Ce qu'il y a eu de plus irritant dans la télédiffusion des Jeux olympiques, c'est le patriotisme exacerbé. Les chaînes canadiennes se sont surtout intéressées aux disciplines où le Canada avait une chance de médaille. Aux États-Unis, c'était encore pire. Pour certaines épreuves dominées par des Américains, on faisait carrément «disparaître» les autres athlètes. La magie du montage...

Il y a eu le patriotisme des Jeux, et le patriotisme entourant les Jeux. Celui de la publicité, notamment. Il n'y a pas eu de publicité plus patriotique que celle qui faisait la promotion de la nouvelle émission de téléréalité de NBC, diffuseur officiel des JO aux États-Unis.

Un bombardement publicitaire qui a duré plusieurs jours, pour une émission intitulée Stars Earn Stripes, allusion au surnom du drapeau des États-Unis qui peut se traduire par «les étoiles méritent leurs galons».

Après deux semaines d'un régime patriotique quotidien made in America, NBC a présenté hier soir le premier épisode (de deux heures) de cette téléréalité militariste dans laquelle des célébrités de série B jouent aux soldats. Un genre de Survivor va-t-en-guerre, produit notamment par le gourou de la téléréalité Mark Burnett, qui contraint ses candidats à accomplir différentes tâches dans un «théâtre militaire» conçu à cet effet.

Stars Earn Stripes n'est pas un simple boot camp pour perdre des kilos en trop. C'est une authentique simulation de guerre, avec explosions et salves de mitraillette à l'appui. Les concurrents utilisent de véritables munitions, dit-on, pour se mettre dans l'ambiance d'une opération militaire, avec l'objectif avoué de rendre hommage aux soldats américains postés à l'étranger. La pub de Stars Earn Stripes a d'ailleurs toutes les allures d'une campagne de recrutement pour les forces armées américaines.

Huit concurrents, dont l'ancien chanteur de boy band Nick Lachey, la skieuse Picabo Street, l'ex-boxeuse Laila Ali et Todd-le-mari-de-Sarah-Palin sont jumelés à des militaires, dont un certain Chris Kyle, qui se targue d'être le tireur d'élite le plus efficace de l'histoire de l'armée américaine, avec 160 victimes «confirmées» en Irak. Ce qui serait, selon toute vraisemblance, un record olympique

Sous la supervision de l'ancien général et candidat à l'investiture démocrate Wesley Clark, ils devaient notamment, hier, sauter d'un hélicoptère, nager jusqu'à une base et ramper sous des barbelés afin de détruire à l'aide d'explosifs la cache d'armes d'un ennemi «imaginaire». Bref, tous les éléments d'un excellent divertissement familial.

On s'étonne que quelques Arabes n'aient pas été recrutés dans la région de Detroit pour servir de chair à canon et ajouter un peu au réalisme de ce jeu de guerre qui sera sans doute très populaire. Pour l'instant, les concurrents tirent sur tout ce qui bouge, mais rien qui bouge n'est une vraie cible humaine. La preuve, s'il en faut, que NBC respecte un code d'éthique...

Ce n'est pas l'avis de Sharon Osbourne. La célèbre femme du chanteur de Black Sabbath a menacé de quitter l'émission America's Got Talent, où elle est juge, à la fin de la prochaine saison, afin de protester contre la décision de NBC de ne pas retenir les services de son fils Jack. Le jeune Osbourne a appris récemment qu'il était atteint de sclérose en plaques et soutient que c'est la raison pour laquelle il n'a pas été sélectionné par l'équipe de Stars Earn Stripes. Se disant victime de discrimination, il déclare à qui veut bien l'entendre que l'émission sera mauvaise.

Il n'est pas le seul. Les journalistes américains n'ont pour la plupart pas été très tendres à l'égard de ce condensé de patriotisme dégoulinant. Mais ils se sont davantage interrogés sur la dispute entre NBC et le clan Osbourne que sur les conséquences de la diffusion d'une émission qui fait aussi ouvertement l'apologie du conflit armé (sous prétexte de célébrer la bravoure et le dépassement de soi). À chacun ses priorités.

Hier, une autre fusillade a fait trois morts et autant de blessés dans un campus universitaire du Texas. Mais cela, évidemment, n'a rien à voir.