C'était un acteur qui s'imposait à l'écran avec un simple regard noir, dont la présence physique, la mâchoire carrée, l'intensité sauvage, l'aisance à manier des armes et la prestance plus grande que nature inspiraient l'admiration et le respect.

Toshiro Mifune fut aux films de samouraïs - ceux d'Akira Kurosawa, dont il fut l'acteur fétiche - ce que fut John Wayne aux westerns de John Ford. Une icône populaire. Une incarnation du mâle dominant du milieu du siècle dernier. Il fut aussi, grâce à un registre étonnant, bien plus que ça.

Depuis hier, le Cinéma du Parc présente un programme consacré aux plus grands films du cinéma japonais. Parmi ceux-ci, plusieurs mettent en vedette Toshiro Mifune, qui fut la plus grande star du cinéma nippon de son époque et l'un des meilleurs ambassadeurs du Japon à l'étranger (même s'il est né en Chine, où il a vécu jusqu'à ses 20 ans).

Entre autres au menu, la trilogie Samuraï d'Hiroshi Inagaki, fresque de six heures dans laquelle Mifune incarne Musashi Miyamoto, figure légendaire de l'histoire médiévale japonaise, ainsi que quatre des films les plus marquants de sa longue et fructueuse collaboration avec Akira Kurosawa: Rashomon (1950), Les sept samouraïs (1954), Yojimbo (1961) et Sanjuro (1962).

Une rare occasion de revoir les personnages de samouraïs taciturnes et impassibles qui firent la légende de Mifune. Le mercenaire rustre et rusé de Yojimbo, qui, par sa maîtrise exceptionnelle du sabre, arrive à libérer un village d'une guerre entre deux clans rivaux. Un film à la fois sombre et divertissant, librement inspiré dans son esthétique des westerns de John Ford, qui inspira à son tour à Sergio Leone le western-spaghetti Pour une poignée de dollars (avec Clint Eastwood).

Le personnage solitaire de Sanjuro (repris dans le film du même nom), qui met en valeur le talent comique de Mifune et lui valut le premier de deux prix d'interprétation à Venise, rappelle à bien des égards Kikuchiyo, le ronin enragé des Sept samouraïs de Kurosawa. Chef-d'oeuvre du film d'action, qui fut aussi adapté en western par John Sturges (The Magnificent Seven, 1960), Les sept samouraïs consacra Mifune, propulsé par son rôle de bandit dans Roshomon (Lion d'or à Venise), parmi les acteurs de légende du cinéma mondial.

Kurosawa dirigea Mifune 16 fois, de L'ange ivre en 1948 jusqu'à Barberousse en 1965, avant que les deux hommes se brouillent. Efficace, subtil, d'une simplicité déconcertante selon Kurosawa, Toshiro Mifune s'aventura en fin de carrière dans quelques productions internationales, dont Grand Prix de John Frankenheimer en 1966, Hell in the Pacific de John Boorman en 1968, Soleil rouge de Terence Young en 1971, ainsi que la série télévisée Shogun, au début des années 80. Sans jamais connaître le succès ni critique ni populaire qu'il avait trouvé dans le cinéma japonais, où il tourna près de 130 films, Mifune disparut en 1997, à l'âge de 77 ans, huit mois à peine avant Kurosawa, avec qui il venait de se réconcilier.

En plus de son mini-programme Mifune-Kurosawa, le Cinéma du Parc, dont le «cycle japonais» a démarré hier avec des nouvelles copies restaurées en 35 mm de La condition de l'homme de Masaki Kobayashi, présentera sept longs métrages du grand Yasujiro Ozu, dont bien sûr le chef-d'oeuvre Tokyo Story.

C'est légal

C'est légal, je vous jure. Plus de 5000 longs métrages, disponibles pour téléchargement, légal il va sans dire et d'assez bonne qualité. Grâce au site archive.org, ce festin filmique est ouvert à tous. Sorte de buffet «all you can eat» des débuts de l'histoire du cinéma.

Il y a évidemment, dans une très forte proportion, de très vieux films, désormais tombés dans le domaine public. C'est-à-dire une majorité de films réalisés avant 1923 ainsi que plusieurs oeuvres datant d'avant 1963, dont les droits d'auteur n'ont pas été renouvelés ou qui ont été rendus disponibles autrement.

Sans entrer dans les détails juridiques, disons qu'il y a là bien des heures de visionnement possible, en toute légalité, pour découvrir certains chefs-d'oeuvre, ainsi que plusieurs navets mémorables du septième art. D'ailleurs, la liste des films les plus téléchargés du site laisse entrevoir quelques vifs plaisirs psychotroniques, avec des titres tels Voyage to the Planet of Prehistoric Women, Plan 9 From Outer Space (du célèbre Ed Wood, réputé le pire film de tous les temps), Sex Madness, un film de «sexploitation» de 1938, ainsi que «l'original» The Fast and The Furious de John Ireland (1955).

Heureusement, les archives comptent aussi des films connus pour leur qualité: Le cuirassé Potemkine de Sergei Eisenstein, M le maudit de Fritz Lang, The Stranger d'Orson Welles, Night of the Living Dead de George Romero, quelques courts métrages du début de la carrière de Charlie Chaplin ainsi que quantité de longs métrages d'Alfred Hitchcock (dont 39 Steps, Blackmail et Murder !). Et c'est légal. Je vous jure.