On les repérait au son, à trois pâtés de maisons. Ils étaient quelques centaines, sans doute, agglutinés devant le Roy Thomson Hall, espérant croquer avec leur téléphone portable le haut du crâne dégarni de Bruce Willis ou le galbe du mollet d'Emily Blunt.

Beaucoup de jeunes femmes, que l'on distinguait au concert de voix stridentes, postées derrière une longue barrière, près de la rue King, afin d'apercevoir, sortant de sa limousine, le beau Joseph Gordon-Levitt, star du thriller futuriste Looper de Rian Johnson, qui ouvrait hier le 37e Festival international du film de Toronto (TIFF).

On soupçonne que les mêmes chasseurs d'autographes se sont déplacés une heure plus tard à la première de On the Road de Walter Salles, au théâtre Ryerson, pour renouer avec Kirsten Stewart, dont c'était la première apparition publique depuis sa rupture avec son vampire de chum, Robert Pattinson.

Les chroniqueurs mondains ont remarqué qu'à son arrivée à l'aéroport Pearson, la vedette de la série Twilight portait sous son blouson de cuir un t-shirt ayant appartenu à son ex. Vous dire comme les acteurs sont ici sous la loupe de la presse «people» et des paparazzi, pour qui le TIFF, avec ses multiples soirées de gala, représente en quelque sorte un Noël du potineur.

Il n'y en a pas que pour les badauds, à Toronto. Heureusement. Les cinéphiles trouvent amplement leur compte dans ce menu gargantuesque. On se demande même comment on survivra au premier week-end sans faire d'indigestion.

Looper, donc, comme amuse-bouche. Un film d'anticipation divertissant, mené avec doigté et ne manquant pas de style, qui n'échappe pas pourtant aux conventions du nouveau cinéma de genre hollywoodien.

En 2044, au Kansas, la machine à voyager dans le temps n'a pas encore été inventée et les citoyens se promènent toujours en Dodge Ram 2008. Mais 30 ans plus tard, comme nous le répète plusieurs fois le narrateur, la technologie a été mise au point, et aussitôt interdite.

Joe (Joseph Gordon-Levitt) est un «looper». Un mercenaire à la solde d'un patron de la pègre venu du futur (Jeff Daniels), chargé d'éliminer des brigands transportés de 2074 à 2044. À 11 h 30 précises, dans un champ de blé, Joe attend sa victime et l'abat dès son «apparition». Jusqu'au jour où il se rend compte que sa victime potentielle est nulle autre que lui-même, avec 30 ans d'expérience en prime (Bruce Willis).

On vous épargne les détails, mais s'ensuit une chasse à l'homme qui conduit Joe vers la jolie Emily Blunt dans une maison de campagne où elle veille sur un enfant bien particulier. Il y a de l'action et des effets spéciaux à profusion, du sang itou, et tout ce beau monde semble se prendre très au sérieux.

On est loin du registre attendrissant de Back to the Future ou de l'humour des Rescapés. Même si je n'ai pu m'empêcher de sourire en voyant Bruce Willis, tout droit échappé de 12 Monkeys de Terry Gilliam, trucider tout le monde et son cousin à coup de salves de mitraillette. Une caricature de caricature.

Si Looper avait pris l'affiche il y a 10 ans, on aurait célébré son inventivité. Mais depuis The Matrix, dans le genre, il y a eu bien des ersatz ainsi que des réussites, comme Inception. On est loin du compte en ce qui me concerne.

Argo aux Oscars?

Je ne prédirai pas, comme certains l'ont fait, que Ben Affleck se retrouvera parmi les finalistes à l'Oscar du meilleur réalisateur pour Argo, dont il est aussi la vedette. Il reste que ce thriller politique très attendu, qui traite d'un épisode méconnu de la prise d'otages de l'ambassade américaine de Téhéran en 1979, est bourré de qualités.

Réalisé efficacement, scénarisé avec un bon dosage de drame et d'humour - notamment aux frais de l'industrie du cinéma hollywoodien -, Argo raconte la tentative de sauvetage de six otages qui se sont échappés de l'ambassade des États-Unis avant de trouver refuge chez l'ambassadeur du Canada à Téhéran. Ils ont tenté de quitter l'Iran en se faisant passer pour une équipe de tournage canadienne.

Le récit, bien mené, tient en haleine pendant une bonne heure, mais s'essouffle en fin de parcours, en épousant avec un peu trop d'insistance les codes du thriller. Il ne se retrouvera peut-être pas à la prochaine soirée des Oscars, mais le troisième long métrage de Ben Affleck vaut certainement le détour.