Ma liste des meilleurs films de 2009 ne reflète pas tout à fait la réalité. À vrai dire, les deux plus grandes oeuvres cinématographiques vues cette année, toutes deux primées à Cannes, ne seront admissibles que l'an prochain, leur sortie québécoise n'étant prévue que dans deux mois.

Un prophète, le drame carcéral de Jacques Audiard (sortie le 26 février), se serait facilement glissé en tête de ce palmarès, suivi de près par Le ruban blanc de Michael Haneke (sortie le 5 février). Les quelques 400 autres productions attendues en 2010 auront fort à faire pour tenter de surclasser ces deux titres. La dernière année de la décennie n'a, par ailleurs, pas été transcendante, mais plusieurs beaux films se sont néanmoins distingués. Voici ceux que je retiens.

1. Up in the Air de Jason Reitman

Un film remarquable à tous points de vue, tant sur le plan de l'écriture, de la réalisation (Jason Reitman), que de l'interprétation. George Clooney propose une superbe composition bien sûr, mais aussi Vera Farmiga et Anna Kendrick. La grande beauté d'Up in the Air réside dans cette façon qu'a l'auteur cinéaste d'apostropher quelque chose dans l'air du temps, au-delà de tout cynisme. Sa compréhension empathique d'un monde affligé par des drames personnels découlant d'une crise sociale trouve un écrin magnifique. Le dosage entre l'humour et le drame est parfaitement calibré.

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2. Hommes à louer de Rodrigue Jean

Dans cet extraordinaire documentaire, Rodrigue Jean braque sa caméra sur les visages d'une douzaine de jeunes hommes qui s'adonnent à la prostitution dans le Village. Patiemment, le réalisateur de Lost Song donne la parole à ces p'tits poqués. Les témoignages sont là, bruts, plus éloquents que n'importe quelle étude, même s'ils sont parfois un peu tout croches. Du coup, ces êtres broyés à la moulinette de la marchandisation nous renvoient à la figure notre propre indolence collective. On en prend vraiment plein la gueule.

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3. Two Lovers de James Gray

Écrit spécifiquement pour Gwyneth Paltrow et Joaquin Phoenix (dont ce serait le dernier rôle), ce drame romantique s'inscrit parfaitement dans la démarche d'un cinéaste très influencé par les auteurs des années 70. Les émotions y sont abordées de façon très crue, de manière frontale. Le récit de Two Lovers a beau être articulé autour d'une histoire d'amour aux accents romanesques et tragiques, aucune trace de sentimentalisme ne peut être détectée. Ce film en devient d'autant plus bouleversant.

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4. Antichrist de Lars Von Trier

Plusieurs ont dit de ce film très controversé qu'il serait complètement passé inaperçu s'il n'avait pas été signé par Lars Von Trier. Or, l'intérêt d'Antichrist, qui est tout sauf aimable, réside dans le fait que ce brûlot soit éructé de l'esprit malade d'un cinéaste dont on suit la démarche depuis 20 ans. Antichrist est ce qu'il est, justement parce qu'il porte la signature de son auteur. Du coup, nous avons eu droit à l'une des aventures cinématographiques les plus dérangeantes de l'année, une plongée en apnée dans les plus sombres abîmes de la psyché humaine.

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5. Polytechnique de Denis Villeneuve

Une manière sobre et directe. Aucun épanchement. Encore moins de psychologisme. Denis Villeneuve nous entraîne entre les murs, parmi la faune étudiante qui, ce jour-là, ne pouvait soupçonner que son monde - notre monde - allait basculer dans la plus horrible des folies meurtrières. Des images en noir et blanc. Un symbolisme un peu lourd, un épilogue de trop. N'empêche que nous n'avons pas vu de film plus viscéralement bouleversant cette année.

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6. Inglourious Basterds de Quentin Tarantino

Il y avait du potentiel dans la version présentée en primeur à Cannes, mais aussi des ratés.

Le film présenté en salle quelques mois plus tard était beaucoup mieux resserré, et diablement plus efficace. En concoctant un drame de guerre loufoque aux allures de western spaghetti, Tarantino réinvente le cours de l'histoire. Rares sont les cinéastes qui peuvent tout oser de la sorte et nous offrir quelques scènes d'anthologie en prime.

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7. Entre les murs de Laurent Cantet

Lauréat de la Palme d'or à Cannes en 2008 grâce à ce film, Laurent Cantet propose un portrait de société saisissant, composé avec le concours d'ados fréquentant un collège «difficile». Véritable microcosme, la classe devient ainsi un espace où sont débattus des enjeux qui marquent notre époque: immigration, intégration, rapports d'autorité, relations hommes-femmes, etc. Le réalisateur de L'emploi du temps a trouvé dans l'approche de François Bégaudeau, le prof dont l'ouvrage est à l'origine du long métrage (et qui joue magnifiquement son propre rôle), la matière documentaire dont il avait besoin pour élaborer le film dont il rêvait sur le thème de l'éducation.

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8. Les plages d'Agnès d'Agnès Varda

Autoportrait remarquable d'une pionnière en son domaine. Une façon d'occuper l'espace, de le concevoir autrement, de le réinventer. Des images sublimes, inscrites pourtant sous le sceau d'une simplicité désarmante. Une femme de 80 ans se raconte, le coeur perpétuellement ouvert vers l'autre, l'oeil de l'artiste toujours aux aguets. Comme une intimité partagée avec autant de familles, liées par le sang ou la création. Une façon d'incarner l'art, de le rendre incroyablement vivant. Quand Agnès Varda se fait son cinéma, c'est vraiment très beau.

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9. Étreintes brisées de Pedro Almodovar

À la sortie de la première présentation de Los Abrazos Rotos au Festival de Cannes, un gros «bof» collectif s'est fait entendre. Pour moi, un film d'Almodovar n'est jamais «bof». Bien sûr, le cinéaste espagnol n'atteint peut-être pas ici la même grâce que dans Tout sur ma mère ou Parle avec elle, mais son nouveau film comporte néanmoins de remarquables qualités. Et se laissera revoir avec, toujours, un très grand plaisir.

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10. Nine de Rob Marshall

Ma sélection bonbon de l'année. Je ne suis pas «fan» de tous les «musicals» mais j'ai quand même, disons, un préjugé favorable. Et celle-ci est bien torchée. Penélope Cruz, Kate Hudson, Marion Cotillard, Fergie, Nicole Kidman... Des actrices (et un acteur) magnifiées; quelques numéros spectaculaires; une évocation de la grande époque du cinéma italien à travers le 81/2 de Fellini, le tout sous la direction très sûre de Rob Marshall, grand spécialiste du genre. Comment ne pas craquer?

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Cette chronique du vendredi fera relâche jusqu'au 5 février.