Certains prétendent qu'il s'agit de l'un des pires films jamais réalisés à Hollywood. Tous s'étonnent qu'autant de vedettes américaines aient accepté d'y participer.

Movie 43 de Peter Farrelly (There's Something About Mary, Dumb and Dumber) a pris l'affiche il y a une semaine, sans tambour ni trompette. C'était voulu. Il arrive, lorsqu'un studio anticipe un accueil défavorable de la critique, qu'il refuse de présenter un film à la presse avant de le diffuser en salle. C'est toujours mauvais signe.

Ce qui est aussi de mauvais augure, c'est lorsque, flairant un four à distance, des acteurs refusent de faire la promotion d'un film. Ce ne sont pourtant pas les comédiens qui manquent dans Movie 43 (intitulé ainsi, précisément, en raison de son grand nombre de têtes d'affiche).

Ce film à sketchs, produit par Peter Farrelly et réalisé par une douzaine de cinéastes, dont lui-même, Brett Ratner (X-Men) et l'actrice Elizabeth Banks, met en vedette une impressionnante brochette d'acteurs, comprenant deux des finalistes de la prochaine soirée des Oscars - Hugh Jackman et Naomi Watts -, ainsi que le maître de la cérémonie du 24 février, Seth McFarlane.

Nombre de vedettes établies ou en devenir complètent une distribution qu'envieraient bien des réalisateurs: Dennis Quaid, Greg Kinnear, Kristen Bell, Kate Winslet, Liev Shreiber, Anna Faris, Chris Prat, Emma Stone, Richard Gere, Kate Bosworth, Justin Long, Jason Sudeikis, Uma Thurman, Chloë Grace Moretz, Gerard Butler, Johnny Knoxville, Seann William Scott, Halle Berry, Stephen Merchant, Snooki (!), Terrence Howard, Elizabeth Banks ou encore Josh Duhamel.

Ils pourront tous ajouter à leur C.V. cette oeuvre cinématographique que le collègue Peter Howell du Toronto Star a décrite comme le pire film qu'il a jamais vu et que Richard Roeper du Chicago Sun-Times a qualifié de «Citizen Kane du mauvais». Excusez du peu.

Comment tous ces acteurs ont-ils pu être attirés dans un pareil bourbier? En raison d'un producteur tenace qui, comme on dit à Hollywood, n'a pas accepté qu'on lui dise non.

Movie 43 a été réalisé presque en dilettante, sur une période de quatre ans, ce qui a permis à Peter Farrelly de convaincre un à un, à force de persuasion, les acteurs d'y participer. «Désolé, je ne suis pas disponible cette année!» «Pas grave, on s'arrangera pour tourner avec toi l'an prochain.» Bref, le piège à con. À 800$ de cachet par journée de tournage.

Pour se débarrasser de Farrelly, il a fallu que George Clooney hausse le ton et l'intime «d'aller se faire foutre». Même les créateurs de South Park, Matt Stone et Trey Parker, pressentis pour réaliser un sketch, ont tenu à se dissocier de ce ratage annoncé qui multiplie les blagues douteuses...

Afin d'embrigader le plus grand nombre d'acteurs hollywoodiens de catégorie A, le cinéaste de Me, Myself and Irene a brandi un argument de taille: un premier sketch réalisé en 2008 avec Hugh Jackman et Kate Winslet. C'est sur la foi de cette vignette mettant en vedette une lauréate et un finaliste aux Oscars que bien des artistes ont accepté de se joindre à l'aventure. À leurs risques et périls.

Dans ce premier sketch, Kate Winslet joue une célibataire new-yorkaise qui accepte, à l'insistance d'un ami, l'invitation au restaurant d'un avocat riche et très en vue (Jackman) qu'elle n'a jamais rencontré. Leur rendez-vous semble très prometteur jusqu'à ce que l'avocat se débarrasse de son foulard et dévoile... un scrotum, qui pend à son menton. De l'humour de haute voltige, avec des testicules qui trempent dans la sauce cocktail (et tutti quanti).

La suite est bien sûr à l'avenant. Dans l'humour scabreux, régressif, scatologique et outrancier des films des frères Farrelly, mais avec en prime un désir de choquer si évident qu'il m'a semblé presque désespéré. Dans un sketch, un lutin vulgaire se fait ligoter et martyriser. Dans un autre, une femme demande à son fiancé de lui prouver son amour en déféquant sur elle. Je vous épargne le reste.

Les artisans de Movie 43 ont fini par tracer les frontières de leur propre tolérance au mauvais goût après la réception glaciale par un auditoire-test d'un sketch sur la nécrophilie, chassé à la dernière minute du montage final. Même les provocateurs ont leurs limites.

Peter Farrelly ne s'en cache pas: il souhaite que son film se distingue à ce point au chapitre de l'exécrable qu'il finisse par faire l'objet d'un culte, en particulier chez les jeunes spectateurs. Ce ne semble être le cas - le film n'ayant pas provoqué d'enthousiasme «viral» -, même si le producteur se remplira les poches avec ce projet de navet plus ultra.

Movie 43, réalisé avec un budget très modeste de 6 millions, en a rapporté autant à son premier week-end à l'affiche en Amérique du Nord, et plus de 8,5 millions en Russie seulement, selon le Guardian de Londres. Ce n'est pas la manne, mais la preuve qu'il y a malheureusement un public pour tout.

Si au moins Movie 43 s'était donné la peine d'exceller dans le mauvais. Ce n'est pas le cas à mon avis. L'ensemble, bâclé, m'a donné l'impression de mauvais sketchs de Saturday Night Live colligés, écrits et réalisés en peu de temps sur un coin de table.

Il y a mauvais et mauvais. Movie 43 ne se qualifie pas, tant s'en faut, comme le pire film de tous les temps. Il n'est pas «assez mauvais pour être bon», comme le veut l'expression, ni assez audacieux pour provoquer des éclats de rire. Le film de Peter Farrelly ne fait, au final, qu'ennuyer. Comme n'importe quel mauvais film ordinaire. C'est dire comme il est raté.