Heureusement, l'industrie du cinéma n'a rien d'une science exacte. Bien entendu, des experts peuvent parfois tenter de prévoir les tendances du marché. Ils le font surtout pour des superproductions américaines tirées d'oeuvres déjà existantes, ou misant sur le succès passé d'une valeur sûre. Mais du côté des productions totalement originales, bien malin celui qui pourrait prédire quoi que ce soit avec certitude.

Nous en avons encore eu la preuve cette semaine. Pour toujours les Canadiens est un échec sans appel. Le peuple, pour qui le film a apparemment été conçu, n'a pas du tout suivi, probablement déjà saoulé par des célébrations du centenaire qui n'en finissaient plus de finir. J'avoue être quand même très surpris. S'il y a un film qui, sur papier, paraissait imperméable aux (mauvaises) critiques, c'est bien celui-là. C'est certainement ce qu'ont dû penser aussi les évaluateurs des institutions. Qui ont laissé passer ce projet comme une lettre à la poste.

On ne peut les blâmer. Tout ce que touche la sainte flanelle - à l'extérieur de la patinoire s'entend - se transforme habituellement en lingots d'or. La machine promotionnelle du CH est impeccablement huilée, cible de plus en plus les jeunes (ceux-là même que tentait d'attirer le film), et le prestige de l'organisation n'est jamais compromis par les déboires de l'équipe sur la glace. Avec de tels atouts dans son jeu, pourquoi le film de Sylvain Archambault a-t-il alors été un tel four?

C'est en voyant Invictus (à l'affiche aujourd'hui, voir critique) que j'ai pu oser un semblant d'explication. Le nouveau film de Clint Eastwood n'est pas parfait, loin de là, mais il a le mérite de faire écho à un événement sportif qui a réellement eu lieu. Eastwood n'a pas eu à inventer une finale hollywoodienne pour les besoins de son film. Le drame qu'il décrit est, en soi, digne d'un scénario hollywoodien.

Le dernier acte d'Invictus est en effet consacré à une partie de rugby mémorable, disputée lors de la finale de Coupe du monde de 1995 au Ellis Park Stadium de Johannesburg. Les Springboks d'Afrique du Sud, qualifiés d'office au tournoi à titre de représentants du pays hôte, affrontaient alors les puissants All Blacks de Nouvelle-Zélande, dont le célèbre «haka» (une danse guerrière maori) a pour but d'intimider l'adversaire avant chaque match.

Ce 24 juin 1995, sous le regard bienveillant du président Nelson Mandela, les Springboks, contre toute attente, ont arraché la victoire. Plusieurs y ont vu le symbole d'une réconciliation nationale dans un pays encore déchiré par des années de régime raciste. Il y a là une montée dramatique qui se révèle d'autant plus prenante que le spectateur sait qu'elle évoque un véritable moment historique.

Revenons à Pour toujours les Canadiens maintenant. Pour se coller aux célébrations du 100e anniversaire, les artisans ont dû camper leur récit dans la présente saison. Et inventer de toutes pièces une finale hollywoodienne (le Canadien en finale de la Coupe Stanley) à laquelle personne ne croit, mis à part certains disciples et quelques «pom pom boys» de RDS.

Le peuple a beau aimer le cinéma, il n'aime pas s'en faire passer une entre les jambières.

Avatar en 3D

J'ai vu Avatar. Vous connaissez la rengaine: je n'ai pas le droit de vous en parler avant la semaine prochaine. Même sous la torture, non. Motus et bouche cousue. On pourrait attenter à ma vie. Pire, je pourrais me faire dire que je manque d'éthique. Je sais, ce n'est pas bien de faire l'«agace» comme ça. Mais qu'est-ce qu'une petite misérable semaine d'attente comparativement aux années qu'il aura fallu à James Cameron pour réaliser un film à la hauteur de sa vision? Hein?

Cela dit, je glisse quand même un petit détail. On sait qu'Avatar est probablement le film le plus cher jamais tourné. Le budget - non officiel - serait d'environ 300 millions de dollars, et 200 autres auraient été investis pour assurer la publicité planétaire. On en est donc au demi-milliard de dollars. Cameron a inventé une caméra répondant exactement à ses besoins, et poussé la technologie dans ses derniers retranchements. Il a pris tout le temps nécessaire afin que les moyens techniques soient mis au point de façon optimale, histoire de faire honneur à ses images de synthèse. Bien.

Alors pourquoi, mais pourquoi, à l'arrivée, la qualité de projection du film est-elle tributaire d'une lunette 3D achetée probablement au rabais au rayon des cochonneries chez Wal-Mart?

Peut-être ai-je été simplement malchanceux. Mais j'ai dû constamment ajuster mes lunettes 3D pendant le visionnement. Les scènes de transition, et celles comportant des déplacements rapides, généraient parfois des moments plus flous.

La technologie 3D est remarquable. Et nous promet une expérience d'immersion totale. Encore faudrait-il avoir à l'autre bout des instruments qui en permettent l'usage sans que le spectateur doive ajuster constamment son focus...

Davantage de cinéma à eXcentris

Dans la catégorie «on vous avait prévenus»: eXcentris. Nous avons appris cette semaine la volonté de Daniel Langlois d'accroître l'offre de cinéma dans son célèbre complexe du boulevard Saint-Laurent. Même si elle emprunte un peu les allures d'un gâchis, il s'agit d'une excellente nouvelle. Du moins, pour les gens du milieu du cinéma. Le changement de vocation d'eXcentris s'est en effet révélé catastrophique pour les distributeurs spécialisés dans le cinéma d'auteur.

Même si le mandat de la salle Fellini devenait plus cinématographique, jamais l'établissement ne pourra retrouver sa vocation d'antan, la salle Cassavetes n'étant plus apte à accueillir du cinéma. Mais bon. On prend ce qu'on peut. Le volet «multidisciplinaire» n'ayant visiblement pas obtenu le succès escompté, il est clair qu'un volet «cinéma» serait d'ores et déjà assuré d'une clientèle non seulement fidèle mais aussi très en appétit. Souhaitons-nous ce cadeau.