Ce que l'on sait d'un pays étranger où l'on n'a jamais mis les pieds ne se limite pas à ce que l'on en dit dans les bulletins télévisés. Ce que l'on sait de ses us et coutumes, de ses moeurs, de sa culture, nous vient aussi des oeuvres artistiques qui franchissent ses frontières.

Mon père connaissait Paris par romans interposés parce qu'il avait lu tout Zola avant d'y mettre les pieds pour la première fois à 50 ans. Ce que je sais de la Pologne, je le dois à Kieslowski, à Wajda, à Zulawski, à Agnieszka Holland.

J'en sais davantage sur le Chili depuis que j'ai vu l'excellent film du jeune cinéaste chilien Pablo Larrain, No (à l'affiche le 22 mars au Québec), finaliste à l'Oscar du meilleur film en langue étrangère. On y raconte comment le régime Pinochet a été défait en 1988 par référendum, entre autres grâce aux efforts d'un jeune publicitaire surdoué (Gael Garcia Bernal).

On a beaucoup parlé de rayonnement de notre cinéma récemment. Pour mettre en perspective la soi-disant «crise» qui secoue le cinéma québécois une vue de l'esprit si vous voulez mon avis. Certains tournent l'expression en dérision : que nous rapporte ce rayonnement si notre cinéma attire moins de gens dans les salles? Vision à courte vue.

Chacune des oeuvres de Xavier Dolan s'est trouvée finaliste au César du meilleur film étranger. Les cinéphiles français connaissent mieux le Québec depuis que ce cinéaste fougueux le leur présente, à travers sa lorgnette. Les films de cet habitué du Festival de Cannes, qui jouit d'une réelle réputation internationale, sont présentés dans des festivals partout dans le monde.

Xavier Dolan, et plusieurs autres, offrent à voir à un public international leur vision du Québec contemporain. C'est le cas de Denis Côté, qui vient de remporter un Ours d'argent soulignant son innovation au Festival de Berlin grâce à Vic et Flo ont vu un ours.

Denis Côté ne veut d'aucune manière être perçu comme un ambassadeur du cinéma québécois ou du Québec. C'est un artiste, qui partage sa vision d'artiste. Mais qu'il le veuille ou non, parce qu'il jouit d'une vitrine médiatique exceptionnelle, il contribue à forger l'image du Québec d'aujourd'hui à l'étranger.

Le cinéaste de Bestiaire, qui a été présenté dans plus de 70 festivals et vient de prendre l'affiche en France, participait à une discussion fort intéressante sur le rayonnement du cinéma québécois, mercredi, dans le cadre des 31e Rendez-vous du cinéma québécois.

Il dit avoir remarqué une réelle curiosité pour le cinéma québécois à l'étranger, qui n'était pas aussi manifeste il y a une dizaine d'années. «Il y a de l'intérêt pour le cinéma québécois, qu'on distingue maintenant du cinéma canadien, dit-il. Mais les gens ne veulent pas tout voir. Il n'y a pas un engouement pour le cinéma québécois comme il y en a un, par exemple, pour le cinéma roumain.»

N'empêche, comme l'a souligné Kim McCraw, productrice de succès internationaux tels Monsieur Lazhar et Incendies, «les gens sont curieux de savoir ce qui se passe au Québec à l'international». On ne peut parler d'une «vague de succès» à l'étranger, mais le cinéma québécois y existe comme il n'y a jamais existé, selon Luc Déry, son associé chez Microscope.

«Huit ou neuf films québécois sont sortis en France l'an dernier, dit-il. Non seulement l'éventail est extrêmement large, mais quatre films ont fait de gros succès: Laurence Anyways, Starbuck, Incendies, Monsieur Lazhar. Café de Flore, même si ses producteurs espéraient davantage, a fait plus de 100 000 entrées. C'est exceptionnel!»

Les récents succès du cinéma québécois à l'étranger font boule de neige, croit Luc Déry, dont le plus récent film, Inch'Allah d'Anaïs Barbeau-Lavalette, doit prendre l'affiche sur une soixantaine d'écrans français ce printemps. «S'il n'y avait pas eu d'autres succès auparavant, ce n'aurait pas été possible», précise Luc Déry, pour qui le potentiel international d'un film est aussi important que sa capacité à séduire un auditoire québécois.

Le rayonnement mondial actuel du cinéma québécois trois fois candidat d'affilée à l'Oscar du meilleur film en langue étrangère peut certainement être profitable, croit le comédien Marc-André Grondin, qui partage sa carrière entre le Québec et la France. Mais il ne faudrait pas en exagérer la portée.

«Il y a toujours aussi peu de gens à la Semaine du cinéma québécois à Paris (organisée par la SODEC en novembre), qui ne profite d'aucune couverture médiatique française, alors qu'on en fait tout un plat dans les médias québécois, dit-il. Reconnaître qu'il y a encore énormément de chemin à faire, c'est déjà faire un pas vers une amélioration de la situation.» En effet.

Jouer au con

Dans une chronique récente sur les Rendez-vous du cinéma québécois («En attendant Guzzo»), je me suis demandé si le président de l'Association des propriétaires de salles de cinéma du Québec, Vincent Guzzo, ne jouait pas au con. À le voir se plaindre sans cesse d'un cinéma d'auteur québécois «lamentard», je trouvais ma question légitime.

Vincent Guzzo, qui déclare volontiers ne pas faire la distinction entre vendre du cochon ou des films, est un personnage haut en couleurs, provocateur, qui aime en rajouter des couches pour amuser la galerie. C'est ce que j'entendais par «jouer au con». S'il a été blessé par cette formule, je m'en excuse.

Pour joindre notre chroniqueur: mcassivi@lapresse.ca