On me pose beaucoup de questions ces temps-ci. Je ne sais pas pourquoi. Est-ce la période des vacances qui incite à l'introspection? Où est-ce tout simplement l'effet d'une actualité au ralenti?

Toujours est-il qu'on m'a demandé cette semaine quelle serait la meilleure solution pour remettre les cinéphiles québécois en contact avec le cinéma français. Rien que ça.

Putain, z'êtes vraiment sérieux, les mecs? Et vous voulez que je trouve une réponse à votre question à 100 000 balles? Ici? Maintenant? En avez-vous d'autres faciles comme celle-là?

Je l'ai souvent dit et écrit; je ne suis pas très optimiste à cet égard. J'ai souvent l'impression qu'un point de non-retour a déjà été franchi. Depuis quelques années, le même refrain revient inévitablement au cours de la conférence de presse annuelle que tient Unifrance lors des ses Rendez-vous parisiens du mois de janvier.

Dans son bilan, l'organisme chargé de la promotion du cinéma français dans le monde rend compte de toutes les avancées notoires sur les différents marchés internationaux, mais il pointe quand même sur la carte deux endroits où, curieusement, la situation se détériore: le Japon et le Québec.

On laissera aux grands sages nippons le soin d'analyser leur marché, mais d'aucuns diront que le désintérêt des spectateurs québécois pour les films venus de l'Hexagone n'est pas étonnant. En négligeant pendant les années 90 un territoire qu'ils prenaient tout naturellement pour acquis, les manitous du cinéma français n'ont pu assurer la fidélisation du public, pas plus que son renouvellement.

Parallèlement, la montée spectaculaire du cinéma québécois, qui nous réjouit bien entendu, s'est pratiquement faite au détriment des Français plutôt que des Hollywoodiens. Ajoutez à cela des films de qualité plus ou moins douteuse, mettant en vedette des acteurs inconnus du public ici, et vous arrivez à la situation actuelle: les bons films français (parce qu'il y en a!) écopent.

Sans parler d'hostilité, il est aussi clair que, contrairement à ce qu'on constate dans les autres secteurs culturels, le fossé entre Québécois et Français semble s'élargir de plus en plus sur le plan cinématographique. À force de moins nous fréquenter, l'incompréhension mutuelle nous guette.

Un ami Québécois installé à Paris me disait récemment à quel point il avait été surpris par la réaction qu'avaient eue des compatriotes de passage en allant voir La graine et le mulet l'hiver dernier. Ses invités sont restés de glace devant l'extraordinaire film d'Abdellatif Kechiche, avouant du même souffle en avoir mal saisi les enjeux.

J'ose espérer qu'il s'agit d'un cas isolé. Et que ce film d'exception, qui prend l'affiche au Québec aujourd'hui, attirera plus que le petit noyau d'irréductibles que le cinéma français intéresse habituellement. Si ce n'est pas le cas, on pourra alors parler d'une situation vraiment dramatique, sinon carrément désespérante.

Culot? Quel culot?

J'étais aux États-Unis cette semaine, tout juste au lendemain du dévoilement de la bande-annonce de W, le film qu'Oliver Stone consacre à la vie de l'actuel président des États-Unis. Je ne peux même pas vous dire à quel point les commentateurs politiques sont devenus hystériques à ce propos. Je les ai entendus conspuer le réalisateur de JFK et tourner en dérision l'approche irrévérencieuse que ce dernier emprunte pour raconter l'ascension jusqu'à la Maison-Blanche d'un inculte aussi peu qualifié pour la fonction.

Certains évoquent par ailleurs le «culot» d'Oliver Stone. D'autres parlent aussi déjà d'Oscars. Pour le culot, franchement, on repassera. Contrairement à Sean Penn, qui a été un des seuls à dénoncer l'administration Bush à une époque où les artistes américains se réfugiaient derrière un silence suspect, Stone arrive avec son pamphlet à un moment où tout relève de l'évidence. Pas très culotté, si vous voulez mon avis. Quant aux Oscars, rappelons qu'ils étaient déjà plusieurs à en donner une flopée à Stone pour World Trade Center. Jusqu'à ce qu'ils voient le film.

Pas facile, la vie de jet set...

Mardi 29 juillet, 11 h 41. Je suis au huitième étage de l'hôtel Four Seasons de Los Angeles, en train de lire les dossiers relatifs à Bottle Shock, un film déjà présenté au Festival de Sundance, dont les têtes d'affiche sont Alan Rickman et Chris Pine. Les murs tremblent un peu. On croit d'abord à un dynamitage de charge excessive sur un chantier à proximité. Tout revient au calme très vite. Vingt secondes plus tard (il est maintenant 11 h 42), l'édifice se met soudainement à tanguer comme un paquebot sur une mer houleuse. Plus de doute possible, c'est un tremblement de terre.

Les «locaux» ont tout de suite le réflexe d'aller se réfugier sous les tables ou sous les bureaux. Les étrangers de mon espèce tentent tant bien que mal de se maintenir en équilibre en priant le ciel qu'il ne leur tombe pas sur la tête. Plus de peur que de mal finalement. Mais on se dit quand même que le jour où le «Big One» tant redouté arrivera, d'ici 30 ans disent les experts, ce sera vraiment, mais vraiment très laid...

Sur ce, je prends deux semaines de vacances. J'enchaînerai ensuite avec le FFM et le Festival de Toronto. Cette chronique du vendredi fera relâche jusqu'au 12 septembre.