Il y a aura du strass et de la paillette, un nombre incalculable de stars et quelques centaines de films, certains parmi les plus attendus de la rentrée cinématographique.

Le 37e Festival international du film de Toronto (TIFF) s'ouvre aujourd'hui avec Looper, de Rian Johnson, thriller futuriste mettant en vedette Bruce Willis et Joseph Gordon-Levitt, l'une des jeunes coqueluches du cinéma hollywoodien.

J'écris «Festival», mais je dirais que l'événement s'apparente davantage à une extravagante foire où l'on se perd entre les projections, les conférences de presse, les soirées et les entrevues, sans trop savoir où donner de la tête. Essayer de bâtir un horaire raisonnable au TIFF relève de l'exploit. J'y ai renoncé, ainsi qu'au sommeil, pour les prochains jours. Je sais que vous me plaindrez...

Jusqu'à tout récemment, le Festival international du film de Toronto était lancé par un film canadien. On est dans la métropole du Canada ou on ne l'est pas. Le résultat n'était malheureusement pas toujours probant et le film d'ouverture du meilleur cru (Score, A Hockey Musical et Passchendaele, de triste mémoire).

L'an dernier, la direction du TIFF a décidé de changer sa politique et de rompre avec la tradition. Midnight's Children de la Canadienne Deepa Metha, une adaptation du roman de Salman Rushdie, qui aurait été pressenti pour l'ouverture en d'autres circonstances, sera plutôt présenté ce week-end en présence du célèbre auteur d'origine indienne.

Pour lancer le bal torontois, cette fois, et succéder au documentaire sur les 30 ans de l'album Achtung Baby de U2, From the Sky Down de Davis Guggenheim (présenté l'an dernier en présence de la bande à Bono), le Festival a préféré un film de genre hollywoodien que les dirigeants du TIFF qualifient d'amusant et d'intelligent.

Looper, dont on vous reparlera demain, n'est pas que ça. C'est aussi un film d'anticipation - ainsi qu'une variation sur le thème de la machine à voyager dans le temps - qui nous renvoie comme spectateur à notre rapport à la violence, à une époque où il est particulièrement pertinent d'y réfléchir.

Hollywood

Looper est du reste, malgré le regard manifestement cinéphile de Rian Johnson, une superproduction hollywoodienne pur jus, avec effets spéciaux, cascades et effluves de sang qui gicle de partout. Un film d'action «sophistiqué» qui réjouira sans doute une partie du public de type geek-de-cinéma-nostalgique-du-premier-Matrix, se prétendant insensible à la présence massive d'armes à feu au grand écran. Bien sûr.

Dans une entrevue qu'il m'accordait la semaine dernière, le directeur artistique du TIFF, Cameron Bailey, se défendait de servir par son festival les intérêts de Hollywood. Il m'a offert des arguments convaincants, avec sa grande variété de films provenant de 72 pays et sa pléiade de premières mondiales.

Il reste que de présenter Looper en ouverture, c'est faire un choix non seulement artistique et esthétique, mais stratégique. Un choix populaire qui va dans le sens d'épouser les dernières tendances, de rester dans le coup et dans le vent, en suivant l'air du temps. Tout en obéissant, oui, à certains diktats de Hollywood, notamment en matière de tolérance à la violence.

Programmer un film hyper violent en ouverture d'un festival, c'est donner un ton à sa programmation. Ainsi que des munitions à ses détracteurs. En contrepartie, c'est s'assurer de la présence de multitudes de stars qui fréquenteront les cocktails et fouleront les tapis rouges, au grand plaisir des paparazzi (Gwyneth Paltrow, Ben Affleck, Ryan Gosling, Robert Redford, Johnny Depp, Joaquin Phoenix, Keira Knightley, Tom Hanks et Kristen Stewart, pour ne nommer que la pointe de l'iceberg).

C'est aussi s'assurer, en ouvrant grand la porte au principal joueur de l'industrie mondiale, de consolider la place déjà bien établie du TIFF comme rampe de lancement de la course aux Oscars. En quelque sorte le baromètre, bon an mal an, du prestige de Toronto, selon les critères de Hollywood.

Cela reste un avantage indéniable qu'a Toronto sur Cannes, encore et toujours considéré comme le plus prestigieux des festivals de films. Le succès de The Artist sur la Croisette en 2011 étant l'exception qui confirme la règle.

Depuis quelques années, le Festival de Cannes aussi s'arrache les nouveaux prodiges du cinéma de genre et n'hésite pas à sélectionner en compétition les Drive de Nicolas Winding Refn, Lawless de John Hillcoat et autres Killing Them Softly d'Andrew Dominik. Autant de films qui, sous le couvert du divertissement, exploitent la violence en la «glamourisant» pour un jeune public cinéphile branché, shooté à la testostérone.

Ce n'est que du cinéma, diront certains. M'est avis que c'est surtout ne pas voir plus loin que la pointe du fusil.