurs médias et a inspiré à un chroniqueur du Austin Chronicle cette réplique bien tournée: «On ne vient pas dans un buffet chinois pour se plaindre qu'il n'y a pas de steak.»

J'ai, de mon côté, quitté le buffet chinois samedi, repu de musique et en déficit de sommeil. Avec l'impression d'avoir raté quantité de spectacles intéressants (Prince, Smashing Pumpkins), regrettant certains choix (Atlas Genius et son pop rock générique), tout en me consolant en lisant des critiques tièdes (des Flaming Lips, des Yeah Yeah Yeahs, d'Alt-J). Et en me promettant surtout qu'un jour, je retrouverais ce cirque irrésistible.