Il est de bon ton, ces jours-ci, de clamer la fin du cinéma tel qu'on le connaît. Les doléances sont connues: il ne se fait plus de films comme à la belle époque, les cinéastes d'aujourd'hui ne sont pas de la trempe de ceux d'hier, tous les bons scénaristes ont migré vers la télé, etc.

Aux États-Unis, trois critiques réputés ont encore tout récemment décrété la mort du septième art. David Denby, critique au New Yorker, accuse Hollywood, dans son nouveau livre Do the Movies Have A Future?, d'avoir abandonné les scénarios complexes et le public adulte qui en est friand, au profit de «films à suite» pour adolescents, autrement plus rentables.

Le vénérable David Thomson, dans son plus récent essai The Big Screen, s'inquiète du manque d'inspiration des cinéastes contemporains, alors que son confrère du Village Voice James Hoberman s'applique dans son livre Film After Film à démontrer que le cinéma est mort de sa belle mort. Amen.

«Le New York Times, dans un reportage sur le déclin de la pertinence culturelle du cinéma, a fait valoir que plus de gens auront vu un seul épisode de Mad Men que The Master», a écrit jeudi le critique du Times A.O. Scott, en commentant les conclusions funestes de ses collègues. «Loin de moi l'idée de gâcher de belles funérailles, a-t-il ajouté, en précisant que son journal avait critiqué 800 films l'an dernier. Mais tout cela est ridicule. Le cercueil est vide.»

Je suis d'accord avec A.O. Scott, mon critique américain préféré. Le livre n'est pas mort avec la naissance de la radio, qui n'est pas morte avec l'arrivée de la télévision, qui n'a pas été tuée par l'essor de l'internet. Tous ces médias coexistent désormais, enrichissant le paysage, pour le bénéfice de tous.

Aussi, le cinéma a survécu à l'invention du VHS, du DVD et de la VSD (vidéo sur demande). Et ce n'est pas l'écran HD qui parviendra à l'achever. La fin du film, n'en déplaise aux oiseaux de malheur, n'est pas proche. L'héritage des frères Lumière est sauf. Peu importe ce que l'on peut en déduire des prédictions de Nostradamus ou des Mayas. Ce qui est mort, c'est surtout une idée, nostalgique, que certains se font du cinéma.

Sans doute n'y a-t-il pas en ce moment de mouvement aussi fort et novateur, pour l'évolution du septième art, que la Nouvelle Vague ou le néoréalisme italien. Mais le cinéma reste un art bien vivant. C'est ce que je me disais cette semaine, en parcourant les listes de fin d'année de différentes publications et en préparant mon propre palmarès des meilleurs films de 2012 (qui sera publié le 22 décembre, conjointement avec l'ami Lussier).

Le cinéma québécois n'a peut-être pas connu sa plus grande année, mais sur la scène internationale, des cinéastes comme Michael Haneke, Jacques Audiard ou Paul Thomas Anderson ont confirmé hors de tout doute qu'ils n'avaient rien à envier aux réalisateurs légendaires d'antan. De jeunes cinéastes tels Xavier Dolan et Benh Zeitlin (Beastsof The Southern Wild) ont démontré que l'ambition, l'audace et l'originalité peuvent encore être récompensées.

La fin du film est à nos portes? Vous irez voir De rouille et d'os (sortie le 14 décembre) et Amour (à l'affiche le 11 janvier), et on s'en reparle.

Le meilleur et le pire

Le magazine Time s'est amusé cette semaine à faire le compte du meilleur et du pire du cinéma en 2012. À noter, parmi les «dix meilleures performances d'acteurs» de l'année, un coup de chapeau à Vanessa Paradis (numéro huit), pour son rôle émouvant de mère d'un garçon trisomique dans Café de Flore, de Jean-Marc Vallée.

«Il s'agit de son rôle le plus exigeant et le plus abouti, écrit Richard Corliss. Dans ce traité mystique sur l'obsession, Vanessa Paradis est la déesse d'une dévotion à la fois exaltante et terrifiante.»

Time a aussi révélé l'identité de son «pire film de l'année». Il s'agit, sans surprise en ce qui me concerne, de l'indigeste Cloud Atlas du trio des Wachowski-Tykver, que j'ai fortement déconseillé dans cette chronique. Vous ne pourrez pas dire que vous n'aviez pas été avertis...

Un parti pris?

Le Festival international du film de Toronto (TIFF) a publié mardi sa liste annuelle des dix meilleurs films canadiens de l'année. Dans le lot, on retrouve seulement trois longs métrages québécois: Laurence Anyways de Xavier Dolan, Rebelle de Kim Nguyen et la comédie Goon de Michael Dowse, coproduite au Québec.

La récolte n'est pas fameuse, d'autant plus que le Québec a l'habitude de faire très bonne figure au «Canada's Top Ten». J'aurais vu le très beau Camion, de Rafaël Ouellet, se faufiler dans le palmarès.

Ce qui m'a surpris davantage, c'est la sélection par le jury de professionnels de films, à mon sens mineurs, de cinéastes réputés du Canada anglais: Midnight's Children de Deepa Metha et Cosmopolis de David Cronenberg. Un parti pris pour les cinéastes établis?

Subventions

Dans une entrevue accordée au Globe and Mail mercredi, l'acteur et producteur américain Mark Wahlberg invite le gouvernement Harper à revoir sa politique d'incitatifs fiscaux pour les tournages de films étrangers au Canada. Wahlberg, qui a tourné dans sept longs métrages au Canada, croit que la réduction de ces incitatifs a eu un impact très néfaste sur les tournages hollywoodiens, qui rapportent beaucoup d'argent à l'économie locale. Il n'a pas tort.

Parlant de subventions, le gouvernement portugais, dans la tourmente financière que l'on sait, a carrément suspendu son aide au cinéma national. Résultat: il n'y a plus de films tournés au Portugal. Après avoir indiqué qu'il promulguerait une loi votée cet été garantissant le retour du financement, le gouvernement vient de repousser cette mesure aux calendes grecques (c'est le cas de le dire).

Et dire que certains militent pour que le Québec cesse aussi de subventionner notre cinéma...