Le cinéma de genre n'est pas mon genre. Il ne l'a jamais été. J'en ai été convaincu pour de bon dès ma première couverture du Festival Fantasia, il y a 10 ans. Le «Festival international du film fantastique, d'action et de genre» en était à l'époque à ses balbutiements, mais déjà, il faisait le bonheur des cinéphiles du genre en présentant des auteurs fétiches comme Johnnie To et Takashi Miike. Leurs films me laissaient de glace à l'époque. C'est toujours le cas (je suis plus du «genre» Tsai Ming-liang ou Wong Kar-waï).

Si mon rapport au cinéma de genre n'a pas beaucoup évolué, le Festival Fantasia, lui, a fait des pas de Godzilla. Aujourd'hui à son 13e anniversaire, l'événement qui roulera jusqu'au 29 juillet, toujours populaire auprès des jeunes cinéphiles montréalais, s'est imposé comme le plus important festival de cinéma de genre en Amérique du Nord. Sa réputation est désormais mondiale.

L'évolution de Fantasia est à l'image de celle du cinéma de genre, sorti depuis quelque temps des milieux spécialisés pour se démocratiser, comme l'a démontré le dernier Festival de Cannes (films de Johnnie To et de Park Chan-wook en compétition officielle). Cantonné davantage à ses débuts dans le film fantastique, d'arts martiaux, d'horreur ou d'érotisme - le menu étant au départ exclusivement japonais et hongkongais -, Fantasia épouse aujourd'hui la dernière tendance du cinéma de genre: l'hybridation avec une forme de cinéma d'auteur plus classique.

Breathless, premier long métrage du Sud-Coréen Yang Ik-june, est à l'image de cette tendance. La personnalité forte du cinéaste-auteur-acteur transcende le genre «gangster de rue» de son film. Le personnage interprété par Yang Ik-june, homme de main archi-violent d'un prêteur usurier, est un bandit sans envergure, comme le Michel Poiccard d'À bout de souffle (là s'arrêtent les comparaisons), mais sa rencontre avec une étudiante farouche le force à une remise en questions. Destins croisés, violence brute mais réaliste, jeu plutôt convaincant: un premier film assez réussi.

À quelle heure le train pour nulle part, présenté en première mondiale, porte aussi l'empreinte de son auteur, le Québécois Robin Aubert. Le cinéaste de Saints-Martyrs-des-Damnés a un oeil certain pour le cadrage. Quelques plans magnifiques ponctuent ce récit schizophrénique et énigmatique, road-movie existentiel en Inde, en compagnie d'un homme (Luis Bertrand) cherchant son double.

New Delhi comme si on y était, dans l'étourderie des sens, la lumière crue, le vacarme constant, les scènes improbables qui se dessinent à tout moment. La musique, le travail sur l'image, sont remarquables. Le scénario, improvisé, souffre cependant de quelques élans poétiques trop appuyés, de l'approximation inhérente à ce genre de projet qui, à force, finit malheureusement par tourner en rond.

Sur un autre registre, celui de l'humour - qui compte pour près de la moitié des longs métrages de Fantasia cette année -, The Immaculate Conception of Little Dizzle, de l'Américain David Russo, un autre premier long métrage, aborde le fantastique dans le monde bien terre à terre des employés d'un service d'entretien commercial.

Dory, informaticien excédé, se trouve un job d'homme de ménage dans une tour à bureaux, auprès de collègues freaks fumeurs de dope. Il devient aussi, bien malgré lui, le cobaye d'une expérience scientifique menée par une compagnie de biscuits... Portant le sceau Sundance, The Immaculate Conception of Little Dizzle est une comédie indépendante sans prétention et sans conséquence, plutôt bien jouée, qui fait sourire.

L'un des films les plus attendus du Festival, Thirst, du Coréen Park Chan-wook (Oldboy), a remporté ex aequo le Prix du jury au plus récent Festival de Cannes, à la surprise de plusieurs (moi le premier). Voilà une proposition plus typiquement «fantasienne», un film de vampires et d'arts martiaux particulièrement sanglant, visuellement splendide... inspiré par Thérèse Raquin d'Émile Zola.

Cette oeuvre soignée et originale, mettant en scène un jeune prêtre qui se transforme en vampire après un traitement expérimental, avant de succomber aux plaisirs de la chair - bien saignante de préférence -, a des qualités techniques et esthétiques indéniables. Le film distille un humour gore efficace. Mais le genre n'étant pas mon genre, je le répète, Thirst m'a paru bien long.

Jamais autant que Love Exposure, du Japonais Sion Sono, prix de la critique au dernier Festival de Berlin. Un film de quatre heures (!) autour de Yu, un adolescent tiraillé entre le bien et le mal, fils de prêtre qui se déguise en femme - la mystérieuse Miss Scorpion - et se découvre un talent inédit pour la photo en contre-plongée de bobettes de collégiennes japonaises en minijupe.

Il rencontre son Waterloo en la personne d'une écolière machiavélique membre d'une secte, la Zero Church. Vaguement cochon, très porté sur la métaphore religieuse, d'une direction artistique très «eighties», Love Exposure, certes ambitieux, m'a paru un exercice de style laborieux, truffé de clichés. Trop, comme on dit, c'est comme pas assez. Même quand le genre commande d'en faire plus que moins.