Je me sentais comme un petit loup déballant ses cadeaux de Noël, mardi, à la conférence de presse du Festival du nouveau cinéma. Moins excité, certes, que Jean Leclerc (alias Deadwolf), qui sautillait comme un puceron à l'idée de me présenter les actrices de son long métrage, Ice Cream, tourné au Vietnam. «Crème à glace», comme on dit à Hanoï, ouvrira la section Focus Québec/Canada. Je suis bien intrigué par l'oeuvre, comme du reste par son créateur.

Sans démontrer l'enthousiasme proverbial d'un ex-Leloup, c'est avec une excitation contenue, mais authentique, que j'ai découvert ce que la Louve du FNC avait à nous proposer cette année. D'abord, L'âge des ténèbres, obtenu in extremis lundi à minuit moins une - à ce qu'on raconte, et on raconte parfois n'importe quoi - grâce à l'intervention de la présidente du C.A. du FNC, Denise Robert. Au-delà des sarcasmes de la presse française, je pourrai enfin me faire ma propre idée du film (s'agira-t-il de la version internationale présentée à Grande Prairie?). On n'est jamais mieux servi que par soi-même. L'âge des ténèbres est-il vraiment un «film qui séduira les vieux cons», comme l'écrivait cette semaine un critique des Inrocks, ou seulement un film coproduit en France par un vieux con? Les vieux cons des uns sont les jeunes loups des autres. 

S'exciter. Il y avait un moment que cela ne m'était pas arrivé à la vue de la programmation d'un festival. J'attends depuis des mois la venue à Montréal de Control, d'Anton Corbjin, fameux photographe du rock devenu cinéaste, qui raconte la trop courte vie d'Ian Curtis, chanteur sans joie de Joy Division. Le film concourra pour la Louve d'or, avec notamment Bouddha Collapsed Out of Shame, d'Hana Makhmalbaf, la plus jeune cinéaste du clan du même nom (elle vient d'avoir 18 ans), et Continental, un film sans fusil du Québécois Stéphane Lafleur, dont on ne dit que du bien depuis sa présentation à Venise et à Toronto. 

L'intérêt du FNC se fait valoir dans toutes ses sections. J'ai les crocs (s'cusez-là) rien qu'à penser au film d'ouverture, Durs à cuire, de Guillaume Sylvestre, un docu gourmand autour des chefs Martin Picard et Normand Laprise, deux de nos plus grands artistes, toutes disciplines confondues. Sur ma liste d'épicerie, il y a également le film de clôture du festival, 4 mois, 3 semaines et 2 jours du Roumain Cristian Mungiu, Palme d'or à Cannes il y a quatre mois et deux jours exactement. 

Dans mon petit panier se retrouvent pêle-mêle Barbet Shroeder, Manoel de Oliveira, Carlos Saura, Claude Chabrol, Jeremy Podeswa, Bela Tarr, Guy Maddin, Peter Greenaway, Nicolas Philibert, Bruce McDonald, André Téchiné et Volker Schlöndorff. J'ai particulièrement hâte de découvrir Nous les vivants de Roy Andersson (Songs from the Second Floor), Import/Export d'Ulrich Seidl (Dog Days), Lumière silencieuse de Carlos Reygadas (Japòn) et Persepolis de Vincent Parronaud et Marjane Satrapi, d'après la bédé sur l'Iran de cette dernière. 

J'espère que Todd Haynes viendra présenter comme prévu I'm Not There, exercice de style sur la vie de Bob Dylan (avec entre autres Cate Blanchett dans le rôle-titre...). Le film a été tourné dans la région de Montréal et a été primé deux fois à la Mostra. De son périple annuel au Lido, Claude Chamberlan nous ramène également Redacted de Brian De Palma, vraie-fausse fiction sur la guerre en Irak, qui a fait forte impression là-bas (Lion d'argent pour la meilleure réalisation). 

La critique française a réservé un accueil favorable au documentaire de l'actrice Sandrine Bonnaire, Elle s'appelle Sabine, à propos de sa soeur autiste. L'actrice, espérée par Serge Losique au FFM, sera à Montréal et rencontrera des organismes qui se consacrent à l'autisme. Je suis par ailleurs curieux de voir les films de Cristian Nemescu (décédé avant de remporter le prix d'Un Certain regard à Cannes), des acteurs-cinéastes Gael Garcia Bernal, Carole Laure et Charlotte Laurier. 

Je fonde beaucoup d'espoirs dans Le ring, de la talentueuse Anaïs Barbeau-Lavalette. Et que dire de Ploy, de Pen-Ek Ratanaruang, que Julien Fonfrède, le programmateur verbomoteur de Temps 0, section de films fuckés pour cinéphiles avertis, compare à Tsai Ming-liang et Wong Kar-waï. C'est dans mes cordes. Vivement ce Noël avant le temps.

La saison des Oscars 

C'est l'automne. Les studios hollywoodiens rangent un peu leurs navets et passent aux choses sérieuses. Depuis la fin du Festival de Toronto, la saison des Oscars est officiellement ouverte aux États-Unis. À preuve, la sortie cette semaine de In the Valley of Elah, un film poignant sur la déshumanisation de la guerre (doublé d'une critique de l'intervention américaine en Irak), réalisé et scénarisé par le Canadien Paul Haggis. 

J'avais regretté les grosses ficelles de Crash, Oscar du meilleur film en 2006. Je trouve en revanche ce nouveau film de Paul Haggis (le scénariste des derniers Clint Eastwood et James Bond) beaucoup plus fin et subtil, dans ses métaphores comme dans son intrigue. Est-ce qu'un film antiguerre trouvera grâce aux yeux de l'Académie? Le vent a tourné à Hollywood, comme le remarquait avec justesse l'ami Lussier dans son billet d'hier. Mais peut-être pas à ce point...