C'est comme pour la météo. On a eu un été de cul. De la pluie, un ciel gris et des élections fédérales. Est-ce que ça veut dire que l'automne sera pourri, qu'il neigera encore plus que l'hiver dernier, que le rond-point l'Acadie sera inondé au printemps? Pantoute.

Ça veut dire qu'on a eu un été de cul. Blâmez El Niño si vous voulez, George Bush qui ne sait pas où se trouve Kyoto, Sarah «Drill Baby Drill» Palin qui se souciera du réchauffement de la planète lorsqu'il fera 32 degrés à l'ombre, l'hiver, en Alaska.

Cela ne changera rien au fait qu'on a eu un été de cul et que personne, ni à MétéoMédia ni même à la NASA, ne peut vraiment nous expliquer pourquoi. À l'exception possible de Pascal Yiacouvakis.

C'est la même chose au cinéma. Ou presque. Pas un été de cul. Un été ordinaire. Environ 8% des parts de marché pour le cinéma québécois, selon Cinéac, spécialiste des statistiques du box-office. C'est 13% de moins qu'à l'été de 2005. Le résultat le plus maussade du cinéma québécois depuis 2002. C'est aussi, mais on s'en vante moins, seulement 2% de moins qu'en 2007.

Un été ordinaire. Pas un été catastrophique. Pas Katrina. Pas Ike. Pas Gustav. Un été avec quelques points, mais sans coup de circuit. Il reste qu'on se demande, dans l'industrie du cinéma, pourquoi le public n'a pas davantage fréquenté les films québécois cet été. J'insiste: il pleuvait. Ce n'était pas, comme aime dire mon ami Hugo Dumas, un «beau temps pour étendre».

Qu'aviez-vous donc de mieux à faire de vos dimanches après-midi que d'aller voir Le piège américain? C'est la question que se pose cette semaine le milieu du cinéma québécois. Moi, je l'avoue, j'avais une brassée de blanc à passer au cycle délicat. Mais vous? Ne me dites pas que vous avez préféré Iron Man et Batman à Lucien Rivard... Man?

Je ne suis pas Pascal Yiacouvakis. Je ne saurais expliquer cet été ordinaire. Je ne suis même pas convaincu qu'il puisse être expliqué. Je lancerai néanmoins cette piste de réflexion. Se pourrait-il que le cinéma québécois se tire dans le pied en tentant d'opposer ses gros canons un film sur quatre «mononcles» libidineux en perte de cruise control à des superproductions américaines de qualité?

Le drame, ce n'est pas que Cruising Bar 2, mauvais théâtre d'été fait téléfilm, n'ait pas amassé 5 millions au box-office (3,4 millions pour pareil navet, c'est déjà bien assez). Le drame, c'est qu'un film réussi comme Le banquet, loin d'être hermétique, n'ait pas rejoint son public. Après deux week-ends à l'affiche, le troisième long métrage de Sébastien Rose n'avait accumulé que 84 000$ au box-office. Pourquoi? Je ne suis pas Pascal Yiacouvakis...

M'est avis, néanmoins, que non seulement trop de films québécois sont produits (29 sorties commerciales en 2007 sur un total de 100 long métrages), mais que ceux-ci sont plus ou moins bien distribués. Il y a des films d'automne, comme il y a des poires d'automne. Le banquet est de ceux-là. À cueillir lorsque le temps est mûr. Pas prématurément, parce que l'automne s'annonce (s'annonçait?) trop encombré de sorties québécoises.

Trop de films québécois prennent aussi l'affiche l'été sans tenir compte du calendrier américain. Or, contre The Dark Knight en format Imax, le cinéma québécois a autant de chances de survie qu'un animal de compagnie devant le Joker de Heath Ledger. Cet été, le cinéma américain a accaparé un record de 82,8% des parts de marché au Québec, toujours selon Cinéac.

Les Français ont compris qu'ils ne pouvaient se battre à armes égales contre le géant hollywoodien. Ils semblent avoir consciemment laissé le champ libre aux superproductions américaines au coeur de l'été et misent davantage sur l'automne et l'hiver pour intéresser le public cinéphile aux productions françaises. Les résultats sont probants. Bon an mal an, les parts de marché du cinéma français dans l'Hexagone sont d'environ 40%.

Ce que cet été sans soleil laisse présager de plus inquiétant pour le cinéma québécois, c'est un repli des distributeurs vers des formules dites plus prudentes. Films à thématiques consensuelles, avec vedettes à l'avenant, ou mises en marché timides de films au potentiel commercial moins sûr.

Il ne faudrait pas sous-estimer l'impact des récents déboires financiers de Christal Films sur le marché de la distribution de films. Il y a sans doute eu des excès de zèle dans la mise en marché de certains films depuis quelques années (Christal Films semble aujourd'hui en payer le prix), mais il ne faudrait pas négliger cette partie essentielle du travail de promotion du cinéma québécois.

Il y a encore bien des gens qui ne connaissent le cinéma québécois ni d'Ève ni d'Adam, qui ne sauraient faire la différence entre Philippe et Pierre Falardeau ou qui entretiennent des préjugés tenaces sur notre cinéma. Ce sont eux qu'il faut attirer le dimanche après-midi dans les salles obscures, si l'on espère que cet été maussade ne se transformera pas en prévision à long terme.

Rire noir

Un petit mot pour vous dire que je n'ai jamais autant ri au cinéma cette année qu'en voyant Burn After Reading, pastiche de film d'espionnage des frères Coen, à l'affiche depuis hier. Une délirante comédie noire, avec des acteurs aussi talentueux que John Malkovich, Brad Pitt et George Clooney dans des contre-emplois délicieux. Ce n'est peut-être pas No Country for Old Men, mais c'est du Coen de haute voltige, caustique et absurde, dans la lignée de The Big Lebowski. Du bonbon acidulé.