Le Festival des films du monde n'aurait pu choisir meilleur film d'ouverture. Bluff, qui sera en salle dès mardi au Quartier latin puis partout au Québec dès vendredi, est frais, ingénieux, bien de chez nous. Ne vous fiez pas à l'affiche. Ce film choral réalisé par Simon Olivier Fecteau et Marc-André Lavoie n'est pas une comédie banale de fin d'été. C'est un film intelligent qui a le bon goût de ce qui est fait maison.

Réalisé avec des bouts de ficelles pour un budget d'environ 300 000$, Bluff est l'oeuvre d'hommes à tout faire. Lavoie et Fecteau signent non seulement la réalisation, mais également le scénario et la direction photo. Ils ont eu le flair, l'audace et la détermination de réaliser un film sans l'aide de Téléfilm Canada ni de la SODEC. La preuve qu'en 2007, lorsqu'on a une bonne idée et beaucoup de volonté, tout est possible au cinéma.

Le résultat est un long métrage fort sympathique, qui distille un humour efficace, parfois absurde, rappelant dans sa livraison quelques délicieuses répliques de Pulp Fiction. Au coeur de l'intrigue, une dizaine d'anciens locataires d'un appartement, lieu unique de cette comédie décalée, qui met en scène une brochette d'acteurs impressionnante et fort bien dirigée. On regrettera une fin un peu alambiquée, défaut de nombreux premiers films, qui n'empêche cependant Bluff d'être une réussite.

Je le répète, Serge Losique n'aurait pu choisir meilleur candidat pour ouvrir son 31e Festival des films du monde. Un film québécois brillant et amusant, fait sans l'aide de la SODEC et de Téléfilm, pour lancer le FFM. L'ironie de la chose n'aura échappé à personne. Il n'y avait pas meilleure solution pour tenter de rafraîchir l'image poussiéreuse du festival, ce qui, évidemment, n'est pas une mince tâche.

Ressuscité des morts ou presque, le FFM a repris du poil de la bête après deux années extrêmement difficiles. Le Festival des films du monde va mieux et c'est tant mieux. Pour nous et pour lui. Maintenant, il reste à Serge Losique a enterrer les vieilles haches de guerre. Avec la SODEC (ce qui semble être chose faite), avec Téléfilm (ce qui sera plus difficile) et avec l'éternel «rival» du Festival du nouveau cinéma (de grâce). On se lasse des guerres, surtout lorsque leur origine se perd dans la nuit des temps (vous excuserez l'élan poétique).

En faisant des recherches, il y a quelques semaines, dans les archives de mon regretté collègue Luc Perreault, je suis tombé sur quantité d'articles commentant à travers les époques les déboires du FFM et les nombreuses doléances du milieu à son égard. J'ai entre autres relu un article de 1992 qui traitait des difficultés financières du festival, de sa perte de clientèle et du soi-disant mépris des gouvernements à son égard (selon Serge Losique). Cet article qui date d'il y a 15 ans aurait pu avoir été écrit le mois dernier, il y a deux ans ou 30. L'histoire se répète inlassablement, et rarement pour le mieux (vous excuserez l'élan philosophique).

Il est temps que Serge Losique se débarrasse de son complexe du persécuté. Qu'il cesse de reprocher toujours les mêmes choses aux institutions et aux gouvernements. Qu'il accepte d'être critiqué. Lui et Danièle Cauchard sonnent comme un duo larmoyant et défraîchi sur un vieux disque rayé.

À voir ainsi le FFM renaître, je me dis tout de même que Serge Losique doit avoir les qualités de ses défauts. Qui d'autre se serait autant entêté, autant battu pour son festival. Aujourd'hui, faute de mieux, après l'avoir renié, tout le monde se range du côté du FFM. Il faut croire qu'il y a certains charmes à la dictature (vous excuserez la métaphore politique).

Le bluff de la SODEC

Serge Losique doit lâcher le morceau. Ce qui ne veut pas dire qu'il faille passer l'éponge sur le fiasco des festivals de films. J'entendais le président de la SODEC, Jean-Guy Chaput, admettre la semaine dernière que la saga des festivals avaient été gérée «tout croche». Voilà toute une nouvelle. On se rappellera que la SODEC et Téléfilm Canada s'étaient entendus pour créer en 2005, sous l'égide de Spectra, le Festival international de films de Montréal, mort-né après sa seule et unique édition. Le processus de nomination de Spectra, aux termes d'un appel d'offres bidon, souffrait de plus d'une anomalie.

«On n'aurait jamais dû faire ça! a déclaré Jean-Guy Chaput au Journal de Montréal. L'idée de faire un appel d'offres, je ne sais pas de qui elle vient, d'où elle émane, mais ça s'est avéré ne pas être une bonne affaire, ç'a été tout croche.» C'est drôle. Moi qui ne suis pas président de la SODEC, j'ai une idée assez précise de qui elle vient et d'où elle émane, cette idée.

M. Chaput se défend bien sûr de ne pas avoir été à la tête de la SODEC lorsque le fameux appel d'offres a été lancé. C'est vrai. Ce qui est vrai aussi, c'est que la plupart de ceux qui ont rédigé ce scénario catastrophe sont toujours en poste et n'ont pas été blâmés pour leurs gestes. Ils s'en tirent à très bon compte, si vous voulez mon avis. À quoi bon alors les mea culpa si c'est pour bluffer?