Depuis une semaine, en fait depuis que l'Académie a annoncé la liste des neuf films présélectionnés dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère, les observateurs poussent les hauts cris. Ce n'est pas tant la présence de certains titres (dont L'âge des ténèbres) qui a irrité les esprits que l'absence de certains autres films phare.

Des oeuvres ayant notamment fait leur marque sur le circuit des grands festivals pendant la dernière année. Depuis très longtemps, les choix - parfois incompréhensibles - que font les académiciens faisant partie du comité de sélection chargé de déterminer les finalistes dans la catégorie du film en langue étrangère nous laissent pantois.

Ces gens sont tellement «dans le champ» qu'ils se font même parfois rabrouer par leurs collègues! Le plus bel exemple est assez récent. Les académiciens avaient en effet profité de la sortie commerciale de City of God en territoire américain pour célébrer cet extraordinaire film, réalisé par Fernando Meirelles, et le sélectionner à quatre reprises en 2004. L'année précédente, le comité de sélection du film étranger avait pourtant ignoré City of God.

Cette année, on pourrait aussi presque voir la sélection de Persepolis dans la catégorie du meilleur film d'animation comme un désaveu des académiciens envers le même comité de sélection. Persepolis, comme bien d'autres films méritoires, avait en effet déjà été éliminé de la course la semaine dernière.

Pourquoi un tel décalage? Une question de processus. Qu'on modifie d'ailleurs souvent parce que, visiblement, le mode d'emploi ne convient à personne. Pas plus tard que mardi dernier, soit le jour où l'on divulguait les titres des neuf films présélectionnés, le président du comité, Mark Johnson, confiait à un journaliste du LA Weekly avoir connu de meilleurs jours.

Il concédait que cela ne pouvait plus durer; qu'une refonte s'avérait nécessaire. Autrement dit, il trouvait lui aussi que les choix qu'avaient fait les membres de son comité de sélection n'avaient aucun maudit bon sens. Quand des titres comme 4 mois, 3 semaines et 2 jours, Lumière silencieuse, Ben X, Belle toujours, Persepolis ou Secret Sunshine sont mis de côté au profit de films plus obscurs, la crédibilité du comité en prend en effet plein la gueule.

Aux Oscars, les films en langue étrangère sont assujettis à un mode de sélection délirant. La dernière refonte remonte à deux ans à peine. D'abord, chaque comité national est appelé à se choisir un représentant. Peu importe l'importance de sa cinématographie, un pays n'a le droit de soumettre qu'un titre. Soixante-trois pays ont participé à la course cette année.

Sans se lancer dans des explications aussi fastidieuses que le système, disons que tous ces films doivent être évalués par des académiciens désirant faire partie du comité de sélection. Et qui sont prêts à y consacrer beaucoup de temps.

Ces artisans, à la retraite pour la plupart, sont ensuite chargés d'établir la première sélection de neuf titres. Dans une deuxième phase, 10 nouveaux artisans se joignent à 10 académiciens choisis parmi ceux qui ont déjà participé à la première sélection afin de déterminer les cinq finalistes. C'est à cette étape que L'âge des ténèbres a terminé son périple.

À partir d'aujourd'hui, tous les membres de l'Académie peuvent voter dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère, en autant qu'ils aient vu les cinq films sélectionnés. C'est dire qu'ils doivent enregistrer leur présence à l'un ou l'autre des visionnements qui seront organisés à cette fin.

Cette année, les Académiciens devront se rabattre sur Les faussaires (Autriche), Katyn (Pologne), 12 (Russie), Mongol (Kazakhstan) et Beaufort (Israël). Ils devront surtout passer par-dessus des films célébrés partout dans le monde parce qu'un petit comité bancal a mal aiguillé ses choix.