Paraîtrait que les années 80 sont maintenant «vintage». Voilà ce qu'on entend un peu partout. Elles auraient été intronisées récemment avec faste - j'ai dû manquer la cérémonie - au temple de la renommée des temps modernes, au même titre que les années 60 ou 70.

On ne compte d'ailleurs plus les spectacles thématiques ressortant des airs qu'on croyait à jamais enfouis dans notre mémoire honteuse, ni les artistes qui revendiquent l'esprit de cette époque. Des cinéastes se réclament désormais aussi de cette école de pensée. Bref, nous avons maintenant le droit de puiser dans le répertoire des années 80 pour nourrir notre imaginaire collectif.

Je n'en reviens juste pas.

Les années 60, je peux comprendre. Baby-boom, révolution tranquille et sexuelle, Vietnam, Beatles, Rolling Stones, Charlebois, Woodstock, Bergman et Fellini au sommet de leur art, name it. Les années 70? Un prolongement des années 60... en plus poilu! Beau Dommage, Harmonium, Octobre. Et le dernier âge d'or du cinéma américain avec Coppola, Scorsese et compagnie, sans parler de l'explosion créatrice du cinéma québécois de fiction avec les Carle, Arcand, Jutra, Poirier, Brault, Lefebvre et tous les autres.

Mais les années 80? Misère.

Elles donnent encore l'image d'une époque emballée sous vide marquée par des tubes inconséquents et une mode vestimentaire défiant la raison. Elles évoquent aussi le souvenir d'une décennie où, sur le plan artistique, la forme a souvent pris le pas sur le fond.

Plongé dans le blues post-référendaire, le Québec devait de surcroît s'emmurer dans le silence de ses créateurs, soudainement devenus aphones après avoir été brutalement coupés de leur source d'inspiration principale. Au cinéma, de nouvelles voix se sont néanmoins fait entendre: celles de Lanctôt, Pool et Lauzon notamment. Les unes et les autres ont mis de l'avant de nouvelles préoccupations en jetant sur notre société un regard différent.

Aux Oscars, les fresques historiques (Gandhi, Amadeus, The Last Emperor) et les drames intimistes (Ordinary People, Terms of Endearment, Rain Man) ont alors la cote. À Cannes, on consacre Wenders (Paris, Texas), Kusturica (Papa est en voyage d'affaires), Pialat (Sous le soleil de Satan) et Soderbergh (Sex, Lies and Videotape).

Spielberg triomphe en présentant E.T. à une soirée de clôture et Beinex se fait lyncher sur la Croisette en jetant La lune dans le caniveau en pâture aux fauves. C'était pourtant lui qui, deux ans plus tôt, avait pratiquement redéfini les courants esthétiques du cinéma français grâce à Diva. Bien sûr, il s'est produit de beaux films au cours de ces années pas si lointaines, mais certains de ses auteurs y ont mal survécu. Leos Carax et Jean-Jacques Beineix, pour le meilleur et pour le pire, seront à jamais associés au cinéma de cette époque.

Si cette décennie «vintage», marquée aussi par une crise économique, fut placée sous le signe de la morosité chez nous, elle demeure néanmoins synonyme de légèreté chez nos voisins du Sud. C'est du moins l'impression qu'en garde le cinéaste et producteur Adam Shankman.

Lors d'une rencontre de presse tenue récemment à l'occasion de la sortie de 17 Again, le réalisateur de Hairspray (l'adaptation cinématographique du spectacle tiré du film original de John Waters) expliquait que les parallèles avec les années 80 se tracent pratiquement aujourd'hui d'eux-mêmes. Shankman, producteur de la nouvelle comédie mettant en vedette Zac Efron, ne cache pas s'être inspiré de John Hughes (Sixteen Candles, The Breakfast Club, Ferris Bueller's Day Off), un réalisateur qui a marqué son époque. Il ne s'étonne guère non plus de l'engouement que suscite ce retour collectif - et nostalgique - vers un passé récent.

«Plus que jamais, dit-il, les gens ont besoin d'échapper à leur quotidien. Avez-vous remarqué à quel point tous les films sur la guerre en Irak se sont royalement plantés? Quand la réalité politique est difficile, il est déjà périlleux de proposer des sujets graves au cinéma. Si une crise économique se mêle à tout cela en plus, oubliez ça. Les gens vont alors dans les salles obscures pour se divertir et recherchent avant tout des moyens de s'évader. Et le meilleur moyen pour eux d'y parvenir est de retrouver une zone de confort teintée de nostalgie. Même les indépendants empruntent maintenant un ton beaucoup plus léger, pensons simplement à Little Miss Sunshine ou à Juno. Il n'y a rien d'innocent là-dedans!»

Autrement dit, aussi peu intéressante soit l'époque de laquelle on est issu, on en humera toujours les parfums de sa jeunesse. Où ai-je rangé mon vieil album de Rick Astley déjà?

Ciné Quiz

C'était lundi soir à la Star Ac. Pendant les trois heures d'un show où, quand on s'adonne à être une personnalité publique, le comble de la «branchitude» consiste à se faire voir dans la salle, nous, pauvres cloportes, avons bien dû voir la promo «Les week-ends cinéma» au moins 3000 fois.

En quelques secondes, dans un montage défilant à la vitesse de l'éclair, j'ai cru reconnaître des extraits de The Devil Wears Prada, Ray, Charlie's Angels Full Throttle, The Pursuit of Happyness, Cinderella Man, Lara Croft, Man on Fire, Bewitched et X-Men: The Last Stand. Je n'ai détecté aucun, je dis bien AUCUN extrait tiré d'un film autre qu'hollywoodien. Bravo TVA. Cet appui formidable à la diversité culturelle vous honore. Ai-je une bonne chance de gagner un billet de mini-loto à Ciné Quiz?