Le cinéma français ne se porte guère bien au Québec depuis quelques années. Les films populaires venus de l'Hexagone font chou blanc, les films d'auteurs ne trouvent pas de nouveaux publics, la nouvelle génération d'acteurs reste méconnue de ce côté-ci de l'Atlantique.

Les films français ne comptent bon an mal an que pour un maigre 4 % de parts de marché au Québec. À mille lieues de leur statut privilégié d'il y a 15 ou 20 ans. Et pourtant, comme le remarque Simon Beaudry, président de Cinéac, spécialiste du box-office québécois, il y a plus de films français que jamais à l'affiche au Québec.

La baisse de popularité des films français chez nous se traduit, selon Unifrance, l'organisme chargé de la promotion du cinéma français à l'étranger, par 150 000 spectateurs de moins par année, depuis cinq ans.

Il reste que les Québécois auront toujours un attachement particulier au cinéma français, pour des raisons évidentes de langue, d'intérêts communs et d'héritage culturel. Alors qu'on s'emballe chez nous cette semaine pour le duel à finir entre Ségolène et Sarkozy, le cinéma français semble profiter d'une légère embellie pour se rappeler à notre bon souvenir.

Cette semaine, une quinzaine de films français étaient à l'affiche au Québec. Des oeuvres aussi variées et intéressantes que le populaire La vie en rose d'Olivier Dahan (sur la vie d'Édith Piaf), le très inspiré Pressentiment de Jean-Pierre Darroussin, prix Louis-Delluc du premier film en 2006, et le littéraire Les amitiés maléfiques d'Emmanuel Bourdieu.

Avril de Gérald Hustache-Mathieu, Molière de Laurent Tirard, Quand j'étais chanteur de Xavier Giannoli, Saint-Jacques... La Mecque de Coline Serreau, Selon Charlie de Nicole Garcia, Ne le dis à personne de Guillaume Canet et bientôt Flandres de Bruno Dumont : voilà un menu susceptible d'intéresser plus d'un cinéphile. Les blockbusters de l'été commencent à inonder les écrans. Le printemps sera court. Profitons-en.

Masbourian contre Croze

En très peu de scènes, Marie-Josée Croze impose sa présence énigmatique dans Ne le dis à personne, le thriller efficace (mais confus) de l'acteur-cinéaste Guillaume Canet. C'est un cliché qu'il ne faut plus dire, mais elle crève l'écran. Par un haussement de sourcil, un rire gêné, une hésitation dans le regard. Le Québec ne connaît pas d'actrice plus photogénique.

Guillaume Canet exploite pleinement la sensualité et l'élégance de Marie-Josée Croze dans son deuxième long métrage. Un gros plan sur sa nuque, une autre sur son dos dénudé, une séquence complète où l'on suit ses jambes pendant qu'elle marche dans un parc. Oui, on la voit en tenue d'Ève, comme dans Maelström, Ararat ou Munich. Et comme bien des actrices dans des films d'auteurs qui font la belle part au réalisme.

Cette semaine, en entrevue avec Christiane Charette à Paris, Marie-Josée Croze s'est offusquée de ce que Patrick Masbourian, reporter à Flash, ait remarqué qu'elle était souvent nue dans ses films. «Ça nivelle par le bas, leur truc. Je n'ai jamais vu ça», a-t-elle déploré avant d'ajouter : «J'en ai marre des cons». Peut-être que le commentaire de Masbourian était déplacé. Il reste que Marie-Josée Croze est en effet souvent nue dans ses films. Ce qui ne lui enlève rien.

«Niveler par le bas aurait été de lui parler encore de son accent français. Je ne lui ai posé aucune question sur son accent», a rétorqué en début de semaine un Patrick Masbourian ulcéré à mon collègue Hugo Dumas. Pourquoi donc? Parce que parler de son accent français serait laisser entendre que d'une manière ou d'une autre, elle n'est plus tout à fait québécoise?

Dans le combat Masbourian contre Croze, je décrète un match nul.

Egoyan et les Français

Je ne crois pas que cela ait à voir avec le fait que je sois citoyen français par la fesse gauche, ni que mes enfants aient des origines arméniennes par la fesse droite, ni même que j'aie baigné jusqu'à plus soif dans la culture canadienne à l'adolescence. J'aime Atom Egoyan. Je l'ai toujours aimé. D'un amour profond.

Alors que mes amis cinéphiles québécois le trouvent généralement trop froid, distant et cérébral, je me trouve plusieurs affinités egoyanophiles avec mes nouveaux compatriotes français. Comme moi, ils ont été subjugués par la poésie de The Sweet Hereafter, le mystère d'Exotica et le cynisme de The Adjuster.

Remarqué en France dès son premier long métrage, Next of Kin (1984), Egoyan est rapidement devenu un habitué de la Croisette, où il a présenté la plupart de ses longs métrages, de Speaking Parts (1989) à Where the Truth Lies (2005).

Depuis mercredi et jusqu'au 4 juin, le Centre Pompidou consacre une rétrospective au cinéaste torontois d'origine arménienne. Onze longs métrages, des courts, des films expérimentaux et pour la télé. Une raison de plus, s'il en faut, pour rêver de Paris au cours des prochaines semaines.

Pour joindre notre chroniqueur : marc.cassivi@lapresse.ca