J'ai enfin retrouvé Spike Jonze. Pas longtemps. À vrai dire, je l'ai reconnu seulement dans les 20 premières minutes de son nouveau film, Where the Wild Things Are. C'est quand même un peu court quand le rendez-vous est fixé depuis déjà tant d'années. Le réalisateur de Being John Malkovich, l'un de mes films de chevet, n'avait rien offert aux cinéphiles depuis Adaptation, point d'orgue d'une collaboration féconde avec l'éminent scénariste - devenu cinéaste depuis - Charlie Kaufman.

Depuis sept ans, Jonze s'est évidemment permis quelques aventures extra-cinématographiques, mais il a surtout cogité ce projet d'adaptation du célèbre conte de Maurice Sendak, lequel tient en 338 mots et 18 illustrations. Dave Eggers (Away We Go) cosigne cette fois le scénario.

D'entrée de jeu, j'étais en pays conquis. Il y a chez le petit héros Max (magnifiquement interprété par Max Records) quelque chose de l'enfant sauvage de Truffaut. S'éloignant de toute approche moralisatrice, fuyant les bons sentiments attendus, Jonze se montre attentif à capter chez ce petit écorché vif la force brute d'émotions souvent contradictoires.

Insupportable et touchant à la fois, ce garçon de 9 ans cristallise à lui seul un mal-être que certains humains doivent apprendre à gérer durant le cours de toute une vie. La blessure est là. Béante, douloureuse. De laquelle émane une colère sans fond, indomptée et indomptable. Que rien ni personne ne pourra jamais apaiser. Les chansons de Karen O and the Kids - tendres mais aussi violentes - ponctuent magnifiquement les sombres états d'âme du petit animal. Et la caméra de Jonze est en parfaite osmose avec elles. Plus d'une fois, j'ai eu la gorge serrée.

Après une colère terrible devant laquelle sa mère (Catherine Keener) ne peut qu'avouer son impuissance, Max s'enfuit dans la nuit, revêtu de son costume de loup, traverse un bois, trouve un bateau de fortune, navigue sur une mer agitée et se retrouve, de l'autre côté, naufragé dans une île habitée par une petite meute de monstres poilus.

C'est là que j'ai perdu Spike de vue.

Bien entendu, toutes ces créatures agissent comme autant de projections des diverses facettes de la personnalité de l'enfant, mais le propos tourne à vide. On peut dès lors admirer le film sur le plan technique - certaines images sont sublimes - mais un habile faiseur aurait tout aussi bien pu s'acquitter de la tâche. Hollywood ne compte-t-il pas déjà dans ses rangs assez (trop) de réalisateurs spécialisés dans les films à effets visuels?

En fait, Where the Wild Things Are (Max et les Maximonstres en version française - à l'affiche aujourd'hui), souffre d'un vice de forme. Les artisans semblent en effet tiraillés entre leur désir de traiter l'enfance de façon très franche, sans tomber dans la guimauve, et l'envie d'attirer tous les publics.

Le cinéaste a beau affirmer sa volonté de réaliser un film «sur» les enfants (plutôt que «pour»), il reste que le pari est difficile à tenir quand on dispose d'une galerie de personnages constituée de gros toutous inoffensifs...

Même si, selon Jonze, la mésentente avec le studio Warner sur l'orientation du film appartient aujourd'hui au passé, on ne peut s'empêcher de croire que des compromis ont été faits.

Where the Wild Things Are aurait pu - aurait dû - être un film plus délinquant. J'ose espérer que Jonze honorera sa propre délinquance dans une prochaine offrande.

On t'aime Michel!

Autant j'avais hâte de découvrir le nouveau Spike Jonze, autant j'ai attendu à la toute dernière minute avant de me décider - enfin - à voir Les dames en bleu. J'avoue que l'idolâtrie maladive me rend mal à l'aise. Fantasmer sur quelqu'un au point où cet être inaccessible occupe tout l'espace de la vie intime constitue pourtant un phénomène assez courant. Et révélateur d'une misère affective beaucoup plus répandue qu'on ne pourrait le croire. J'ai quand même toujours de la difficulté à comprendre pourquoi des gens se liquéfient, fondent en larmes, paralysent ou s'évanouissent dès qu'ils se retrouvent enfin devant l'objet de leur affection.

Les admiratrices de Michel Louvain ne pourraient probablement pas vivre sans leur idole de toujours, mais elles restent quand même très respectueuses dans leur rapport avec celui qui les accompagne dans leur vie. À cet égard, le beau film de Claude Demers, qui prend l'affiche aujourd'hui après avoir ouvert la semaine dernière le Festival du nouveau cinéma, n'affiche ni complaisance ni condescendance.

Il est aussi très émouvant de voir toutes ces dames - nos mères, nos grands-mères - se permettre un petit moment de bonheur collectif - du feu plein les yeux - le temps d'une chanson. Quand elles se prénomment apparemment toutes Louise...

Tout à l'honneur d'un type qui, depuis plus de 50 ans, sait répondre avec grande classe à ces élans affectifs parfois démesurés. En ajoutant sa petite touche de romantisme bleu, le chanteur a su enjoliver la vie de tant de Québécoises qu'on ne peut faire autrement aujourd'hui que lui vouer notre admiration. Bravo M. Louvain.