On est ou bien Astérix ou bien Tintin. Comme on est Canadien ou Nordiques, Beatles ou Rolling Stones, Céline ou pas Céline. Je suis profondément Astérix. Depuis toujours. Pour les clins d'oeil historiques, pour le dessin moins statique, et surtout, surtout, pour l'humour de René Goscinny.

Or voilà, René Goscinny est mort en 1977, et avec lui Astérix, Obélix et le reste de la bande de Gaulois soi-disant «irréductibles». Morts de s'être retrouvés orphelins, malgré les vaines tentatives d'Albert Uderzo de maintenir la multinationale au goût du jour avec des albums sans saveur et surtout, surtout, sans humour.

Si Uderzo s'en tenait à ternir involontairement l'héritage de son illustre collaborateur en publiant de nouvelles aventures insipides d'Astérix, on ne s'en formaliserait pas. Mais voilà qu'il refuse à son oeuvre de connaître un second souffle au cinéma sous l'impulsion d'une autre génération de créateurs.

Alain Chabat a su tirer l'essence comique de l'album Astérix et Cléopâtre pour en faire une adaptation cinématographique (Astérix et Obélix: Mission Cléopâtre) aussi déjantée que réussie. Alors que le film de Claude Zidi (Astérix et Obélix contre César, 1999) souffrait à mon sens de la comparaison avec les dessins animés de mon enfance (merci Ciné-cadeau), celui de Chabat a su valider trois ans plus tard la mission cinéma d'Astérix, pourfendue au départ pour son dessein commercial.

La preuve, c'est que tout le monde a préféré le deuxième Astérix au premier. Tout le monde? Non. Un irréductible Gaulois - appelons-le Agecanonix - a résisté à l'humour caustique d'Alain Chabat et refusé qu'un troisième film dans le même ton (réalisé par Gérard Jugnot) ne voie le jour. Résultat des courses, cet Astérix aux Jeux olympiques, désolante bouillie de gags tombant à plat, destiné à un public de sixième année B (ou son équivalent mental), mais cautionné par le César de la BD.

Je soupçonne Albert Uderzo d'avoir aimé le film que Thomas Langmann et Frédéric Forestier ont tiré de l'album Astérix aux Jeux olympiques, 40 ans après sa parution. Le long métrage, à l'affiche mardi au Québec, manque cruellement d'humour, comme du reste tous les albums d'Uderzo depuis Astérix chez les Belges. Pourtant, avec des «acteurs» comme Stéphane Rousseau, Franck Dubosc et Benoît Poelvoorde, ce n'est pas le potentiel comique qui faisait défaut à la distribution.

Je dis «acteurs» parce qu'ils ne sont pas tous, à mon avis, à classer dans cette catégorie. Pour toutes ses qualités, son esprit, son charme, son humour, son talent indéniable, Stéphane Rousseau n'est pas un acteur. Il ne joue pas, ou il joue plat. C'était vrai dans Les invasions barbares comme ce l'est dans Astérix aux Jeux olympiques, où Rousseau tient en quelque sorte le premier rôle mais se fait volontiers voler la vedette par Benoît Poelvoorde, en Brutus délirant, et même par son ami Franck Dubosc, dans la peau du barde Assurancetourix.

On dira que Stéphane Rousseau a hérité, dans ce péplum mollasson, d'une partition sans grande consistance. C'est vrai que cet Alafolix, jeune premier amouraché d'une princesse grecque, n'a guère l'étoffe de son grand rival Brutus. Il reste que Rousseau ne semble pas en faire davantage que le minimum requis (c'était la commande), pour une prestation éminemment oubliable.

On en dira autant d'Alain Delon, en perpétuelle caricature de lui-même dans le rôle de César, de Gérard Depardieu, plus bouffon que jamais dans le grotesque costume d'Obélix, et de Clovis Cornillac, qui n'a ni l'énergie ni la prestance de Christian Clavier (qui aurait abandonné le rôle d'Astérix par solidarité avec son ami Jugnot). On se demande d'ailleurs pourquoi ce film s'intitule Astérix aux Jeux olympiques tellement Astérix y est peu présent.

Sans vouloir livrer de punch, je m'interroge aussi sur les raisons qui ont pu pousser les cinéastes à conclure leur film par un interminable épilogue musical, sorte de ramassis de bloopers inséré maladroitement dans le récit et mettant en vedette Jamel Debbouze, Zinedine Zidane, Amélie Mauresmo, Adriana Karembeu et autres Tony Parker.

Ils espéraient étirer le film à deux heures pour excuser son manque de substance? Ils voulaient attirer un jeune public amateur de sports? Ils avaient l'intention de faire oublier leurs maladresses en rappelant au bon souvenir du public le délicieux personnage de Numérobis (Debbouze)? Quoi qu'il en soit, c'est raté.

Cruising Bar (suite)
Ma chronique d'il y a 15 jours, sur les pires suites de films, a beaucoup fait réagir. Entre autres parce que j'ai omis d'y inclure Elvis Gratton 2 et 3 qui sont, en effet, de vraies merdes. Plusieurs m'ont reproché d'y avoir dit sans le dire, avec une certaine conviction, tout le mal que je pense de Cruising Bar 2.

Pourquoi ces lecteurs ont-ils été si vexés? Parce qu'ils auraient préféré que je sois complaisant? Parce qu'ils auraient souhaité que je ne dise pas la vérité, toute la vérité et rien que la vérité (la mienne propre, en mon âme et conscience)? Non.

Un peu parce qu'ils me trouvent chiant. Beaucoup parce qu'ils aiment Michel Côté (moi aussi) et considèrent que le critiquer durement est lui manquer de respect (je ne suis pas d'accord; c'est même le contraire). Surtout parce qu'eux, contrairement à moi, ont aimé Cruising Bar 2.

Saint-Exupéry a écrit: on ne voit qu'avec le coeur, l'essentiel est invisible pour les yeux. Céline (pas elle, l'autre) a écrit (je paraphrase): notre propre merde ne nous dérange pas, c'est celle des autres qui nous indispose. J'ajoute: ce n'est pas parce qu'il est inodore qu'un navet n'est pas un navet.