Ça m'est arrivé encore récemment, en vacances. En parcourant des dizaines de chaînes de radio, ici comme à l'étranger, je me suis dit que non seulement les 20 mêmes chansons populaires récentes tournaient partout en boucle, mais que ces chansons étaient souvent pratiquement identiques à d'autres qui étaient diffusées sur les mêmes ondes il y a 10, 20, voire 30 ans.

À force de remâcher les mêmes formules, les mêmes rythmes, les mêmes accords et les mêmes progressions mélodiques, on en vient à ne plus distinguer le neuf du vieux (si ce n'est que par l'abus actuel du logiciel de correction de la voix Auto-Tune). Le titre numéro 1 du dernier palmarès Billboard, Call Me Maybe de Carly Rae Jepsen, chansonnette d'adolescente en pâmoison, d'un sucre rose bonbon très efficace, aurait pu se retrouver dans le répertoire de Debbie Gibson il y a 25 ans.

La musique populaire - celle diffusée sur la majorité des radios commerciales, du moins - n'a guère évolué depuis 50 ans. Ce n'est pas seulement une impression. Une vaste étude espagnole, publiée il y a quelques jours dans la revue Scientific Reports, le confirme.

Selon cette étude dirigée par Joan Serra, du Conseil national de recherche espagnol, la musique populaire occidentale n'a cessé de s'homogénéiser depuis 50 ans, et la diversité de ses accords et de ses mélodies a constamment diminué.

Les conclusions des chercheurs reposent sur l'analyse statistique de près d'un demi-million de pièces de styles musicaux variés (pop, rock, hip-hop, métal, électronique) tirées de la base de données Million Song Dataset et enregistrées entre 1955 et 2010.

Les bonzes de la musique pop - qui sont souvent derrière les succès de plusieurs artistes - recyclent des formules éprouvées et font du neuf avec du vieux. Pour créer de toutes pièces un succès radiophonique, il suffit de mettre au goût du jour une vieille mélodie, en la trafiquant légèrement à l'aide d'accords simples et d'instruments modernes et en s'assurant que le niveau sonore de l'enregistrement soit beaucoup plus élevé que l'original, selon l'équipe de Joan Serra.

«Notre analyse démontre une nette tendance à des contenus conventionnels et peu évolutifs dans la création et la production de musique populaire contemporaine occidentale, conclut Joan Serra. Aussi, d'un point de vue général, la musique populaire a démontré peu de signes de réels changements depuis 50 ans.»

Bien sûr, pour chaque étude, il s'en trouve une autre dont les conclusions sont aux antipodes. Prétendre que la musique populaire n'a pas évolué depuis 50 ans dépend forcément de ce que l'on entend par musique populaire.

Il reste qu'après avoir lu l'étude - et avoir écouté beaucoup de radio commerciale récemment - il me semble évident que la mondialisation des contenus a grandement contribué à l'homogénéisation de la musique populaire. La pop s'est enfermée à bien des égards dans ses propres carcans, victime de son succès. Et ce n'est pas Katy Perry qui va changer la donne.

On ne s'étonnera pas outre mesure que les compositeurs de musique pop ne soient pas très originaux ni aventureux. L'avant-garde n'est par définition pas populaire. Le réflexe de tout un chacun est de rechercher d'emblée le confort de ce qu'il connaît déjà. Et donc d'accrocher à des structures musicales qui lui sont familières.

Ce qui ne veut pas dire que la musique pop ne connaît pas la moindre évolution. Ni que les choses étaient «bien mieux dans le bon vieux temps». Je ne suis pas un nostalgique, même s'il m'arrive parfois d'écouter pour le plaisir un vieux succès de Peter Schilling ou d'XTC. Je suis capable d'apprécier une chanson pop pour ce qu'elle est - Somebody That I Used to Know de Gotye a joué plus qu'à son tour à la maison.

La musique qui tourne à la radio, et qui domine les palmarès, est probablement moins variée qu'elle ne l'était il y a 20 ou 30 ans, mais il y aura toujours de nouveaux artistes - je pense à la Montréalaise Grimes - pour nous faire apprécier toute la fraîcheur d'une bonne chanson pop bien ficelée.

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