Faites l'exercice. Si vous ne pouviez emporter dans une île déserte, munie disons d'un cinéma maison dernier cri pour les besoins l'exercice -, que 20 films américains de 20 cinéastes différents, lesquels choisiriez-vous? Je profite de notre dossier «L'Amérique qu'on aime» pour vous poser la question (vous pouvez me répondre à marc.cassivi@lapresse. ca).

Et pour partager avec vous cette liste toute personnelle, rédigée spontanément, que je pourrais sans difficulté modifier du tout au tout si je refaisais l'exercice demain matin. Il ne s'agit pas, vous l'aurez compris, d'une liste des «20 meilleurs films américains de tous les temps», mais d'une liste de 20 films avec lesquels on pourrait survivre, comme Tom Hanks dans Cast Away, dans une île où il n'y a ni Ex-Centris, ni cinéma Guzzo, ni club vidéo.

Bref, du drame et de la comédie, du vieux et du neuf, du léger et du lourd. Au final, 20 films dont on ne pourrait se passer, pour toutes sortes de raisons, bonnes et mauvaises. Une mini-cinémathèque idéale pour passer le temps... en attendant qu'arrivent les secours.


Modern Times de Charlie Chaplin
Le regard critique d'un visionnaire sur la société de consommation. En 1936. Vous avez dit avant-gardiste?

The Godfather II de Francis Ford Coppola
Puisqu'il faut choisir, je choisis le deuxième épisode de la trilogie, avec Robert De Niro en jeune Vito Corleone. Mais choisir «me brise le coeur», comme dirait Michael (Al Pacino).

Happiness de Todd Solonz
Une comédie noire, grinçante, tragicomique. Un film choral qui transgresse tous les tabous. Un père pédophile rêve qu'il massacre à la mitraillette une douzaine de couples heureux, pique-niquant dans un parc, sur fond de musique d'ascenseur. À mourir de rire (sans blague)...

Manhattan
de Woody Allen

Un seul Woody? Impossible. D'accord, Manhattan. Pour les dialogues truculents et ce tour en calèche avec Mariel Hemingway, dans les rues monochromes. L'ode à New York de Woody Allen.

Bowling for Columbine de Michael Moore
Une charge efficace contre la prolifération des armes à feu aux États-Unis. Dans le style inimitable de Michael Moore.

Blue Velvet de David Lynch
J'ai hésité entre The Straight Story, Wild at Heart, The Elephant Man... Il me fallait un Lynch. L'image de Frank (Dennis Hopper), qui vocifère à travers son masque à oxygène, me hante depuis l'adolescence.

Election
d'Alexander Payne

Le rôle hilarant, d'étudiante ambitieuse prête à tout pour arriver à ses fins, qui a révélé Reese Whiterspoon au public américain. De l'humour fin, caustique, du cinéaste de Citizen Ruth,
Sideways et About Schmidt.

Fargo des frères Coen
Un homme qui a des soucis financiers imagine un subterfuge pour soutirer de l'argent à son beau-père. Son projet, évidemment, vire à la catastrophe. Toutes les occasions sont bonnes pour nous faire rire, noir. Surtout quand un assassin a du mal à broyer la jambe d'une de ses victimes dans un déchiqueteur à bois.

Traffic de Steven Soderbergh
Ç'aurait pu être Sex, Lies and Videotape ou The Limey. Traffic, étude complexe sur le monde de la drogue, est un bijou de réalisation, appuyé sur un montage habile, qu'on ne se lasse pas de redécouvrir.

Pulp Fiction de Quentin Tarantino
Le film-étalon du cinéma référentiel, nourri à l'autodérision, des années 90. Pistes narratives multiples, bonheurs multiples, montage déconstruit, musique en parfaite symbiose. Quinze ans plus tard, on peut le dire: Pulp Fiction méritait toute cette attention.

Citizen Kane d'Orson Welles
L'oeuvre maîtresse d'un jeune génie repoussant les codes du cinéma. Un film qui ne vieillit pas et qui ne perdra sans doute jamais de sa pertinence.

2001: À Space Odyssey de Stanley Kubrick
Lolita, Dr. Strangelove, À Clockwork Orange, Barry Lyndon, The Shining, Full Metal Jacket, Eyes Wide Shut. Peu de cinéastes peuvent se vanter d'un parcours aussi pertinent, aussi cohérent, avec si peu de faux pas. 2001: À Space Odyssey, pour l'ambition, la grandiloquence, ces scènes inoubliables.

There Will Be Blood de Paul Thomas Anderson
Un grand film américain, aride et violent, majestueux et lancinant, du cinéaste surdoué de Boogie Nights et de Magnolia.
Lost in Translation de Sofia Coppola
Un vieil acteur fatigué dans un hôtel de Tokyo. Une jeune Américaine qui s'ennuie en attendant son mari. Des acteurs subtils, une caméra aimante, un secret qui nous fatigue encore un peu.

Chinatown de Roman Polanski
Polanski en avance sur son temps. Jack Nicholson en détective privé qui en découvre plus que ce qu'il ne souhaite. Faye Dunaway comme une ombre qui passe. Et quelle finale.

Do the Right Thing de Spike Lee
Un nouveau rythme, une nouvelle couleur, une nouvelle façon de faire, une prise de parole unique, l'Amérique sous un autre angle. J'avais 16 ans et le goût de ce nouveau cinéma.

Elephant de Gus Van Sant
Contemplatif, minimaliste, réaliste. De cette réalité qu'on a peine à croire tellement elle est nourrie d'une violence sourde.

Taxi Driver de Martin Scorsese
Raging Bull est peut-être un film plus abouti, mais quel cinéphile peut se passer du personnage trouble qu'est Travis Bickle (Robert De Niro)? You looking at me?

Being John Malkovich de Spike Jonze
Dans la tête de Charlie Kaufman, il y avait ce scénario invraisemblable, plein d'idées folles, d'humour déjanté, de situations cocasses et de d'étages «et demi». Follement amusant.

Brokeback Mountain
d'Ang Lee

Une histoire d'amour tragique et subtile, brutale et déchirante, imprégnée de silences. Celui de la montagne et de ses espaces inaccessibles; celui de cowboys rongés par le désir, déçus par la promesse évanescente d'une liaison impossible.