Lundi, Beyoncé n'a pas chanté à la cérémonie d'investiture du président Barack Obama. Elle a fait semblant. La chanteuse s'est prêtée au jeu du lip-sync pour éviter les couacs. Et parce qu'elle est une star pop issue d'une culture du lisse, qui fabrique de la musique sans aspérités.

Il n'est pas question de Beyoncé dans le documentaire de l'ex-batteur de Nirvana Dave Grohl, présenté il y a une semaine au Festival de Sundance. Mais Sound City, qui prendra l'affiche pendant une semaine à compter de jeudi au Cinéma du Parc, s'intéresse à l'obsession de la perfection dans l'enregistrement musical. En se désolant que des logiciels tels Pro Tools ou Autotune permettent d'aplanir tout ce qui fait l'originalité d'un artiste.

Sound City, du nom d'un studio d'enregistrement de Los Angeles, commence avec la voix hors champ de Dave Grohl. «Nous n'étions que des gamins, dit-il. Nous n'avions rien à perdre. Nous ne nous sentions nulle part à notre place. Mais nous avions ces chansons, et ces rêves.»

En 1991, une quinzaine des chansons sous le bras, Grohl, Krist Novoselic et Kurt Cobain arrivaient aux studios de Sound City. «Un trou», dit Butch Vig, réalisateur de Nevermind, album phare du groupe de Seattle. Ce que possédait de plus cher Sound City, studio à l'abandon depuis la chute des groupes de hair metal des années 80, était une console unique, la Neve 8028, conçue sur mesure par le réputé ingénieur britannique Rupert Neve.

En mai 2011, lorsque Dave Grohl a appris que Sound City fermait ses portes, victime de la prolifération des logiciels d'enregistrement, il a non seulement décidé de faire un film sur ce studio mythique, mais il a aussi acheté sa célèbre console.

«En 16 jours, cette console a changé ma vie, dit-il dans le film. Je ne sais pas de quoi aurait eu l'air Nevermind, ni ce que Nirvana serait devenu sans cette console. Pour moi, elle représente l'intégrité, comme une vérité, ce qui est très humain.»

Le «facteur humain» est le fil conducteur de ce documentaire pour passionnés de musique qui s'attarde aux rouages de l'enregistrement et relate, grâce à des photos et vidéos d'archives, l'histoire de Sound City. Un studio qui a vu passer des artistes tels que Tom Petty, Neil Young, Red Hot Chili Peppers, Nine Inch Nails, Guns N' Roses, Pat Benatar, Johnny Cash, Metallica et bien d'autres.

Son histoire s'entremêle bien sûr à celle du rock. C'est à Sound City que Mick Fleetwood a découvert par hasard la musique du duo Lindsey Buckingham-Stevie Nicks. Et dans ces mêmes studios que Fleetwood Mac a enregistré Rumours.

Dave Grohl a interviewé quantité d'artistes de tous les genres - de Trent Reznor à Barry Manilow - et de réalisateurs aussi chevronnés que Rick Rubin ou Butch Vig. Il s'est aussi entretenu avec plusieurs anciens propriétaires et employés de Sound City, fondé en 1969, qui n'a pas connu que des jours heureux.

Avec l'arrivée des séquenceurs, des synthétiseurs et des batteries électroniques dans les années 80, Sound City s'est égaré de sa mission première d'authenticité. «Au début des années 90, le studio était mort», dit une ancienne gérante. Jusqu'à ce qu'un jour de 1991, un peu par hasard, Nirvana choisisse d'y enregistrer Nevermind, pour 60 000$. Le phénix allait renaître.

«L'album a sauvé le studio», dit son propriétaire. Grâce au succès de Nevermind, tous les artistes de la scène indépendante ont voulu enregistrer à Sound City: Rage Against the Machine, Frank Black, Weezer, etc. Le studio a renoué avec la philosophie de ses origines, en embrassant le côté vintage de l'enregistrement analogique. Mais l'industrie du disque, en chute libre, et le coût minime des logiciels d'enregistrement ont mené à la fermeture inévitable du studio il y a deux ans.

Au départ, Dave Grohl avait en tête de réaliser un court métrage destiné au web en hommage au studio, pour souligner les 20 ans de Nevermind. Il a rapidement décidé, à la lumière de tous ces témoignages, de produire un long métrage. Il ne s'est pas contenté de raconter l'histoire de Sound City. Il a convié plusieurs artistes qui ont marqué les lieux à venir enregistrer de nouvelles chansons sur la console Neve 8028, chez lui.

L'album qui en a été tiré et sera lancé le 12 mars sert de matière première à la dernière partie de ce documentaire de quelque 105 minutes, qui se termine avec l'enregistrement de Cut Me Some Slack, une chanson composée par Grohl, ses anciens acolytes de Nirvana Krist Novoselic et Pat Smear, ainsi que... Sir Paul McCartney.

«Je regardais Krist bouger comme à l'époque, j'écoutais Pat à la guitare, et j'ai pensé que j'étais de retour avec Nirvana, dit Grohl. Jusqu'à ce que je voie, du coin de l'oeil, Paul McCartney!» Chantant de sa voix imparfaite. Comme on l'aime.

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