L'an dernier à pareille date, l'organisation de la Soirée des Jutra était au beau milieu de la tourmente. Sa crédibilité était remise en doute à cause d'une méthode de sélection dont les résultats se révélaient pour le moins discutables.

Après un premier tour auprès de l'ensemble des membres des différentes associations professionnelle, un film unanimement salué avait été «oublié» (Tout est parfait), et une actrice célèbre fut sélectionnée du simple fait de sa notoriété. La performance de Susan Sarandon dans Emotional Arihtmetic n'était pourtant pas plus transcendante que le film pour lequel elle était nommée.

On pourrait aligner d'autres exemples. Point besoin d'être fin limier pour deviner que tous les films admissibles n'avaient pas été obligatoirement vus par ceux qui retournaient leur bulletin de vote. D'où ces bizarreries. Une fois le constat fait et l'abcès crevé, il fallait maintenant trouver une autre méthode. Mais laquelle?

Parmi les professionnels - particulièrement les créateurs - plusieurs souhaitaient le remplacement du système électif universel par la mise en place d'un jury formé de pairs. Personnellement, j'étais un peu sceptique. Vrai qu'avec un jury, les risques qu'un film moins «visible» échappe à l'attention des votants est moindre. Le milieu du cinéma québécois étant très petit, voire incestueux, trouver des pairs impartiaux à l'abri de toute apparence de conflit d'intérêts semblait toutefois relever de l'exercice de haute voltige.

Le conseil d'administration de la Soirée des Jutra a finalement opté pour une solution mitoyenne: la liste des nominations est d'abord établie par un jury; les gagnants sont ensuite déterminés au suffrage universel par tous les membres de l'ensemble des associations professionnelles.

Le temps nous dira si, dans les circonstances, cette solution se révèle être la meilleure. Le nouveau système aura toutefois eu le mérite, dès son entrée en vigueur, de faire redécouvrir une oeuvre passée complètement inaperçue lors de sa sortie.

En sélectionnant Le jour avant le lendemain quatre fois, notamment dans les catégories les plus prestigieuses (meilleur film et meilleure réalisation), le jury a forcé les professionnels - et tous les observateurs - à porter leur attention sur un film qui, pour la plupart, leur avait échappé. Il n'est pas dit que le très beau drame inuit de Marie-Hélène Cousineau et Madeline Piujuq Ivalu sortira grand vainqueur de la soirée dimanche, mais ses nominations lui auront donné une nouvelle visibilité. L'effet Jutra, c'est aussi ça.

Cela étant, oui, le film de Bernard Émond (La donation) aurait mérité mieux; oui, certains auteurs plus confidentiels n'ont pas la reconnaissance souhaitée; oui, De père en flic aurait pu être mieux représenté, surtout quand on rappelle les 12 nominations de Bon Cop, Bad Cop. Il n'y aura jamais de système parfait.

Mais ne serait-ce que pour avoir donné un peu de lumière à un beau film injustement ignoré lors de sa sortie, les Jutra «formule améliorée» ont déjà réussi un bel accomplissement.

On fait exprès ou quoi?

On compte sur les doigts d'une main les émissions consacrées au cinéma, tant à la télé qu'à la radio. Quel moment, pensez-vous, a choisi la Première Chaîne de Radio-Canada pour diffuser à la radio de trop rares émissions conçues autour de personnalités du septième art? Je vous le donne en mille: dimanche soir, PENDANT le gala des Jutra! Deux émissions spéciales sont inscrites au programme.

À 20 h, Hommage à Gilles Carle avec témoignages de Micheline Lanctôt et Jean-Claude Labrecque. À 21 h, Patrick Masbourian propose Pierre Falardeau, parler de liberté, une émission visant à faire découvrir «la face B» du regretté cinéaste. Vraiment dommage que ces émissions soient programmées un soir où tout le milieu du cinéma québécois est déjà mobilisé par autre chose. Souhaitons la possibilité de les rattraper sur le web plus tard.

Par ailleurs, sachez que les films à l'affiche au cinéma Parallèle aujourd'hui sont présentés par les cinéastes qui les ont réalisés. À 18 h, Benjamin Hogue et Pierre-Luc Gouin décriront leurs rencontres avec Claude Péloquin, coloré poète au centre de leur documentaire Le chômeur de la mort. À 19 h 30, au tour de Sylvain L'espérance d'accompagner la présentation de son nouveau film Intérieurs du delta. Enfin, à 21 h 15, Robert Morin sera sur place pour commenter son fameux Journal d'un coopérant, un film peu aimable mais ô combien puissant. Reste juste à souhaiter que personne ne le confonde avec son personnage...

Vendredi prochain étant férié, cette chronique revient le 9 avril.