Pedro Almodovar ne remportera pas la Palme d'or avec Los abrazos rotos (Étreintes brisées). Ce drame mettant en vedette Penélope Cruz a été reçu tièdement en Espagne, où il a déjà pris l'affiche. Et on voit mal le jury de la compétition officielle lui remettre sa plus prestigieuse récompense.


Étreintes brisées n'est pas un grand Almodovar. Son intrigue est mince, son scénario conventionnel, sa charge émotive mal canalisée, mais c'est néanmoins un film fluide et séduisant, qui porte la signature lumineuse de son auteur.

L'exubérant Madrilène retrouve une quatrième fois son égérie Penélope Cruz pour ce récit d'un cinéaste, Mateo Blanco, qui perd non seulement la vue, mais aussi la femme de sa vie, dans un accident de voiture.

Il y est question de jalousie et d'ambition, de création et de cinéma. «En lisant le scénario, j'ai eu le sentiment que c'était le plus complexe, le plus audacieux, le plus courageux des scénarios de Pedro», a déclaré Penélope Cruz en conférence de presse.

Étreintes brisées propose entre autres choses une mise en abîme de Femmes au bord de la crise de nerfs, qui prend ici le titre de Filles et valises, film tourné par Blanco avant son accident. «Je ne l'ai pas voulu comme un hommage à moi-même, précise Pedro Almodovar. Je voulais que le film dans le film soit une comédie et j'ai choisi Femmes au bord de la crise de nerfs pour des raisons de droits d'auteur.»

Le film qui a révélé Almodovar au grand public international fait en ce moment l'objet de deux adaptations aux États-Unis, l'une à Broadway (les répétitions commencent en juin) et l'autre à la télévision de Fox. Un pilote (épisode test) a déjà été tourné et la série télé, si elle est diffusée, sera scénarisée par l'une des auteurs de Grey's Anatomy, Mimi Schmir. 

Dans Étreintes brisées, Filles et valises prend l'affiche sans l'assentiment de son réalisateur, après que son producteur jaloux ait saboté son montage. «Si ça m'arrivait, je tuerai le producteur, dit Almodovar, sur un ton grave. En Europe, grâce à la protection des droits d'auteur, c'est impossible. Mais c'est fréquent aux États-Unis. Je crois en l'intégrité de l'oeuvre. Un film appartient à son auteur. C'est clair en Europe. Aux États-Unis, c'est différent. Le propriétaire du film est le producteur.» 

Almodovar, un habitué du Festival de Cannes à qui la Palme d'or a échappé jusqu'à présent, croit-il que cette fois-ci sera la bonne? «Non, dit-il. Je vais quitter Cannes vendredi justement pour ne pas donner l'impression que je veux avoir la Palme... Mais je suis prêt à revenir dimanche s'il le faut!»

Penélope m'a frôlé

J'avais l'impression, en assistant à la conférence de presse d'Almodovar, d'être un figurant dans un thriller politique hollywoodien. Postés discrètement, non seulement à l'avant, mais dans la salle de conférence, des hommes en complet, un fil torsadé dissimulé sous la veste, visible seulement de la nuque à l'oreille. Des agents de sécurité. À la fin, contrairement aux habitudes, réalisateur et acteurs ont emprunté la même sortie que les journalistes. C'est là que je l'ai vue, avançant au ralenti vers moi comme dans un rêve utopique, le port altier, la peau couleur sable, les cheveux relevés en chignon, la robe champagne d'une exquise élégance, les yeux ambrés, les lèvres vermeille. Penélope Cruz. Elle m'a frôlé, puis a disparu, chaperonné par une demi-douzaine d'agents, mécontents que la routine habituelle n'ait pas été respectée. Je ne me laverai plus jamais le bras droit...

J'ai tué ma mère salué par les médias

L'accueil réservé par la presse internationale à J'ai tué ma mère, étonnant film du Québécois Xavier Dolan, est plutôt enthousiaste. «Dolan fait preuve d'un sacré métier (...) et pratique l'art de la réplique féroce comme un vieux briscard», écrit le quotidien français Libération. Le magazine américain Variety estime que J'ai tué ma mère, film «amusant, mais indiscipliné», plaira au grand public: «Les Festivals vont se bousculer au portillon, et même une distribution dans les salles d'art et d'essai aux États-Unis n'est pas impensable». Un bel envol pour une première œuvre réussie et (trop) foisonnante, forcément imparfaite, d'un cinéaste qui n'a que 20 ans.

Il Duce classico

Classique et académique, Vincere du vétéran Marco Bellocchio (Le diable au corps, Il regista di matrimoni), aussi présenté en compétition officielle, est une fresque historique qui emprunte aux codes de l'opéra et raconte, de manière pompeuse mais efficace, l'histoire tragique du fils illégitime que Benito Mussolini a eu avec sa maîtresse Ida Dalser. Un film à mon sens trop peu original pour se retrouver au palmarès.

Un prophète favori des festivaliers

??mi-parcours, le film favori des festivaliers pour la Palme d'or reste le brillant et percutant Un prophète. Les magazines spécialisés Le film français et Screen International, qui tiennent le compte des avis de différents critiques internationaux, donnent au cumulatif la meilleure note au film du Français Jacques Audiard. Au bas du palmarès, l'affligeant Kinatay, de Brillante Mendoza, suivi de près par Antichrist, de Lars Von Trier, un film cru et prétentieux que j'ai trouvé unique et fascinant.