J'appartiens à la deuxième génération de fans de la série Sex and the City (SATC). C'est dire que je n'étais pas rivée à mon écran en juin 1998 lors de la diffusion du premier épisode sur HBO. Pas plus que je n'étais là pour les cinq années qui ont suivi. Le premier épisode de SATC que j'ai vu était en fait le dernier. J'étais à Los Angeles et chaque fois que j'appelais quelque part en me nommant, tout le monde semblait me connaître. Et pour cause. Dans les derniers épisodes de SATC, Carrie Bradshaw, le pivot de la série, tombe follement amoureuse d'un Russe du nom de Petrovsky. Cette pub pour mon nom de famille n'a pas lancé ma carrière américaine comme elle a lancé celle des mules Manolo Blahnik, mais elle a néanmoins piqué ma curiosité.

Aussi lorsque SATC qui, en principe, avait pris fin pour de bon en février 2004, a littéralement ressuscité toutes les nuits à 23h sur pratiquement toutes les chaînes généralistes américaines, je me suis mise à suivre les péripéties de Carrie et de ses amies.

D'abord distraitement, puis de plus en plus régulièrement. Au bout de quelques mois, comme des millions de Nord-Américains, j'étais totalement accro. Impossible de m'endormir sans m'être injecté ma dose quotidienne de SATC.

On a beaucoup épilogué sur le sexe dans Sex and the City. Et à juste titre. L'idée initiale du producteur Darren Star, qui a d'abord proposé son projet à ABC, c'était de faire une comédie pour adultes où le sexe, souvent réduit à une blague infantile à la télé américaine, serait abordé de front, franchement et sans faux-semblants. Et quand on pense à certaines scènes des premiers épisodes avec Samantha nue comme un ver qui fait une pipe à un pompier plaqué contre son camion ou avec Carrie qui tombe amoureuse avec un candidat politique à la John Kerry qui lui demande, après une nuit d'amour particulièrement romantique, de lui pisser dessus, on constate que le sexe était la première vedette de la série. Mais très vite, le sexe a pris le bord à la faveur d'une idée très romantique de l'amour, à la faveur aussi de l'amitié, sans doute le vrai thème de cette série où quatre filles urbaines, branchées et habillées comme des cartes de mode, se consolent de leurs malheurs et de leurs déceptions amoureuses avec leur indéfectible amitié.

L'amour, l'amitié et pour lier tout cela, une ville magique, mythique, sexy à mort: New York, source de rêves, de fantasmes et de tentations permanentes, Grosse Pomme et fruit défendu, perpétuellement allumée, éveillée, en état de rut en quelque sorte. Oui, la vraie obsédée sexuelle de la série, c'était sans contredit New York. Mais attention, pas la ville d'aujourd'hui, celle d'avant le 11 septembre. Car même si la série a pris fin en 2004, les événements du 11 septembre n'y ont jamais été évoqués. Délibérément.

Ni Darren Star ni Michael Patrick King qui a pris son relais n'ont voulu gâter cette sauce piquante, épicée mais dont la légèreté devait toujours être au rendez-vous puisqu'il s'agissait avant tout de célébrer la féminité moderne.

Comme le dit si bien Darren Star dans un livre consacré à la série: si les personnages avaient été masculins, la série aurait été parfaitement déprimante.

Difficile de le contredire et de ne pas voir que le charme de SATC réside précisément dans cette collision entre la légèreté vaporeuse de l'éternel féminin et les aspérités rugueuses et hostiles de la grande ville. De cette collision, est né quelque chose d'universel, d'attachant et dans lequel tout le monde peut sinon se reconnaître, à tout le moins, se projeter. C'est ce qui explique pourquoi, 10 ans plus tard, non seulement serons-nous tous au rendez-vous pour la sortie du film mais nous y serons mille fois plus nombreux qu'au premier et au dernier jour de la série.