C'était un cinéaste à suivre. On l'aurait suivi bien plus longtemps. Anthony Minghella est mort, mardi, des suites d'une hémorragie causée par une opération pour une tumeur au cou. Il n'avait que 54 ans.

En six longs métrages, Minghella aura réussi à laisser son empreinte, élégante et raffinée. Remarqué par un premier film destiné à la télévision (Truly Madly Deeply, 1990), puis une comédie romantique avec Matt Dillon et Annabella Sciorra (Mr. Wonderful, 1993), Anthony Minghella s'est réellement imposé sur l'échiquier cinématographique avec The English Patient, en 1996.

Cette grande fresque sentimentale sur fond de Deuxième Guerre mondiale - avec Ralph Fiennes, Kristin Scott Thomas et Juliette Binoche -, a remporté neuf Oscars, dont ceux du meilleur film et de la meilleure réalisation. Le scénario de Minghella, adapté du roman du Canadien Michael Ondaatje, se trouvait également parmi les finalistes.

Film épique et contemplatif, The English Patient a valu à Anthony Minghella des comparaisons avec son légendaire compatriote David Lean, pour ses plans suaves et grandiloquents. Un cinéma ambitieux, évocateur d'un autre temps, précis jusque dans ses moindres détails, mais flirtant par moments avec le sentimentalisme.

Les critiques qui craignaient que le cinéaste britannique ne sombre dans la mièvrerie ont été rassurés - moi le premier - par son film suivant, The Talented Mr. Ripley (1999), tiré d'un roman de Patricia Highsmith. Matt Damon et Jude Law campent des personnages irrésistibles dans ce thriller maniant habilement le vrai et le faux, la vérité et le mensonge. Brillamment mis en images par Minghella en Italie, la patrie de ses parents, The Talented Mr. Ripley a été nommé cinq fois aux Oscars (entre autres pour le scénario adapté du roman par le cinéaste).

Quatre ans plus tard, Cold Mountain a confirmé la place privilégiée de Minghella chez les membres de l'Académie du cinéma. En plus de l'Oscar de la meilleure actrice pour un rôle de soutien à Renée Zellweger, cette histoire d'un déserteur de l'armée confédérée (Jude Law) qui retrouve une femme pendant la guerre de Sécession a concouru pour six autres statuettes.

Cinéaste doué, Anthony Minghella se considérait d'abord comme un scénariste. Il a excellé dans l'adaptation de romans, genre casse-cou qui lui a pourtant souri toute sa carrière. «Si vous avez à passer plusieurs années de votre vie sur une oeuvre, ce doit être une oeuvre que vous aimez et que vous respectez. Dans ces circonstances, vous ne tentez pas d'améliorer le roman, vous ne voulez que lui rendre justice», avait-il déclaré à ma collègue Chantal Guy à la sortie de Cold Mountain, en 2003.

Né en janvier 1954 d'immigrés italiens dans l'île de Wight, au sud de l'Angleterre, Anthony Minghella a écrit et réalisé son film le plus personnel en 2006. Breaking and Entering, son premier scénario original depuis Truly Madly Deeply, s'intéressait au sort à Londres des populations immigrantes, davantage tolérées qu'intégrées, selon le cinéaste. Reçu tièdement par la critique, ce thriller psychologique pourtant de bonne tenue n'a pas connu le succès populaire escompté par Minghella, qui y renouait une fois de plus avec Jude Law et Juliette Binoche (oscarisée pour The English Patient). Ce fut son dernier long métrage pour le cinéma.

«Il s'intéressait à la magie, a dit de lui cette semaine au New York Times son ami et partenaire dans la société de production Mirage, Sydney Pollack. Pas à la fausse magie, pas à la balle cachée sous le verre, mais à la vraie magie. Celle qui se produit lorsque des gens se rencontrent. Aujourd'hui, les cinéastes veulent que les vêtements disparaissent rapidement et que les armes apparaissent aussi vite. Il était le contraire de ça. Il était intéressé par la poésie du cinéma. Par la richesse d'une image et d'une histoire. On en avait pour ses 12$ avec Anthony.»

Bien dit.

Le nerf de la guerre

La première pierre a été lancée il y a deux semaines par Guylaine Tremblay au gala des Jutra. En allant cueillir le prix de la meilleure interprétation féminine, l'actrice de Contre toute espérance a reproché aux Cinémas Guzzo d'avoir refusé de diffuser le film de Bernard Émond. Le cinéaste, et bien d'autres partisans du cinéma d'auteur québécois en ont été ravis. D'autant plus que les Cinémas Guzzo commanditaient la soirée strass et paillettes du cinéma québécois.

La réponse des Cinémas Guzzo est venue cette semaine, par l'entremise de son vice-président Vincenzo Guzzo, dans Le Journal de Montréal: «La vérité, c'est que cette semaine-là, je n'avais pas de place dans mes cinémas. Et les résultats très décevants que le film a obtenus aux guichets prouvent que sur le plan commercial, on a bien fait. Je veux bien qu'on accorde une place aux films d'auteurs québécois, mais il faut quand même qu'ils attirent des gens dans les salles.»

Il a été impossible de joindre M. Guzzo avant de mettre sous presse. Mais ai-je besoin de préciser pourquoi il ne mérite pas de félicitations?