Dans son iPod, il y a les Beatles et les Stones, James Brown et Stevie Wonder, Eminem et Bob Dylan, Miles Davis et Gil Scott-Heron. Barack Obama aime la musique. D'hier et d'aujourd'hui. Avec un faible pour le R&B et le reggae de Bob Marley (oui, contrairement à l'un de ses prédécesseurs, il avoue avoir déjà «inhalé»).

Mardi, au moment de sa réélection, je me suis revu à Chicago, il y a quatre ans, attendant à Grant Park, au coeur d'une foule compacte, qu'Obama prononce son premier discours à titre de «président élu». L'air était doux, l'ambiance électrique, Mistaken for Strangers, du groupe The National, jouait sur les haut-parleurs.

Mon collègue et ami Alexandre Sirois, chef de nos pages internationales qui couvrait l'élection présidentielle, était à mes côtés. Mardi, il était de retour à Chicago. En direct du quartier général du camp Obama, tout en rédigeant son compte rendu de la soirée, il a livré ses impressions sur Twitter.

«Le DJ est en feu à Chicago», a répété Alex, un mélomane averti. Il faisait référence entre autres à Even Better Than The Real Thing de U2 («Give me one more chance and you'll be satisfied») et à We Take Care of Our Own de Bruce Springsteen qui, avec le rappeur Jay-Z, a accompagné le président durant ses derniers jours de campagne.

La chanson du Boss, comme celle de U2, fait partie de la liste officielle des titres qui pouvaient être diffusés lors des sorties publiques du président, au cours de la campagne électorale. Une chanson qui dénonce le manque de leadership du dernier président républicain, George W. Bush, après l'ouragan Katrina.

Ces pièces n'ont évidemment pas été choisies de manière fortuite, comme du reste l'ensemble de la bande sonore de la soirée électorale de mardi. La sélection musicale du quartier général de Chicago, que l'on a pu découvrir sur toutes les chaînes télévisées, reflétait à la fois les goûts personnels de Barack Obama et le message (chanté par Bono sur l'album Achtung Baby) qu'il tente de transmettre aux électeurs depuis des mois: «Donnez-moi une autre chance et vous serez satisfaits...»

Un message qui ne saurait être exprimé plus clairement que dans le titre de l'une des chansons préférées de Barack Obama, Let's Stay Together d'Al Green («Let me be the one you come running to/I'll never be untrue»), que le DJ n'a pas oublié de faire jouer mardi. En 1996, Bill Clinton a été réélu au terme d'une campagne durant laquelle la chanson Don't Stop, de Fleetwood Mac, avait été diffusée en boucle. Toujours dans le même esprit.

D'autres chansons entendues pendant la soirée, I Want You Back des Jackson Five («Oh baby give me one more chance/To show you that I love you»), I Want You de Marvin Gaye («You don't want me now/But I'm gonna change your mind/Someway, somehow, oh baby») ou encore What I'd Say de Ray Charles («Then I pray you'll come back to me/Before I lose my mind») font référence à cette volonté, clairement affichée depuis des mois par le clan Obama, de reconquérir un électorat déçu, en prévision d'un second mandat. Mission accomplie, du moins en partie.

La première chanson à résonner au Centre des congrès de Chicago, mardi, à l'annonce de la victoire d'Obama? Twist and Shout. La version des Beatles, pas celle des Isley Brothers («You know you got me goin' now/Just like I knew you would»). Les paroles rassurantes d'un candidat soulagé.

Le reste de la soirée, entre la confirmation de sa réélection et le discours du vainqueur, a été bercé par plusieurs pièces de soul et de R&B qu'affectionne le président américain. À commencer par Respect d'Aretha Franklin, que l'on pourrait interpréter comme une demande faite expressément par Barack Obama aux partisans de Mitt Romney («What you want, baby, I got it/What you need, you know I got it/All I'm askin' is for a little respect»). Juste un petit peu...

Dans les paroles de You Can't Hurry Love des Supremes («You can't hurry love/No, you just have to wait/You got to trust, give it time/No matter how long it takes»), entendue pendant la soirée, on retrouve ce même désir de plaire à un large pan de l'électorat qui n'est pas convaincu par les idées du président sortant. Comme en témoigne la faible majorité d'Obama au scrutin populaire.

L'interprétation d'une liste de chansons a bien sûr ses limites. Que dire de la sélection de Got To Give It Up de Marvin Gaye («Baby just party high and low/Let me step into your erotic zone»)?

Au moment de prononcer, enfin, son discours de la victoire, c'est Signed, Sealed, Delivered de Stevie Wonder qui a accompagné Barack Obama sur scène. «Like a fool, I went and stayed too long/Now I'm wondering if your love's still strong/Oh, baby, here I am, signed, sealed, delivered/I'm yours!» L'Amérique n'en attendait pas moins.