Tous ceux qui réalisent des films ou des séries télé au Québec étaient là, hier matin, sur le trottoir devant la station Berri-UQAM. Du réalisateur de Maurice Richard à celui de C.R.A.Z.Y., en passant par celui de Congorama et même d'Elvis Gratton.

La tuque du père Noël enfoncée jusqu'aux oreilles, les protestataires qui revendiquent un droit d'auteur sur leurs films ainsi que des revenus sur les produits dérivés devaient en principe participer à une distribution massive et gratuite de DVD. Mais à l'évidence, les temps sont durs pour les réalisateurs.

Seule une poignée d'entre eux étaient venus armés de DVD qu'ils avaient payés de leur poche et qu'ils ont d'ailleurs failli s'échanger entre eux. Pas parce que le public manquait à l'appel. Plutôt parce que les réalisateurs québécois ont tendance à manquer de temps pour aller voir les films de leurs camarades.

Il n'en demeure pas moins que ça faisait du bien de voir ces messieurs et ces quelques dames, tous à l'ego généralement bien portant, abandonner leur individualisme professionnel pour descendre ensemble dans la rue au nom d'une cause commune.

Mais est-ce une bonne cause? C'est la grande question, une question complexe qui couvre autant la paternité (et la maternité) des oeuvres que leur vie économique.

Pour ce qui est de l'économie, tout le monde semble s'entendre sur un point: les revenus faramineux engendrés par la vente et la location des DVD ne devraient pas aller uniquement aux distributeurs, mais être partagés entre les créateurs de l'oeuvre, ce qui n'est pas encore, hélas, une réalité.

Le plus beau cas de figure illustrant cette frustrante iniquité, c'est Érik Canuel, réalisateur de Bon Cop, Bad Cop qui la livre. Le DVD du film qu'il a réalisé s'est vendu à 85 000 exemplaires et a généré des recettes de plus de 3 millions. Ni Érik Canuel ni Patrick Huard, le coscénariste, n'ont touché un sou de ces millions. Ce n'est pas normal. Un jour ou l'autre, il va falloir corriger cette injustice qui n'a aucune raison d'être, sauf l'enrichissement d'une minorité commerçante qui devra apprendre à partager.

Pour ce qui est de la paternité (ou maternité) d'une oeuvre, la question est plus délicate et pourrait semer la zizanie entre les réalisateurs et les scénaristes. Pour l'instant le travail créatif des réalisateurs n'est pas reconnu par la loi sur le droit d'auteur. Les raisons remontent à une époque révolue, quand les réalisateurs étaient moins des créateurs que des techniciens salariés de la Société Radio-Canada.

Aujourd'hui, il est impossible de nier l'apport créatif du réalisateur.

L'interprétation que ce dernier fait du scénario, la direction qu'il lui donne, la façon dont il dirige les acteurs, la facture visuelle qu'il choisit, tout cela est de l'ordre de la création et devrait être reconnu comme tel. L'ennui, c'est que les réalisateurs veulent non seulement être reconnus comme créateurs - ce qui est parfaitement légitime -, mais ils veulent en plus être considérés comme les auteurs de l'oeuvre audiovisuelle. Et les scénaristes? ai-je demandé au cinéaste Jean-Pierre Lefebvre, qui venait de m'expliquer le nerf de la revendication. Les scénaristes sont les auteurs du scénario. Point, a-t-il répondu.

Autant dire que c'est ici que le bât blesse. Car si les réalisateurs sont les auteurs de l'oeuvre audiovisuelle, ils écartent les scénaristes de l'histoire et les privent de leurs droits moraux et, au bout du compte, de leurs droits d'auteur. L'image qui me vient à l'esprit est celle d'un bébé qui, en sortant du ventre de sa mère, serait enlevé par l'accoucheur qui partirait illico l'élever dans un autre pays. Ça ne tient pas debout.

Sans scénario, il n'y a pas d'oeuvre audiovisuelle. Et inversement sans réalisateur, un scénario ne peut pas se déployer au grand ou au petit écran. Scénaristes et réalisateurs sont donc étroitement liés dans le processus de création, comme le sont les parents d'un enfant. Et même s'ils ne veulent pas l'élever ensemble, ils auraient tout intérêt à apprendre à en partager la garde.

Pour fans de Led Zep seulement

Chers fans de Led Zeppelin, vous avez été nombreux à souligner que le 13 avril 1970, au Forum de Montréal, il est impossible que j'aie entendu Stairway to Heaven résonner dans l'amphithéâtre comme je l'ai écrit dans ma chronique, pour la bonne et simple raison que la chanson n'avait pas encore été écrite ni enregistrée. Oups...

Je vous remercie de cette précision et de la gentillesse qui l'accompagnait. La plupart d'entre vous semblent en effet avoir compris que la mémoire est une faculté qui dérive et qui embellit, quand elle ne fabule pas complètement. Comme l'écrit Patrick Baillargeon, je devais déjà être au septième ciel quand j'ai entendu une chanson qui n'existait pas. Mais comme le dit Christian Paquin: et puis après? On peut bien rêver non? Quant à la remarque voulant qu'on en fumait du bon à cette époque-là, vous avez tous entièrement raison.