Dans Creation, qui sort bientôt sur nos écrans, Charles Darwin et ses enfants se baladent un jour en forêt lorsqu'ils tombent sur le spectacle cruel d'un petit lièvre tout mignon déchiqueté par un beau renard roux. Alors qu'une des petites filles de Darwin éclate en sanglots, sa soeur la console en lui expliquant que le renard a tué le lièvre pour pouvoir nourrir ses propres renardeaux et que tout cela participe d'un ordre naturel qui assure l'équilibre des espèces.

Dommage que la sagesse de la fille de Charles Darwin n'ait pas inspiré les producteurs de Earthlings, le film-choc qui a fait de Georges Laraque non pas un meilleur joueur de hockey, mais à tout le moins un ardent végétalien et le narrateur de Terriens, la version française du film. Emporté par son enthousiasme pour une cause qui le change des pubs sexistes pour boissons énergétiques, Laraque s'est engagé à présenter le film une fois par mois dans une salle louée à ses frais.

Bien que ce film réalisé et produit par l'animaliste Shaun Monson, et lancé en 2003, soit disponible gratuitement sur le web depuis des années, l'endossement de Laraque ne nuira pas à sa cause. Au contraire. Vendredi soir, ils étaient 500 dans la salle Marie-Gérin-Lajoie de l'UQAM à avoir répondu à l'invitation de l'attaquant du Canadien. C'est beaucoup de monde pour un petit vendredi soir et surtout pour un film qui n'est pas tant un film que le massacre sanglant d'à peu près tous les membres du règne animal, battus, torturés, éventrés, égorgés, électrocutés sous nos yeux grâce à la magie (sic) de caméras cachées, tout cela pendant 95 longues minutes.

Personnellement, je suis soulagée d'avoir vu le film sur mon ordinateur plutôt que sur un grand écran de cinéma tant le spectacle (si tant est qu'on peut utiliser ce mot) est insupportable d'horreur et donne à chaque scène envie de vomir. Toute la gamme de la consommation animale y passe: les animaux de compagnie élevés dans des chenils pourris; les veaux, vaches, cochons et poulets sacrifiés sur l'autel sanglant des carnivores; les animaux qui meurent pour le cuir de nos vestes et de nos souliers; ceux que l'on enferme dans les prisons des cirques et que l'on torture à des fins médicales dans le goulag des laboratoires.

Si l'homme est un loup pour l'homme, autant dire qu'il est un nazi pour l'animal. Pourtant, ce film où l'on rive toujours le même clou en faisant le procès d'un pouvoir cruel et sanglant, n'a pas fait de moi une végétalienne dans la nuit, comme ce fut le cas pour Laraque. J'ai d'ailleurs toujours trouvé suspectes ces conversions spontanées qui loin d'être le fruit d'une réflexion longuement mûrie sont souvent de l'ordre de la révélation divine et qui ultimement mènent à un fanatisme proche du religieux.

Mais ce n'est pas pour cela qu'après avoir vu Terriens, je n'ai pas renoncé aux belles tranches de jambon sans phosphates qui m'attendaient au comptoir de la charcuterie. C'est qu'à l'instar de plusieurs de mes contemporains, je refuse d'être manipulée et de faire les frais d'une campagne de propagande et de peur.

J'aime qu'on m'explique les choses avec intelligence, nuance et pondération. Pas qu'on m'assomme avec des images traumatisantes dont j'ignore la provenance.

Le problème avec un film furieusement militant comme Earthlings, c'est qu'il est tellement démagogue, réducteur et culpabilisant, qu'il perd toute crédibilité et finit par tuer les quelques idées intéressantes qu'il avance. Et c'est dommage, car le film aurait pu creuser des pistes importantes comme la surconsommation de la viande ou l'industrialisation de cette viande produite dans des conditions calamiteuses qui ont un effet dévastateur à la fois sur la vie des animaux et sur la santé des humains.

Le film aurait pu aussi, dans un souci d'équité, faire état des progrès accomplis dans le domaine des droits des animaux avec l'avènement des fermes bio ou avec la décision de plusieurs compagnies de cosmétiques de ne plus tester leurs produits sur les animaux ou encore avec l'éclosion d'une industrie textile qui produit de la fausse fourrure et du faux cuir aussi doux et beaux que les vrais.

Mais au lieu de nous éclairer et de jeter les bases d'une réelle réflexion collective, on nous assomme, on nous culpabilise, on nous montre image après image que les animaux sont des victimes, et nous les humains, d'infâmes bourreaux.

Jamais parmi les plans de papillons qui s'envolent dans un ciel pur et bleu ou de hordes de chevreuils qui gambadent dans les prés ne voit-on le plan d'un renard manger un lièvre avant d'être lui-même dévoré par un loup.

Jamais le film ne nous rappelle qu'un ours noir en manque de nourriture n'a aucun remords à faire deux bouchées du mouton qui a eu le malheur d'être sur son chemin.

Pour les animalistes, les animaux sont des anges sinon des saints martyrs innocents qui méritent plus de vivre que certains humains. C'est peut-être une façon de voir les êtres et les choses, mais désolée, je ne la partage pas.