Ils sont de plus en plus nombreux, comme Aubert, à tourner des oeuvres en « commando indépendant », entre amis, sans l'aide des institutions ou presque. Téléfilm Canada et la SODEC suffisent de moins en moins à la demande. La révolution numérique a démocratisé la production, de plus en plus de réalisateurs veulent tourner des films plus souvent, mais l'assiette de fonds publics reste essentiellement la même.


Plutôt que d'attendre patiemment leur tour - qui pourrait ne jamais venir - ou leur prochain projet plus ambitieux (le troisième long de Robin Aubert, À l'origine d'un cri, est doté d'un budget de 4,3 millions), des cinéastes se tournent vers les nouvelles technologies afin d'assouvir leurs désirs de création.


Les caméras numériques sont de moins en moins chères (voir le reportage de ma collègue Anabelle Nicoud), les logiciels de montage de plus en plus abordables. Il est possible, pour quelques dizaines de milliers de dollars, de concrétiser une vision de cinéaste, et de partager cette vision avec un public, en marge des réseaux de distribution traditionnels.


Le Québec, en retard sur l'Europe et les États-Unis en matière de distribution numérique en salle (les projecteurs numériques commencent à peine à faire leur entrée dans les cinémas québécois), accuse un retard semblable sur le web. « La disparition de Silence, on court !, un site de diffusion de courts métrages avant-gardiste à bien des égards, nous a ramenés des années en arrière », regrette Jean Hamel, de l'Institut national de l'image et du son (INIS). Il reste que l'on retrouve sur des portails de type YouTube des centaines de courts métrages de jeunes cinéastes québécois.



Aux États-Unis, des sites tels Hulu ou SnagFilms (aussi disponibles au Canada), qui proposent gratuitement 840 documentaires indépendants, sont autant de plateformes permettant à de jeunes créateurs de se faire connaître, d'autodistribuer leurs oeuvres (longs, courts et moyens) et de créer des marchés de niche, en faisant fi des lourdes conventions de la distribution.



Le hic, c'est que la diffusion de films sur le web, contrairement à son pendant musical, n'est pas encore viable économiquement. Les artistes y avancent à tâtons, bénévolement, en espérant être repêchés, qui par un producteur, qui par un distributeur, qui par un festival de films. Les sacrifices restent nombreux. Les finances personnelles en prennent pour leur rhume, le temps n'est pas compté, les espoirs souvent déçus.


Malgré tous les avancements technologiques, faire un film reste cher. Pour un Xavier Dolan surdoué, qui a tout misé sur son premier film, J'ai tué ma mère, en remportant un pari non seulement artistique mais commercial (en tant que producteur de son film, il a pu empocher un pourcentage intéressant des recettes), combien de cinéastes sans le sou qui ont tout hypothéqué pour voir un rêve concrétisé au grand écran. La situation, évidemment, n'est pas plus rose en temps de récession.


Le progrès technologique va certainement révolutionner la production audiovisuelle québécoise à court terme. Davantage de jeunes artistes talentueux trouveront sans doute le moyen de se mettre en valeur. Plus de cinéastes établis parviendront probablement à tourner plus fréquemment. Cela dépendra de facteurs liés essentiellement aux coûts de production et de diffusion.


Mais s'il est une chose que la révolution numérique ne changera pas d'un iota, c'est le talent nécessaire pour raconter une histoire, avec des mots, des gestes, des images, des musiques, afin d'en faire une oeuvre cinématographique digne de ce nom. Ils sont rares ceux qui l'ont.


Ligne comique


J'ai du retard. In the Loop, grinçante satire politique d'Armando Iannucci sur la marche vers la guerre en Irak, a pris l'affiche il y a trois semaines déjà. Le film est inégal, mais certains dialogues, pour la plupart décapants (et vulgaires), sont à crouler de rire. En particulier cette conversation téléphonique entre hauts fonctionnaires britanniques, en préparation d'une rencontre internationale de stratégie militaire (traduction libre et de mémoire).


« Les Canadiens ? Vexés de ne pas avoir la parole ? Tu n'y penses pas. Ils seront déjà contents d'être là. Ils ont toujours l'air surpris lorsqu'on les invite. » Ma ligne comique de l'été.