J'avais rapidement parcouru les notes de production; j'avais à peine jeté un coup d'oeil sur la liste des acteurs faisant partie de la distribution.

Quand, à Cannes, j'ai vu Taking Woodstock (à l'affiche aujourd'hui) une première fois, je n'ai pourtant jamais reconnu Imelda Staunton dans la peau de la mère du protagoniste du film. Le personnage que l'actrice britannique incarne est si coloré, en même si temps si «vrai», que j'ai franchement cru que Ang Lee avait tout simplement recruté quelque part une «madame» dotée d'une forte personnalité.

C'est dire le talent d'une actrice de composition (inoubliable Vera Drake!) qui, visiblement, aime se transformer complètement d'un rôle à l'autre. C'est dire aussi à quel point les auteurs et cinéastes sont souvent bien inspirés par les personnages de mères. Xavier Dolan nous a évidemment parlé de la sienne dans J'ai tué ma mère. Ricardo Trogi en fait tout autant dans 1981.

L'un et l'autre ont écrit pour elles des scènes très fortes, auxquelles font honneur des actrices remarquables (Anne Dorval pour Dolan; Sandrine Bisson pour Trogi).

Normal, direz-vous. Les années de jeunesse étant intimement liées au rapport avec la mère, plusieurs créateurs font de ce lien affectif - présent ou absent - l'axe autour duquel s'enroulent leurs souvenirs intimes. D'autant plus que les mamans de certains d'entre eux, je pense à Trogi notamment, ont vécu leur propre jeunesse à une époque où le discours féministe commençait à être entendu. Francis Leclerc (et l'auteur Marc Robitaille) avait d'ailleurs magnifiquement évoqué la chose dans Un été sans point ni coup sûr. Les hommes avaient un peu beaucoup de mal à suivre...

Forcément, le contexte est alors plus riche. Même si les personnages féminins étaient aussi présents dans la dramaturgie d'une autre époque, où leur force tranquille était évoquée d'une autre manière, il reste que les femmes issues de la Révolution tranquille ont vécu tous les combats. Et furent bien présentes sur la première ligne de tous les changements sociaux.

En 1981, Claudette, la mère de Ricardo, était âgée de 35 ans. Âgée de 20 ans en 1967, l'année de l'Expo, ce fameux été où le Québec s'est ouvert sur le monde. Un écrivain québécois célèbre, qui a aussi beaucoup été inspiré par sa mère, a d'ailleurs déjà déclaré avoir «baisé dans toutes les nationalités» cet été-là...

On se plaît à deviner la vie de cette toute jeune femme qui, trois ans plus tard, devait accoucher d'un futur cinéaste. Parions qu'elle ressemble probablement en tous points à celle qu'ont vécue bon nombre de jeunes femmes du même âge. La vision, obligatoirement sublimée, que proposent les créateurs, aujourd'hui adultes, enrichit indéniablement le paysage d'héroïnes anonymes. Dont les exploits ont souvent été réalisés dans la plus totale discrétion.

La Sonia de Taking Woodstock, Juive russe ayant fui l'Union soviétique dans des circonstances invraisemblables (et inventées!), n'a évidemment pas grandi à la même époque que la Chantale de J'ai tué ma mère ou la Claudette de 1981. Son destin sera tout de même marqué par ces années-charnières que furent la fin des années 60. Même si ces trois femmes n'ont en apparence rien en commun, elles partagent néanmoins le fait d'avoir inspiré, sans le savoir, des oeuvres très fortes. Elles ont aussi eu le talent d'être la mère de quelqu'un.

On jase...

En prenant connaissance de la programmation - très alléchante - du Festival international du film de Toronto, qui se tiendra du 10 au 19 septembre, un intervenant sur mon blogue suggérait l'idée suivante: on imite Tennis Canada et on pratique la politique de l'alternance entre les deux villes. La métropole québécoise aurait ainsi droit à la programmation du TIFF tous les deux ans; la métropole canadienne en ferait autant avec celle du FFM. Quel éclair de génie!