En dix ans de fréquentation assidue, je n'avais jamais vu autant de gens à la conférence de presse des Rendez-vous du cinéma québécois. Salle archicomble hier matin pour un menu à l'avenant.

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Signe des temps. Le cinéma québécois se porte très bien. À preuve, l'offre extrêmement variée de ces 28es Rendez-vous, qui rouleront du 17 au 27 février (voir le texte de ma collègue Anabelle Nicoud ci-contre).

Ce sera l'occasion pour certains cinéphiles de rattraper des films restés trop peu longtemps à l'affiche, sinon plus ou moins ignorés lors de leur sortie en salles. Grande Ourse, la clé des possibles de Patrice Sauvé, par exemple, un film de genre éclaté, qui n'a pas connu le succès qu'il méritait (malgré la popularité de la série télé qui l'a inspiré).

Il n'y a rien comme le grand écran pour découvrir ou redécouvrir les magnifiques tableaux, figés dans le temps, de La donation de Bernard Émond, la force silencieuse et l'émotion brute de Polytechnique ou le foisonnement d'idées et la fronde de J'ai tué ma mère. Les finalistes de la soirée des Jutra seront dévoilés mardi prochain. Timing parfait.

Les Rendez-vous, tant s'en faut, ne se résument pas qu'à la rétrospective d'une (très bonne) année de cinéma québécois. On y attend plusieurs primeurs, dont l'énigmatique Looking for Anne de Takako Miyahira, campé à l'Île-du-Prince-Édouard et abordant en filigrane la fascination des Japonais pour le personnage du roman Anne... La maison aux pignons verts.

Une primeur que je ne voudrai pas rater: le film de clôture, Journal d'un coopérant de Robert Morin, qui incarne un personnage désillusionné par les mécaniques de l'aide humanitaire. Morin a conçu son film comme un blogue vidéo, en invitant les internautes à lui proposer des pistes scénaristiques sur le web. Intrigant projet d'un cinéaste unique.

Je suis aussi curieux de découvrir le film d'ouverture, La dernière fugue de Léa Pool, tourné au Québec et au Luxembourg, d'après le roman Une belle mort de Gil Courtemanche, qui traite du vieillissement et du droit à la mort. Avec, au coeur d'une solide distribution, Jacques Godin, un joyau national.

Les Rendez-vous offrent tant à voir, mais dans ma liste des incontournables, il y a certainement la rétrospective Bruno Dumont, en présence du cinéaste. De La vie de Jésus à Flandres, en passant par L'humanité, je suis un admirateur du cinéma cru, de vérité, de lenteur et d'âpreté, de cet auteur aussi fascinant que controversé, qui nous présentera son plus récent long métrage, Hadewijch, inédit au Québec.

Bruno Dumont proposera par ailleurs une leçon de cinéma le 26 février, comme avant lui (le 22) le producteur et fils de Roberto Rossellini, Renzo Rossellini, qui a travaillé aux côtés de Fellini, Antonioni, Herzog et Moretti. Excusez du peu.

Une suggestion de circonstance, dans le contexte de la tragédie haïtienne: la projection du très beau documentaire de Pedro Ruiz, La dérive douce d'un enfant de Petit-Goâve, suivie d'une rencontre avec son sujet, Dany Laferrière, animée par Marie-France Bazzo. Un autre documentaire à voir absolument: l'excellent et douloureux Hommes à louer de Rodrigue Jean.

Dans la série Doc'n'Roll, que je pourrais rebaptiser «Dans mes cordes», se trouvent les films La bête volumineuse, un portrait de l'auteur-compositeur-interprète Fred Fortin par l'homme de cinéma et de théâtre Antoine Laprise, Miroir noir, un regard impressionniste de Vincent Morisset sur le célèbre groupe montréalais Arcade Fire, ainsi qu'un documentaire de Pierre-Alexandre Bouchard sur les aléas de la tournée avec WD-40.

Au rayon des curiosités: les courts métrages Love & Volts de Normand Daneau, d'après un scénario de Frédéric Ouellet, King Chicken de Nicolas Bolduc, avec Fanny Malette, et Plus ou moins 24 heures après la mort de Heath Ledger de Marie-Ève Beaumont, avec Éric Bernier. Pourquoi ceux-là plutôt que d'autres? Parce que ce sont des sujets qui m'intriguent et des acteurs que j'adore.

Ces Rendez-vous auront aussi pour moi un air de nostalgie. En toute fin de parcours, le 27 février, de midi à 3 h du matin, sera organisée pour la première fois une fête hivernale à l'extérieur, dans la rue Saint-Denis et la place Pasteur. On y installera, pour la tombée du jour, un cinéparc d'hiver aux sièges «légèrement chauffés», comme l'a précisé hier la directrice générale Ségolène Roederer.

Du cinéma en plein air, en plein hiver, pour assumer pleinement notre nordicité. On projettera, à minuit, LE classique de mon enfance, La guerre des tuques, après un concours de répliques du film: «La guerre, la guerre, c'est pas une raison pour se faire mal!», «T'as de la neige là», «T'as un trou dans ta mitaine», «Des flans, des flans, c'est quoi ça des flans?», «C'est ma dernière, la veux-tu?», etc.

Surtout, pendant la journée, il y aura des activités de toutes sortes pour enfants de tous âges (j'en suis), autour d'une réplique grandeur nature du château-fort de La guerre des tuques. Ça fait plus de 25 ans que j'en rêve...

(Cette chronique a été écrite en écoutant, en boucle, L'amour a pris son temps de Nathalie Simard.)