C'est un film canadien. Sur Winnipeg. Une sorte de documentaire. En noir et blanc. Allez, ne tournez pas la page...

Depuis le temps que je tente de partager mon amour du cinéma canadien, je me heurte encore et toujours à un mur de sarcasmes, de condescendance et d'incompréhension.

La première fois - je devais avoir 14 ans -, j'avais loué pour ma gang de chums I've Heard the Mermaids Singing de Patricia Rozema. «Un film canadien? À quoi t'as pensé?» On m'en parle encore.

J'ai eu ma leçon. Je ne tenterai même pas de vous convaincre des mérites de My Winnipeg de Guy Maddin (à l'affiche la semaine prochaine), un objet cinématographique hors du commun, nostalgique, onirique et bringuebalant, qui vaut selon moi le déplacement. Ceux qui en ont envie (Guy Maddin ne convient pas à tous), et qui ne snobent pas d'emblée le cinéma canadien, iront voir de quoi il en retourne.

Mais je profiterai en revanche de la fête du Canada, à l'instar du Cinéma du Parc qui présente jusqu'au 3 juillet quatre «joyaux de la cinématographie canadienne» (The Apprenticeship of Duddy Kravitz, The Tracey Fragments, The Grey Fox et Nobody Waved Goodbye), pour suggérer 10 films de fiction canadiens, tournés dans la langue de Norman McLaren par autant de cinéastes, qui sont à mon avis incontournables.

1. The Sweet Hereafter d'Atom Egoyan
Un accident d'autobus scolaire cause la mort de 14 enfants dans un village de la Colombie-Britannique. L'adaptation du roman de Russel Banks est le film le plus abouti, et le plus touchant, d'Atom Egoyan. Sarah Polley interprète avec grande finesse le rôle d'une survivante, qui tient le sort de sa communauté entre ses mains. Grand Prix du jury au Festival de Cannes.

2. Dead Ringers de David Cronenberg
Jeremy Irons n'a peut-être jamais été plus troublant que dans ce double rôle de vrais jumeaux - et gynécologues - déstabilisés par la présence forte d'une actrice célèbre (Geneviève Bujold), de laquelle ils tombent tous deux amoureux. Le rouge (sang) et le noir (cauchemardesque), selon David Cronenberg, qui a disséqué le sujet.

3. Away from Her de Sarah Polley
Premier long métrage de l'égérie d'Atom Egoyan, Away from Her propose une vision d'une étonnante justesse sur la vie d'un vieux couple déchiré par la maladie d'Alzheimer. Julie Christie est particulièrement émouvante dans le rôle de cette femme qui vogue vers l'inconnu. La jeune Sarah Polley, 28 ans, fait preuve d'une maturité renversante.

4. The Five Senses de Jeremy Podeswa
Dans un parc de Toronto, une fillette disparaît lorsqu'une adolescente troublée qui en a la charge s'égare dans ses pensées fantasmatiques. Jeremy Podeswa se lance dans un chassé-croisé des sens au travers de personnages lumineux qui se perdent en jeux de séduction, glanant espoirs et désespoirs en circonvolutions philosophiques. Un film à la fois froid et sensuel, neutre et langoureux, envoûtant et évocateur, qui caresse l'âme sans la brusquer.

5. The Saddest Music in the World de Guy Maddin
En 1933 à Winnipeg, pendant la Dépression, la «baronne de la bière» (Isabella Rossellini) organise un concours pour trouver la musique la plus triste au monde. Parmi les concurrents se trouvent son ancien amant (l'ex-Kids in the Hall Mark McKinnon) et une nymphomane amnésique interprétée par Maria de Medeiros. Étrange, rétro, monochrome et brillant. C'est bien du Guy Maddin.

6. Strange Brew de Rick Moranis et Dave Thomas
Le film canadien parmi les films canadiens (avec de la bière et du hockey). Une comédie absurde sur deux frères abrutis, Bob et Doug McKenzie (Moranis et Thomas), amateurs de bière, qui découvrent que le brasseur du coin brasse de bien drôles d'affaires. Dans de bonnes conditions, un film hilarant (que j'ai vu une bonne demi-douzaine de fois). Avec le grand Max Von Sidow - l'acteur fétiche de Bergman - quand même...

7. Atanarjuat de Zacharias Kunuk
Une grande _uvre venue du Nord. Une fable universelle campée dans le cercle arctique, réalisée de main de maître par un cinéaste de talent (Zacharias Kunuk a obtenu la Caméra d'or - meilleur premier long métrage - au Festival de Cannes).

8. The Apprenticeship of Duddy Kravitz de Ted Kotcheff
Le célèbre personnage de Mordechai Richler, Duddy Kravitz, jeune juif du Mile End, ambitieux et sans scrupules, tel que vu par Ted Kotcheff. Richard Dreyfuss, dans son premier grand rôle, est excellent (aux côtés entre autres de Micheline Lanctôt). Ours d'or au Festival de Berlin.

9. Thirty Two Short Films About Glenn Gould de François Girard
Un hommage en musique et en images au célèbre pianiste canadien. Magistrale interprétation de Colm Feore. Réalisation sobre et inventive d'un jeune François Girard, faisant la démonstration de tout son talent.

10. Last Night de Don McKellar
La nuit avant la fin du monde, telle que vue par le très talentueux Don McKellar, à travers le désespoir et les inquiétudes de différents personnages (interprétés entre autres par David Cronenberg et McKellar lui-même). Un premier film remarquable et très remarqué, commandé par la chaîne Arte pour sa série «2000 vu par» (comme The Hole de Tsai Ming-liang)