Le Conseil québécois sur le tabac et la santé vient de décerner son prix Cendrier au film Les pieds dans le vide parce que, dit-il, la «présence du tabac y est marquée et attrayante». Le film de Mariloup Wolfe a été préféré par un jury à Dédé à travers les brumes de Jean-Philippe Duval, qui montre - attention - Dédé Fortin composer une chanson... en fumant.

De père en flic, qui tourne en dérision une thérapie nouvel-âgeuse en nature, a reçu le prix Oxygène de «l'usage responsable» du tabac à l'écran. L'un des finalistes, Pour toujours les Canadiens, un publireportage sur les 100 ans du CH, a mordu la poussière (ou la cendre), même si aucune image de Guy Lafleur s'en grillant une entre deux périodes n'a été retenue au montage.

Les lauréats internationaux des prix Oxygène et Cendrier sont respectivement Twilight: New Moon, une bluette sentimentale mettant en vedette une vierge et ses vampires, et Nine, l'adaptation d'une comédie musicale inspirée de 81/2 de Fellini (tourné à une époque où l'on fumait comme on respire).

Le Conseil québécois sur le tabac et la santé a souligné, au moment de remettre son prix à Les pieds dans le vide, que son «jeune héros athlétique, rebelle et friand de sensations fortes s'allume une cigarette à tout propos». Les critères qui ont guidé le jury, composé d'un réalisateur, un comédien, une scénariste, un professeur en marketing et une représentante du Conseil québécois sur le tabac et la santé? Le message véhiculé par les scènes de tabagisme, le nombre et l'importance des personnages qui fument, et le nombre de scènes de consommation de tabac.

Mise en garde: cette chronique ne vise d'aucune façon à minimiser les risques pour la santé du tabagisme, ni de nier l'influence sur la consommation de tabac d'images liées à la cigarette au cinéma.

«Nous voulons sensibiliser les créateurs au fait que la présence du tabac à l'écran a un impact, en particulier sur les jeunes, m'a expliqué hier la porte-parole du Conseil québécois sur le tabac et la santé, Nathalie Juteau. Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas une intention de la part des créateurs qu'il n'y a pas d'effet.»

Le placement de produits liés au tabac serait plus efficace sur les jeunes que la publicité traditionnelle, selon une étude américaine (publiée dans The Lancet en 2003) ayant déterminé que la présence de personnages fumant à l'écran se traduit par des profits supplémentaires de quelque 900 millions de dollars par année pour les compagnies de tabac.

«Pourquoi montrer des images séduisantes du tabac quand celui-ci pue et rend malade?» demande avec un humour involontaire le Conseil québécois sur le tabac et la santé, sur le site web qui chapeaute les prix Oxygène et Cendrier (www.filmsansfiltre.ca).

Pourquoi? Parce qu'aussi incroyable que cela puisse paraître, il y a encore aujourd'hui des gens qui fument. Et qu'à une époque très récente, ils n'étaient même pas considérés comme des parias. «Dans les films, les conséquences néfastes du tabagisme sont rarement montrées, alors qu'en réalité, un fumeur sur deux en meurt», se désole l'organisme.

C'est là que je décroche (à défaut d'écraser; je ne fume pas). Je n'ai rien contre les campagnes de prévention. J'en ai, en revanche, contre le prosélytisme de ceux qui regrettent qu'un film ne soit pas une oeuvre de propagande antitabac.

Le Conseil québécois sur le tabac et la santé ne reproche pas seulement à Dédé à travers les brumes de montrer Dédé Fortin qui compose une chanson en fumant plutôt qu'en sirotant une tisane à la camomille. Il s'inquiète aussi, sur le site filmsansfiltre.ca, de voir le personnage de Michel Côté dans C.R.A.Z.Y. avoir une cigarette au bec... au milieu des années 70! Aussi bien s'indigner du port d'arme dans Polytechnique.

L'organisme condamne aussi «l'héroïne» de Maman Last Call (2005), une journaliste qui fume au bureau, «ce qui est interdit depuis 1999». Si je voulais être aussi tatillon, je préciserais que Maman Last Call est l'adaptation d'un roman écrit en 1995 et qu'à l'époque - je peux en témoigner -, Nathalie Petrowski fumait comme une cheminée en pleine salle de rédaction.

Vous ne trouvez pas que cela s'apparente à de la censure? ai-je demandé à la porte-parole du Conseil québécois sur le tabac et la santé. «Non, m'a-t-elle répondu. L'objectif n'est surtout pas de bannir toute représentation du tabac à l'écran.» Si vous le dites.