Le Festival international du film de Toronto est depuis nombre d'années la rampe de lancement traditionnelle des candidats potentiels à la Soirée des Oscars. C'est à Toronto qu'a été lancée l'an dernier la campagne de charme de Slumdog Millionaire, de Danny Boyle, éventuel lauréat de l'Oscar du meilleur film de 2008.

Mais à en croire certains observateurs, le 34e TIFF, qui roulera du 10 au 19 septembre, risque de faire exception. Non pas parce que son menu est moins relevé - le nec plus ultra du cinéma mondial sera de nouveau présent dans la capitale ontarienne -, mais tout simplement parce que moins de films prendront l'affiche en Amérique du Nord cet automne.

La crise économique ne faisant pas de quartier, on estime que de 30 à 40% moins de longs métrages seront diffusés en salles d'ici la fin décembre en comparaison avec la même période l'an dernier, selon ce que rapportait cette semaine le New York Times.

L'ironie des chiffres, c'est que cette baisse de régime coïncide avec un nouveau règlement, à mon sens parfaitement ridicule, qui fera porter dès le prochain gala des Academy Awards le nombre de candidats à l'Oscar du meilleur film de cinq à dix.

Plusieurs s'interrogent ces jours-ci à savoir si la cuvée de films de 2009 sera suffisamment relevée pour ne pas discréditer la grande soirée strass et paillettes de Hollywood. D'autant plus que, pour des raisons comptables, certains studios ont repoussé la sortie de films potentiellement oscarisables aux calendes grecques. C'est le cas de Shutter Island de Martin Scorsese, mettant une nouvelle fois en vedette son acteur fétiche Leonardo DiCaprio, qui devait prendre l'affiche le mois prochain mais qui a été repoussé par la Paramount à février 2010.

Je ne vois guère, parmi les films américains à avoir pris l'affiche jusqu'à présent, que The Hurt Locker de Kathryn Bigelow ou Inglourious Basterds de Quentin Tarantino comme candidats potentiels à l'Oscar du meilleur film. Ces films violents ne sont sans doute pas du goût de la majorité des Académiciens.

Malgré la déprime saisonnière, les yeux du Tout-Hollywood seront de nouveau tournés vers la Ville-Reine en prévision de la saison des prix de cinéma. Les canons typiquement oscarisables se faisant rares, l'on espère y découvrir des films-surprises, à l'image de Slumdog Millionaire l'an dernier ou de Juno en 2007, pour égayer la prochaine soirée des Oscars. L'industrie fonde d'ailleurs beaucoup d'espoirs sur Up in the Air du cinéaste canadien de Juno, Jason Reitman, une comédie noire sur le milieu des affaires mettant en vedette George Clooney.

Je salue de mon côté l'arrivée de la «vraie» saison du cinéma, espérant trouver mon bonheur dans des titres prometteurs tels que An Education de Lone Sherfig, la cinéaste danoise de Italien pour débutants, A Serious Man des frères Coen, Where the Wild Things Are de Spike Jonze, La Donation de Bernard Émond, The Informant de Steven Soderbergh (qui me semble avoir des airs de Burn After Reading), ou encore Life during Wartime de Todd Solondz (Happiness), avec les revenants Ally Sheedy (The Breakfast Club) et Paul Reubens (Pee-Wee Herman!). En espérant que le film se trouve un distributeur à Toronto.

Si je suis curieux de The Road de John Hillcoat, tiré du brillant roman de Cormac McCarthy, mettant en vedette Viggo Mortensen, j'attends surtout avec impatience le même jour (16 octobre) The Damned United de Tom Hooper, avec Michael Sheen (The Queen) dans le rôle de Brian Clough, le légendaire entraîneur de soccer anglais. Rien comme mes deux passions (le foot et le cinéma) réunies.

Déjà la controverse

Le Festival de Toronto n'est pas commencé que déjà il sème la controverse. Le cinéaste canadien John Greyson a retiré son court métrage Covered du TIFF afin de protester contre l'inclusion dans la programmation de la nouvelle série City to City, qui rend hommage à la capitale israélienne Tel Aviv.

Cette semaine, Greyson et de nombreux artistes et intellectuels, dont les cinéastes Ken Loach, Elia Suleiman et Sophie Fiennes, les acteurs Danny Glover et Jane Fonda, le chanteur David Byrne et l'auteure Naomi Klein, ont signé une pétition reprochant à la direction du Festival de célébrer indirectement l'occupation de la Palestine, et d'être complice, même involontairement, de la machine propagandiste israélienne.

Le co-directeur du Festival et programmateur de City to City, Cameron Bailey, s'est défendu de toute ingérence politique d'Israël dans sa programmation et a regretté que des cinéastes israéliens, et leurs films, fassent les frais de ce qu'il considère être un appel à la censure.

Le paradoxe, c'est qu'il n''y a pas mieux qu'un cinéaste israélien - je pense à Amos Gitai (Kippour) ou à Ari Folman (Valse avec Bachir) - pour dénoncer les abus d'Israël.