Dans Body of Lies (Une vie de mensonges en version française), le nouveau film (décevant) de Ridley Scott (à l'affiche dès aujourd'hui), il y a une scène de torture.

Au cours d'un interrogatoire pour le moins serré, le personnage que campe Leonardo DiCaprio, agent de la CIA en poste au Moyen-Orient, subit des sévices corporels qui le font hurler jusqu'à s'en fendre l'âme. C'est du cinéma, bien sûr. Avec tous les remparts du faux-semblant. Avec aussi, en guise de bouclier protecteur, une fiction à travers laquelle on tente d'atteindre une parcelle de vérité, même si on sait très bien que rien ne provient d'une vraie réalité.

Pourtant, lors d'une conférence de presse à laquelle j'ai pu assister récemment, DiCaprio a déclaré que cette scène s'était révélée tellement exigeante sur le plan physique et émotionnel qu'il en a été malade pendant trois jours après l'avoir tournée.

Je ne doute absolument pas de la sincérité de l'acteur, ni des artisans qui, en élaborant Body of Lies, ont tenté d'inventer une histoire dans laquelle le héros fait au moins des efforts tangibles pour tenter de comprendre de l'intérieur les sociétés dans lesquelles il se trouve. J'éprouve pourtant toujours un malaise quand Hollywood se met à faire du spectacle en utilisant la «guerre au terrorisme» comme enjeu dramatique. Et les ruines d'un pays dévasté comme terrain de jeu.

Il n'y a pas vraiment de message politique dans Body of Lies, ni de préoccupations sociales ou humanitaires. On n'a là qu'un thriller classique, avec des bons, des méchants, des poursuites, des explosions. Ça pète de tout bord, tout côté, sans pourtant qu'une seule idée ne se fasse valoir au milieu des pétards. Dans ce contexte, la souffrance de DiCaprio m'a paru bien vaine.

Quelques jours plus tard, coïncidence, j'ai vu Sous la cagoule, un voyage au bout de la torture, un film percutant de Patricio Henriquez. On ne pourrait trouver approche plus opposée. Dans ce documentaire, présenté demain et mardi au Festival du nouveau cinéma, le cinéaste québécois retrace avec rigueur la dérive morale dans laquelle s'est enfoncée l'Occident au fil de son histoire, notamment au nom de la guerre au terrorisme. Il obtient des révélations étonnantes.

Des victimes, dont quelques-unes ont injustement été emprisonnées à Guantánamo, témoignent. Même le médecin personnel du président George Bush père dénonce les politiques du gouvernement américain devant la caméra d'Henriquez. Il déclare en outre que ces politiques encouragent le terrorisme plutôt que de le combattre.

Sans aucun manichéisme, le cinéaste trace sans complaisance un bilan accablant dans lequel se succèdent les histoires d'horreur. Il n'y a plus ici de notion de représentation, encore moins une envie de faire du spectacle. Henriquez nous plonge dans la réalité. La plus crue, la plus vraie, la plus indéfendable. Celle qui fait que la douleur est tellement intolérable qu'elle ne fait plus parler, ni même crier.

Oups!

En parcourant le programme très riche du 37e FNC, certains cinéphiles ont été surpris de trouver dans la sélection le plus récent film de Jiri Menzel Moi qui ai servi le roi d'Angleterre. Pourquoi? Parce ce que cette fable sur l'occupation allemande en Tchécoslovaquie, réalisée il y a deux ans, a déjà fait l'objet d'une présentation hors-concours l'an dernier au Festival des films du monde.

À l'époque, le plus récent film du célèbre réalisateur tchèque n'avait pas encore conclu une entente de distribution chez nous. D'où l'erreur d'aiguillage. Ni le distributeur d'aujourd'hui, Métropole Films en l'occurrence, ni le sélectionneur du FNC, Claude Chamberlan, n'étaient au fait de cette double vie festivalière. Aussi ont-ils décidé de maintenir le film dans la programmation, histoire de ne pas pénaliser les cinéphiles fréquentant le FNC.

Si nous commençons à nous emmêler nous-mêmes dans les fils de nos festivals de cinéma, imaginez le sac de noeuds qu'y voient nos amis étrangers!